Des quatre fantastiques, le Colombien est le plus jeune. Il est aussi le seul qui n’a jamais gagné le Tour de France. Et pourtant, s’il ne fallait désigner qu’un seul favori au moment du départ d’Utrecht, ce serait sans doute lui. Tellement impressionnant en montagne, il a les cartes en main pour dominer une Grande Boucle annoncée comme la plus disputée de ces dernières années.
Pourquoi on peut y croire
Il grimpe comme personne. Lorsque la route s’élève, il y a Quintana et les autres. Avec son poids plume (59 kg), le Colombien semble voler dans les cols, en France ou ailleurs. Souvent bon observateurs, il sait accélérer au bon moment, et une fois qu’il se dandine rapidement de droite à gauche, il est quasiment impossible de lui tenir tête. Cette saison, il ne l’a pas beaucoup montré, mais il faut dire qu’il n’a plus grand chose à prouver de ce côté là. Il n’empêche que l’étape reine de Tirreno, vers le Terminillo, a suffit à rassurer tout le monde. Pas impressionné par la neige qui tombait en masse, Quintana a tout fait péter, y compris Contador et Pinot. Au sommet, tout le monde était relégué à près d’une minute. Le leader de la Movistar, lui, était sur une autre planète : la sienne, celle à laquelle il est seul à pouvoir prétendre dès lors qu’il s’agit de grimper.
Il a l’habitude de monter en puissance. Si les dix premiers jours de course peuvent faire perdre le Tour à n’importe qui, pour gagner, il faudra surtout faire la différence en deuxième partie d’épreuve. Ca tombe bien pour Quintana, qui sur ses précédents grands tours, a toujours réussi à démarrer plus ou moins tranquillement avant de passer à la vitesse supérieure. Sur le Tour 2013, il avait fallu attendre la 16e étape pour le voir entrer dans le top 5, et même l’arrivée à l’Alpe d’Huez, trois jours avant l’arrivée, pour le voir sur le podium. Sur le Giro 2014, qu’il a remporté, idem. C’est seulement dans la dernière semaine qu’il a fait la différence pour s’emparer du maillot rose et ne plus le lâcher. Avec le programme alpestre que propose la Grande Boucle cette année, être au top en fin d’épreuve sera donc crucial.
Il fait mieux à chaque fois. Sur la Vuelta 2012, son premier grand tour et avec un rôle de lieutenant pour Valverde, Quintana avait terminé 36e. Un début prometteur qui ne laissait pas imaginer que quelques mois plus tard, sur le Tour, il terminerait deuxième. En revanche, après ce mois de juillet 2013 incroyable, on attendait la confirmation sur le Giro 2014 : elle est venue, avec un sacre presque logique. Finalement, sur chaque épreuve de trois semaines, le Colombien fait donc mieux que sur la précédente. La dernière Vuelta se met en peu en travers de cette analyse, mais sans ses deux chutes consécutives – sur le contre-la-montre et l’étape de montagne suivante -, sans doute n’aurait-il pas abandonné. Avec le maillot rouge sur le dos et face à un duo Contador-Froome usé par une préparation tronquée, il avait toutes les chances de gagner. L’affrontement a donc été quelque peu reporté, mais c’est le moment : gagner sur le Tour serait un nouveau cap pour Quintana, et le seul moyen de faire mieux que par le passé.
Pourquoi on ne peut pas y croire
Il n’est pas habitué à gérer une telle pression. Si, comme prévu, il joue la victoire, il devra faire face à une pression médiatique qu’il n’a pour le moment jamais connue. En 2013 sur le Tour, il était la surprise sur qui les observateurs s’extasiaient, et sur le Giro 2014, il n’avait pas sur lui la lumière que pourrait l’obliger à supporter la Grande Boucle. Au contraire, ses trois rivaux, qui ont déjà remporté le Tour, savent à quoi s’attendre. Froome a connu une atmosphère très particulière en 2013, avec des suspicions de dopage presque étalées sur la place publique. Contador a su courir contre sa propre équipe en 2009, lorsque la formation Astana était articulée autour d’Armstrong. Enfin, Nibali a vécu un Tour où on n’a cessé de lui reprocher l’absence de véritables concurrents. Quintana a donc encore beaucoup à apprendre.
Y’a-t-il vraiment autre chose qui puisse le faire perdre ? Bien sûr, comme les autres, il pourrait être pris dans une bordure en première semaine ou surtout chuter sur les pavés mardi prochain. Mais en plus d’une défaillance, ce sont bien les seules choses qui, sur le papier, puissent le faire perdre. Il semble au dessus de Froome, Nibali et Contador, et seul un fait de course pourrait réellement le sortir de la bagarre pour le maillot jaune. Tactiquement, si les trois larrons se liguent contre Quintana, il pourrait aussi être en difficulté. Mais c’est une hypothèse qui revient chaque année pour tenter de déjouer la marche en avant du favori, sans que cela ne se réalise jamais. Voilà pourquoi Quintana a une longueur d’avance, qu’il fera tout pour conserver.
Pardon pour la rectification : ce n’est pas à cause de la chute sur le chrono de Borja qu’il a abandonné la Vuelta 2014, son retrait de l’épreuve était dû à sa seconde chute le lendemain qui lui avait occasionné une fracture complexe de l’omoplate droite.