Le Slovaque ne semble jamais épargné par les critiques, sans doute parce que son potentiel incite à toujours attendre des miracles de sa part. Mais alors qu’il avait démarré la saison timidement, et qu’il est un peu passé à côté de son printemps, l’approche du Tour de France semble le transcender.

La Suisse, comme toujours

Depuis 2011 et son premier Tour de Suisse terminé, Peter Sagan n’a jamais traversé l’épreuve helvétique sans lever les bras au moins une fois. En cinq participations, il a ainsi décroché onze bouquets – ce qui le place au même niveau que Ferdi Kübler et Hugo Koblet. La preuve que malgré des débuts de saison chaque fois bien différents, il sait se ressaisir dans les moments importants. Ces quatre dernières années, ce passage en Suisse est en effet synonyme d’ultime préparation avant la Grande Boucle, sur laquelle le Slovaque a toujours le même objectif : décrocher le maillot vert. Si chaque année, il gagne un peu moins sur la grande messe de juillet (trois victoires en 2012, une seule en 2013 et aucune en 2014), le natif de Zilina est toujours monté sur le podium parisien. Même la saison passée, lorsqu’il avait éprouvé beaucoup de mal à gagner entre janvier et mai. Mais comme toujours, en juin, il avait mis le nez à la fenêtre et rassuré tout le monde avant le Tour.

Cette semaine, il est également dans cette logique. Si son printemps a été compliqué, depuis sa reprise en Californie, il n’est plus le même homme. Le classicman est redevenu un sprinteur, et un sprinteur efficace. Outre-Atlantique, il a décroché deux bouquets et n’a terminé qu’une seule étape hors du podium : à la sixième place ! Le signe d’une domination outrageuse forcément frappante, qui se poursuit désormais en territoire helvète. En forme dès le prologue qu’il a terminé quatrième, Sagan a décroché deux victoires d’étapes en six jours, prouvant qu’il était bien dans ses temps de passage. Et si les finals d’étapes tortueux, que certains critiquent même pour leur dangerosité, ont de quoi aider le Slovaque, lui ne s’en préoccupe pas vraiment. « Le tracé n’est pas dangereux en lui-même. C’est dangereux parce que nous sommes fous ! Je crois que les virages sont un moyen d’étirer le peloton, ce qui, à mon avis, rend moins dangereux les sprints que sur une large ligne droite », lâchait-il après son deuxième succès. Et en même temps, si Cavendish et Degenkolb ne lui disputent pas les sprints, ce n’est pas son problème.

La passe de 4 en juillet ?

Evidemment, on a hâte de voir le sprinteur de l’équipe Tinkoff disputer le maillot vert sur le Tour, d’autant qu’il va devoir faire face à de nouvelles difficultés. Contrairement aux deux éditions précédentes, il devra composer avec la présence d’un leader imposant au sein de son équipe, à savoir Alberto Contador. L’équipe sera davantage bâtie autour de l’Espagnol que du Slovaque, et même si Sagan a déjà fait étalage de ses capacités à gagner seul, un isolement trop prononcé pourrait à force lui porter préjudice. Mais surtout, le nouveau barème pour le maillot appelé par habitude du « meilleur sprinteur » pourrait redistribuer les cartes. Désireux de rendre plus serrée la bataille pour ce paletot distinctif, les organisateurs ont en effet prévu de primer encore un peu plus la victoire. Alors que jusqu’ici, le vainqueur ne marquait « que » dix points de plus que son dauphin sur une étape de plaine “sans difficulté particulière”, l’écart sera désormais de vingt points – 50 au premier, 30 au deuxième.

« Lorsque nous avons la quasi-certitude que l’étape se finira au sprint, on donnera un bonus au vainqueur », avait expliqué Thierry Gouvenou, le directeur de course, lors de la présentation du Tour 2015. Avec près de 150 points d’avance au classement du maillot vert l’an dernier, Sagan avait une grosse marge qui sur le papier, ne sera pas remise en question par ce nouveau barème. Mais il faut aussi noter que Kristoff ou Kittel, ses principaux concurrents, n’avaient pas vraiment cherchés à grappiller des points tant le Slovaque était intouchable. Désormais, l’idée de monter sur la boîte à Paris pourrait leur trotter dans la tête et les inciter à disputer, notamment, les sprints intermédiaires. Pour Sagan en tout cas, si quatrième maillot vert il y a au terme des trois semaines, il risque d’être plus compliqué à aller chercher que les trois premiers. Mais c’est le prix à payer pour entrer dans l’histoire, puisqu’il égalerait Sean Kelly dans le palmarès du Tour, et ne serait plus devancé que par Erik Zabel. Parce qu’on en a désormais l’habitude, celui que l’on surnomme Rambo est un homme de records.

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