Le Giro et la Vuelta qui se disputent en même temps, pendant quelques jours, au mois d’octobre. Tout le monde à l’entraînement au mois de juillet. Une ligne restée vierge au palmarès de Paris-Roubaix. Quand on racontera cette saison à de jeunes adolescents, dans vingt ans, il faudra un canapé confortable, une bière fraîche ou un chocolat chaud, selon la saison, et une après-midi devant soi pour s’attarder sur les détails. Le vélo, ce milieu où règne la tradition, où l’on parle de monuments pour désigner des courses auxquelles il ne nous viendrait pas à l’idée de changer le moindre virage, n’était pas prêt pour ça. Moins adaptable, par essence, que des sports disputés en intérieur ou au moins en espace clos.
Et pourtant. Il y a eu ce gamin slovène de 21 ans qui en quelques coups de pédale, a renversé la plus grande course du monde pour se parer de jaune. Il y a eu des Français heureux, en septembre à Imola, d’autres beaucoup moins, quelques semaines plus tôt, à Nice puis dans les Pyrénées et les Alpes. Cette saison ramassée a offert des surprises et confirmée des tendances, rappelant que malgré toutes les particularités du calendrier, on avait toujours affaire à des bonhommes qui se font mal aux jambes pendant sept heures ou trois semaines. On a donc perdu beaucoup de choses, depuis près d’un an, mais pas nos émotions devant de grandes courses de vélo. Pendant que l’on croise les doigts pour vivre une année 2021 aussi banale que possible, ce qui serait bon signe, chaque rédacteur vous fait ainsi revivre sa victoire marquante des douze derniers mois.
Sagan sur le Giro par Stéphane Deneits
« Acclamez moi ! » Oui Peter, nous t’avons acclamé. Parce que c’était bigrement mérité que tu aies pu lever les bras sous les vivas, au terme d’une aventure qui a marqué cette année de cyclisme si particulière. Sur les bords de l’Adriatique, tu étais trempé du casque à la socquette, après 179 kilomètres de toboggan en direction de Tortoreto, lors de la dixième étape du Tour d’Italie. Au beau milieu de ce Giro si atypique, si surprenant, tu as pris la poudre d’escampette avec d’autres compagnons de fugue. On t’a déjà vu le faire sur les grands Tours, essentiellement pour scorer dans les classements par points. Mais là, on a bien senti, dans les ultimes kilomètres de cette étape, qu’il y avait autre chose. L’envie de prouver que tu étais encore là. Le désir de montrer que tu avais toujours l’envie de marquer les esprits. Le souhait de faire plaisir au public. Et tu nous auras fait plaisir. Au tableau d’honneur de 2020, ta place est amplement méritée.
Alaphilippe à Nice par Roman Bouquet Littre
Cette victoire a été mon repère dans une saison qui en a manqué, un succès rassurant dans une période bouleversée. Au matin du 30 août 2020 à Nice, le plan de Julian Alaphilippe était des plus classiques, des plus prévisibles, tant le final de cette deuxième étape du Tour de France faisait valoir ses qualités intrinsèques de puncheur. Attaque dans les plus forts pourcentages du col des Quatre Chemins, plongeon vertigineux sur Nice, sprint victorieux sur la promenade des Anglais gratifié du maillot jaune. Depuis l’officialisation de ce tracé accidenté, j’attendais ce moment. Et pour une fois cette année, rien n’a trahi l’évidence, pas la pandémie, pas même Marc Hirschi. En 2020, je n’ai pas trouvé plus symbolique que ce maillot jaune tant attendu, que les larmes de Julian dédiant ce tissu à son (re)père disparu.
Pogacar à Laruns par Gaëtan Bellevue
L’étape de Laruns sur le Tour de France 2020 a sacré une nouvelle génération pleine d’audace et résume finalement bien la saison. Il y a d’abord eu l’incroyable show de Marc Hirschi, soliste pendant 80 kilomètres, mais échouant à quelques centaines de mètres d’une victoire qui aurait marqué les mémoires. Déjà battu par Alaphilippe en début de Tour, Hirschi franchit un cap ; il sera finalement récompensé à Sarran quatre jours plus tard et sera l’un des principaux acteurs de la fin de saison. On retrouve aussi les prémices du retournement de situation de La Planche des Belles Filles, avec un Roglic impérial épicier qui n’essaye pas de tuer le Tour, tandis que Pogacar, bourreau du Suisse à Laruns, prend peu à peu la stature d’un sérieux prétendant au général. Laruns est le début d’un duel slovène qui aura marqué l’année 2020, des Vosges aux Ardennes belges en passant par Imola. Et nul ne doute qu’on les reverra en 2021.
