Quatre secondes de bonifications. Le mince gain de Vincenzo Nibali peut prêter à sourire au soir d’une étape qui aurait clairement pu creuser des écarts si Contador s’était montré un peu plus audacieux. Mais à défaut de glaner du temps, le Requin de Messine a gagné en confiance aujourd’hui en testant un Chris Froome moins impérial qu’à l’accoutumé. Il lui faut désormais accepter de porter ce manteau de chasseur du Britannique qui ne sied jamais à personne.

Inquiéter l’inamovible Sky

Quatre-vingt kilomètres de l’arrivée, la route ne s’élève pas encore. Pourtant, Markel Irizar prend la tête du peloton, suivi par des coureurs de la Astana et de la Bahrein-Merida. Ce week-end est décisif, tout le monde en a saisi l’importance. Alors les formations rivales de la Sky enclenchent la chasse derrière l’échappée pour piquer l’étape promise à Rafal Majka. Loin d’une quelconque animosité envers le grimpeur Polonais, les équipiers se mettent à la planche pour tester l’adhérence du rouge de Chris Froome, Vincenzo Nibali au premier chef. Le peloton reprend une minute et trente seconde en moins de dix kilomètres. La couleur est annoncée. La Katusha, puis la Quick-Step prennent même le relais un peu plus loin. Mais à cinq kilomètres du but, le rouleau compresseur britannique ramasse les commandes, lassé d’attendre sagement. Avec la force de l’habitude, le Team Sky dirige à nouveau la course, impose le tempo pour empêcher les audacieux d’espérer. À la recherche du statut quo.

Finalement, c’est le désespéré Esteban Chaves qui fait chauffer ses cuisses pour lancer, enfin, la course à quatre kilomètres de l’arrivée. À sa poursuite, Alberto Contador et Vincenzo Nibali accélèrent. La Sky reste stoïque, à l’image de son leader en rouge. En contrôle. Devant, les deux seuls coureurs en activité aux trois grands tours se détachent. Vincenzo Nibali, à son aise, emmène un Contador toujours rassurant dans son sillage. Les deux hommes sont des légendes de la petite reine, l’Italien est à moins d’une minute de Chris Froome au général, l’Espagnol dans une forme estomaquante depuis une semaine, mais la Sky ne panique pas, jamais. Et lorsque l’occasion se présente de pousser Chris Froome, enfin isolé à moins de trois kilomètres de l’arrivée, dans ses derniers retranchements, le lancinant doute instillé par les Britanniques dans l’esprit de ses rivaux opère.

L’erreur de Contador

Car devant, le duo Nibali-Contador patine. Pourtant, chacun peut réaliser une très belle affaire. Vincenzo Nibali grappiller sur Chris Froome, Alberto Contador continuer sa “remontada” déjà promise à la postérité. Si le Sicilien insiste pour poursuivre l’effort, le Madrilène refuse de passer. Etonnant. La frilosité du Pistolero est palpable, lui qui n’est pourtant pas avare en coup de pédale depuis le début de cette Vuelta n’est d’aucune aide. Froome, comme un lancinant rappel à la réalité du vélo d’aujourd’hui, recolle alors sur les deux hommes. Aux côtés du Britannique, Wilko Kelderman et Ilnur Zakarin, deux coureurs qui précédent Alberto Contador au général, ainsi que Miguel Angel Lopez, qui le talonne. Incroyable de panache ces derniers jours, Alberto Contador a clairement commis une erreur et a remis en jeu des rivaux qu’il aurait pu effacer. Il ne s’agit pas là de dresser une uchronie de cette étape en éclaboussant le Pistolero de vitriole, mais son attitude coûte clairement la brillance que le final dans la Sierra de la Pandera aurait pu revêtir. Et la première victime n’est autre que l’Espagnol lui-même.

Car au moment de passer la ligne d’arrivée, Alberto Contador accusait le coup d’un jeu d’accélération qu’il ne peut plus assumer avec la vigueur de ses jeunes années. Alors que le jeune superman colombien Lopez distançait les favoris, Wilco Kelderman et Ilnur Zakarin s’accrochaient à Chris Froome et son dauphin pour terminer le col. En coupant la ligne six secondes plus tard, Alberto Contador perdait un temps qu’il aurait probablement gagné en collaborant avec Vincenzo Nibali. Un manque de lucidité, d’intention ou de force que l’Espagnol peut regretter. L’Italien lui, a droit de nourrir quelque amertume contre son partenaire du jour, mais a très bien compris que Chris Froome n’était pas intouchable sur ce Tour d’Espagne. Il a fragilisé un statut quo qui pourrait rapidement se briser. On attendait un week-end bouillant sur la Vuelta, sans briller le premier acte laisse songeur pour le second, demain à la Sierra Nevada. Car le temps joue pour Vincenzo Nibali, spécialiste des troisièmes semaines folles, plus que pour Chris Froome dont le Tour pourrait commencer à peser très lourd dans les jambes. Toujours insondable, le Britannique ressent, en plus, certainement les stigmates de sa double chute de jeudi. Seule chose certaine, la Vuelta est à un tournant. Et tout le monde connaît l’habileté de Nibali…

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