A Richmond, son premier titre mondial avait prouvé à ceux qui doutaient de lui quel champion il était. Depuis, beaucoup de choses ont changé. Aujourd’hui, plus personne ne remet en question le statut de Peter Sagan, véritable patron du peloton. Son deuxième maillot arc-en-ciel, décroché ce dimanche à Doha, est le symbole de sa nouvelle dimension.

Bis repetita

Il a les cheveux un peu plus longs que l’année dernière, mais son bonheur est le même. Sur le podium, Peter Sagan a le sourire naïf, comme s’il ne se rendait pas compte de ce qu’il venait de faire. Il se contente d’offrir de sincères accolades à Mark Cavendish et Tom Boonen, qu’il a battu au sprint. Quelques minutes plus tôt, les trois hommes espéraient encore décrocher le paletot irisé de champion du monde. Tous les trois voulaient inscrire une deuxième fois leur nom au palmarès. Mais le Slovaque n’a laissé aucune chance à ses deux aînés. « Je n’y crois pas, je suis encore sous le choc », assurait Sagan avant de monter sur le podium récupérer sa médaille et son maillot arc-en-ciel. Il était sans doute le seul. Personne n’était en réalité surpris de le voir s’imposer, malgré un parcours qui lui correspondait moins que l’an passé aux Etats-Unis. Preuve qu’il est devenu le monstre du peloton, celui qui partout où il passe, est annoncé comme l’un des favoris. A juste titre.

Pour l’enfant de Zilina, la journée aurait pourtant pu basculer du mauvais côté à 150 kilomètres de l’arrivée. Quand les Britanniques ont lancé un coup de bordure, il a failli se faire surprendre. « J’étais d’abord dans le deuxième groupe puis j’ai réussi à faire la jonction, confiait-il après la course. J’ai été le dernier à revenir devant. » Accompagné de son frère Juraj et de Michael Kolar – exactement comme l’année dernière -, Sagan s’est donc planqué, beaucoup. Laissant les Belges et les Italiens mettre hors course tous ceux qui n’avaient pas été assez vigilants, c’est à dire les Français et les Allemands. Un temps, on s’est dit que le récent champion d’Europe allait donc tenter de sortir pour anticiper le sprint final. Sur le papier, il avait intérêt à le faire, et s’avérait être l’un des rares capables de réussir dans une telle entreprise. Mais lui n’a pas jugé nécessaire de s’employer trop tôt. Il savait qu’après plus de 250 bornes, il avait toutes ses chances dans la dernière ligne droite.

« He’s the king »

« Il y avait un fort vent de face, alors j’ai décidé de sprinter depuis l’arrière, racontait-il. J’ai été un peu chanceux parce que Nizzolo ne m’a pas fermé la porte. Il aurait pu le faire. » L’Italien, fair-play, a donc vu le Slovaque débouler sur sa droite, et aller faire la nique à Cavendish et Boonen, de l’autre côté de la route. Quelques hectomètres pour entrer dans l’histoire. Avec ce doublé, Peter Sagan rejoint un club très fermé, où cohabitaient jusqu’à maintenant Georges Ronsse, Rik Van Steenbergen, Rik Van Looy, Gianni Bugno et Paolo Bettini. Il conclut aussi une saison invraisemblable, qui l’aura vu décrocher son premier monument au printemps sur le Tour des Flandres, puis trois étapes de la Grande Boucle, un titre de champion d’Europe à la fin de l’été et la place de numéro un mondial à l’automne. Un bilan gargantuesque pour celui qui, à 26 ans, est devenu l’ogre du cyclisme mondial en même temps que son meilleur ambassadeur.

Alors ce succès mondial, il est allé le chercher sans pression. « Qu’est-ce que j’ai à perdre ? », lâchait-il face à la presse il y a quelques jours. Pas grand chose, effectivement. Il avait beaucoup plus à gagner, et c’est ce qu’il a fait. Sans oublier, une fois la ligne franchie, de rendre hommage à tous ceux qui l’accompagnent, jusqu’à ses amis de Zilina, présents pour l’occasion, et qui lui ont fait dire qu’il « devait [s’]imposer aujourd’hui ». Ne restait alors qu’à fêter dignement ce deuxième sacre, une perspective qui donnait le sourire au principal intéressé. « Il y a un an aux Etats-Unis, ils avaient déjà fermé tous les bars ! Alors on verra bien comment ça se passe ce soir. Mais je ne sais pas si c’est possible de faire la fête ici ! » Une petite pique envers le Qatar – souvent pointé du doigt – de la part d’un homme qui avait défendu les droits de l’homme il y a un an à Richmond. Mais Sagan a pu se le permettre parce que même au pays des princes, il est le roi. C’est son coéquipier Michael Kolar qui le dit : « He’s the king ».

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