Evenepoel au Tour de Pologne par Théo Bourguignon
Dans une épreuve une nouvelle fois marquée par l’horreur, le prodige belge avait un message à faire passer. Remco Evenepoel a attaqué en solitaire à 51 kilomètres de l’arrivée et personne ne l’a revu. À l’arrivée, les écarts sont colossaux : son plus proche poursuivant, Jakob Fuglsang, accuse près de deux minutes de retard, tandis que les suivants, Simon Yates, Rafal Majka et Diego Ulissi, sont éparpillés dans la campagne polonaise et franchissent la ligne avec deux voire trois minutes de débours. Ce jour-là, il n’y avait décidément rien à faire pour contrecarrer les plans du Belge. Trop rapide, trop puissant, trop déterminé aussi, puisqu’en coupant la ligne, Remco Evenepoel, sans célébrer sa victoire, brandit le dossard 75 de son coéquipier Fabio Jakobsen, grièvement blessé quelques jours auparavant. Classe. En deux mots : trop fort.
Pogacar à la Planche des Belles Filles par Benjamin Rousselot
En jaune depuis l’arrivée de la neuvième étape, le Tour de France semblait s’offrir à Primoz Roglic. C’est finalement avec le casque de guingois et les yeux baissés, trahissant son impuissance, qu’il se présenta au sommet de la Planche des Belles Filles. Auteur d’une performance stratosphérique, son adversaire Tadej Pogacar était survolté. A mesure que les kilomètres défilaient et que l’avance de Roglic fondait comme neige au soleil, le maillot jaune tanguait. Devant à chaque point intermédiaire, c’est dans l’ascension du mont vosgien que Pogacar porta l’ultime coup de poignard à son aîné. Les mots manquent pour qualifier la performance du jeune Slovène sur les terres de Thibaut Pinot. Sa victoire est celle d’un prodige et la Planche des Belles Filles restera le théâtre de sa prise de pouvoir. Signé Pogastar, comme le titrait L’Equipe le lendemain.
Alaphilippe à Imola par Renaud Breban
Malheureux sur les trois dernières éditions des Mondiaux, Julian Alaphilippe n’a pas perdu sa rage de victoire. Entouré par une équipe 100 % dédiée à sa cause, il n’a pas raté le coche. Discret durant toute la journée, il a réussi à dynamiter la concurrence dans l’ultime ascension de la côte de Gallisterna. Il s’envole alors avec son style reconnaissable entre mille : déhanchements, grimaces et barbichette au vent. L’arc-en-ciel ne pouvait pas lui échapper encore une fois. Son sacre est venu. C’est la victoire que je retiens de cette saison. Présent sur place, dans un contexte sanitaire que l’on connait, l’ambiance était particulière en Italie. Alaphilippe n’était pas forcément le favori numéro un, mais sa victoire paraissait logique pour tout le monde. Ce maillot irisé récompense l’un des coureurs les plus fascinants des dernières saisons.
Cavagna sur la Faun-Ardèche Classic par Vickaine Csomporow
Cette victoire est peut-être anecdotique mais pour moi, elle a une valeur particulière. J’étais présent ce jour-là à l’arrivée et cela parait être il y a une éternité. Depuis, le coronavirus est passé par là. A ce moment-là, les premières inquiétudes commençaient à monter. Aux Emirats arabes unis, des étapes avaient été annulées et des coureurs touchés par la maladie. Pourtant, ce 29 février, l’ambiance est à l’insouciance sur les bords du Rhône. Les équipes ont encore le droit à des présentations avec public. Le masque n’existe pas. Les fans peuvent approcher les coureurs, et au bus Deceuninck-Quick Step, tout le monde attend Julian Alaphilippe. C’est finalement son coéquipier Rémi Cavagna qui va illuminer cette journée pluvieuse. Parti très tôt dans l’échappée, il s’impose en solitaire avec presque trois minutes d’avance. Par hasard avant le départ, j’ai la chance de prendre le futur vainqueur en photo, face à moi, comme pour une photo d’un album Panini.
