Il l’a fait, et de la plus belle des manières. Maillot arc-en-ciel sur le dos et en solitaire, Peter Sagan est allé décrocher le premier Monument de sa carrière. Le centième Tour des Flandres restera historique. Mais surtout, il restera celui du Slovaque, qui a été monstrueux.

Seul au monde

C’était une sensation étrange. Comme si Peter Sagan ne savait pas quoi faire, au moment de franchir la ligne d’arrivée. Il a réajusté son maillot, regardé autour de lui, harangué le public puis a simplement écarté les bras, comme pour dire : « Voilà, maintenant, est-ce que ça va ? » Depuis plusieurs saisons, le monde du vélo a appris a aimer le fantasque slovaque. Mais il n’a aussi jamais cessé de lui reprocher une chose : qu’il n’ait pas encore accroché de très grande épreuve à son palmarès. C’est désormais chose faite. Et pas n’importe comment. On attendait une course de folie : après les premières épreuves pavées, il ne pouvait en être autrement. On l’a eu, notamment grâce à Sagan. Mais parce qu’un champion ne peut se sublimer seul, Kwiatkowski, Vanmarcke et surtout Cancellara lui ont offert la résistance dont il avait besoin pour l’emporter avec panache.

Le duel avec le Suisse restera d’ailleurs longtemps gravé dans les mémoires. Tout comme cette envolée décisive dans le Paterberg. Quand Vanmarcke, dernier homme à l’accompagner, restait collé au pavé, Sagan donnait l’impression de marcher sur l’eau. Avec aisance et fluidité, il n’a laissé aucune chance, à personne. Pas même à Cancellara, qui malgré ses grosses cuisses et sa volonté de tirer sa révérence au Ronde sur une victoire, a été aussi impuissant que les autres. Forcément, on a pensé à un passage de témoin. Sagan et le Paterberg en 2016 rappellent tellement Cancellara et le Grammont en 2010. Car Sagan était juste trop fort. Jamais il n’a semblé douter, ni lorsqu’il est sorti après le Taaienberg, ni dans le Vieux Quaremont, ni dans le Paterberg. Et encore moins une fois qu’il avait basculé au sommet de cette dernière difficulté. L’enfant de Zilina se savait intouchable. Tous ses rivaux attendaient de voir quand il bougerait, mais il a réussi à les surprendre. « S’ils ne veulent pas rouler avec moi, alors le mieux est simplement de lâcher tout le monde », expliquait-il à l’arrivée. Surveillé comme personne, le Slovaque a préféré la jouer comme celui qui est au dessus de tous les autres et qui le sait.

Là où on l’attendait

Aujourd’hui, il a donc fait taire tous ses détracteurs. L’homme qui ne savait pas gagner a remporté deux classiques, et pas des moindres, en seulement une semaine. Il n’est plus question de malédiction du maillot de champion du monde, ou même d’un problème Sagan. Le Slovaque a montré, sur Gand-Wevelgem dimanche dernier et cette fois sur le Tour des Flandres, que le panache peut mener à la victoire. Il aurait pu agir différemment à de nombreux endroits stratégiques. Mais il a voulu y aller seul, comme pour bien exposer sa domination. Car si Sagan ne gagne pas partout, tout le temps, il n’en reste pas moins sans concurrence sur les classiques. Il est le patron et il n’a laissé personne en douter dans les bergs du Ronde. De sa sortie du bus, ce dimanche matin sur un air de Star Wars, jusqu’au podium protocolaire, il a été au centre de l’attention. Alors il a répondu présent, et procuré les plus belles émotions de la saison jusqu’à maintenant. En terminant, une fois la ligne d’arrivée franchie, par ce wheeling que tout le monde attendait. Parce que Sagan, même vainqueur d’un Monument, reste Sagan. Un grand enfant, qui aime jouer avec ses adversaires, attaquer et faire le spectacle. Et gagner, de temps en temps.

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