Van der Poel sur le Tour des Flandres par François Mathou
Le duel entre Van der Poel et Van Aert sur le Ronde a déjà tout du grand classique. Annoncés depuis longtemps comme de futurs cadors sur route, les deux ogres du cyclo-cross se sont présentés sur ce Tour des Flandres avec une forme optimale et surtout l’envie d’en découdre. Une semaine plus tôt, ils ont fait monter la pression sur Gand-Wevelgem, le Belge accusant le Néerlandais d’avoir couru pour le faire perdre. Le jour J, le scénario est à la hauteur des attentes : détachés en compagnie d’Alaphilippe à 40 kilomètres de l’arrivée, ils se disputent seuls la victoire après la chute du Français, comme un signe du destin. Sur la dernière ligne droite, la dramaturgie est à son comble : un sprint lancé presque à l’arrêt, une lente remontée de Van Aert, et finalement une victoire de Van der Poel pour quelques centimètres. Une première d’anthologie dans un duel qui n’a pas fini de nous faire rêver.
Tres bons choix! En plus j’ai eu la chance de les voir toutes en direct! Sympa aussi le clin d’œil de la victoire de Cavagna, qui n’est certes pas de la même portée que les autres mais qui en raison du contexte vaut la peine d’être souligner
La plus incroyable pour moi reste celle de Sagan au Giro, celle qui m’a procurée le plus d’émotions c’est bien sûr celle de Julian au championnat du monde
Van Aert à San Remo ou aux Strade, c’était pas mal non plus !
Je rentiendrais la victoire de Sagan à Tortoreto (parce que c’est Sagan, parce que ça lui permet de rentrer dans le cercle des vainqueurs sur les 3 GT, que c’est sa première victoire depuis plus d’un an et que l’étape fut très spectaculaire), celle d’Alaphilippe aux mondiaux (parce qu’un français en arc-en-ciel), celle de Van Aert au Strade Bianche (parce que c’était la reprise, que c’est le début de sa formidable série victorieuse et que la course fut très spectaculaire aussi – même si celui qui m’a le plus impressionné, c’est Fuglsang) et celle de Schachmann en ouverture de Paris-Nice (parce que la Course au soleil est la dernière course avant la pause-Covid, qu’il y a eu des rebondissements et que j’adore à titre perso Paris-Nice)
Mon commentaire hier n’est pas passé, alors je le reposte ce matin. Je retiens quatre victoires : Celle de Sagan sur le Giro, parce que c’est Sagan, que l’étape fut spectaculaire, que ça lui a permis d’entrer dans le cercle des vainqueurs sur les trois GT et qu’il n’avais pas gagné depuis plus d’un an. Celle d’Alaphilippe au mondiaux, parce qu’un français en arc-en-ciel, c’est génial et que j’étais comme un fou devant ma télé Celle de Van Aert sur les Strade Bianche, parce que c’était la reprise, que ça inaugure la superbe saison du Belge un an après sa chute sur le Tour (quand on pense qu’il a déclaré après la course au micro de Claire Bricogne que sa saison était d’ores et déjà réussies grâce à cette victoire, comment qualifier sa saison désormais…) et que la course fut très intéressante à suivre (même si celui qui m’a vraiment impressionné, c’est Fuglsang qui fait tout péter à plus de 50 km de l’arrivée) Et enfin celle de Schachmann en ouverture de Paris-Nice, parce que la Course au soleil fut la dernière course avant la pause-Covid (et qu’on en avait peur à ce moment-là, sans en être sûr pour autant),… Lire la suite »
Bis !… ;) En fait votre commentaire, très intéressant cela dit, était “passé”, mais j’ai eu aussi quelques soucis pour poster le mien en étant obligé de me “réinscrire”… ?!
Nous avons eu une opération de maintenance ce week-end qui a pu être responsable de ça, pas d’inquiétude tout est réglé.
Les commentaires et les nouveaux articles s’affichent sur mon téléphone, mais pas sur mon pc, d’où ce double commentaire
Difficile pour moi de donner autre chose que la victoire d’Alaphilippe aux mondiaux…
Oui mon Loulou à Imola c´est clair que ca marque la saison coté pile; coté face son invraisemblable show à Liège prendrai une jolie place en tète de liste des flops de l´année.
il semblerai que sa perte du maillot jaune sur le Tour 2019 ne rentrerai pas dans les clous du réglement au niveau des prises de temps selon un recent article de Di Grazia; bizzare ou normal que son equipe n´est pas poussée le bouchon plus loin ?