Il y a deux années de cela, le Tour de Pologne s’était exceptionnellement déroulé en plein mois de juillet, afin d’éviter l’interférence avec les Jeux Olympiques de Londres en août. Auteur en 2012 d’une saison pleine, le jeune prodige italien Moreno Moser avait fait étalage d’une classe issue d’un nom de famille autorisant toutes les spéculations. Victoire d’étape là où il le fallait et classement général en poche, c’était pouvait-on penser le début d’un beau palmarès. Mais depuis son succès lors des Strade Bianche en 2013, le jeune homme se fait plus que discret, entre maladies et repos forcé. Peut-il avoir le déclic sur la course qui l’a propulsé en haut de l’affiche ?

Un nom difficile à porter

S’appeler Moser, c’est un peu comme s’appeler Hinault ou Anquetil côté français. Un nom qui fait inévitablement référence au glorieux aîné que fut tonton Francesco, vainqueur du Giro en 1984, de trois Paris-Roubaix et de 27 étapes sur les grands tours. Une figure du cyclisme transalpin et une famille de cyclistes donc, qui explique de manière naturelle les attentes inévitablement fortes en la nouvelle génération des Moser. D’autant plus quand les premiers résultats coïncident avec la tradition du milieu. Cinquième du Giro Bio, victorieux sur sa deuxième course professionnelle et pas des moindres pour un Italien, à savoir le Trofeo Laigueglia, sa progression à l’échelon professionnel s’est faite sans soucis, remportant également le Grand Prix de Francfort en solitaire, et montant sur le podium de son premier championnat national. Le Tour de Pologne était donc une opportunité en or, dans une certaine ombre médiatique, pour y signer ses premiers grands faits d’arme.

Au coude à coude tout au long de la semaine avec des garçons comme Kwiatkowski et Henao, encore catalogués comme des simples espoirs, il rafle la mise finale en patron. Gagner une course World Tour à 21 ans vous classe forcément un coureur, mais n’était-ce pas trop prématuré ? Au sein d’une équipe Cannondale se concentrant de plus en plus sur la jeunesse et avec le seul Peter Sagan en chef de file régulier, Moser s’est probablement retrouvé trop tôt sur le devant de la scène, malgré une confirmation en fin de saison marquée par cette deuxième place sur le Grand Prix de Montréal. Arrivé avec un temps d’avance sur les autres jeunes talents, le voici désormais revenu à un rang poussif, incertain voire moyen. En aurait-on trop fait, ou alors, les attentes étaient-elles positionnées trop haut sur l’échelle de ses possibilités ? En tout cas, il semblerait que n’est pas un grand Moser qui veut.

Un programme de courses à optimiser

Mais le véritable signal d’alarme concernant les performances et la tournure récente de la carrière de ce champion en devenir concerne la gestion de son propre corps. De son aveu même lors d’une interview en début d’année consacrée à Tuttobici, Moser déclarait que pour lui, « les exagérations avaient été pénibles », et qu’il était passé de « phénomène à inconnu.” “Tout m’est arrivé sans que je demande quoi que ce soit », expliqua-t-il pour sa défense. Mais ce coup d’arrêt n’est sans doute pas étranger à cette défaillance de son système de défenses immunitaires, qui avait entraîné une fatigue générale brutale, et une saison 2013 non conforme à ses espérances. Coûte que coûte, il semble que le staff de la Cannondale se soit acharné à le faire courir afin de trouver un rythme qu’il n’a jamais atteint, hormis sur cette étape de l’Alpe d’Huez au cours d’un Tour de France éprouvant. Résultat, un arrêt forcé dès le mois d’août pour revenir sur des bases plus saines.

Les jeunes coureurs, on le sait, sont particulièrement soucieux de se voir attribuer un planning conforme à leurs aptitudes, et ne supportent généralement pas les excès. Dans le cas présent, Moreno Moser a indiscutablement fait les frais d’un calendrier trop chargé. De quoi également provoquer des blessures plus handicapantes. Son printemps 2014 s’est transformé en un calvaire, la faute à une déchirure musculaire au genou ne lui permettant de revenir qu’à la dernière minute pour son premier Giro, peu concluant au passage. Quelque chose qui mériterait sûrement consultation à l’avenir et une bien meilleure répartition, sous peine de voir une pépite exploser en vol. Son avenir est d’ailleurs toujours incertain. Si Sagan, Basso et Bodnar sont pressentis chez Tinkoff, il semble qu’il pourrait faire partie des quelques coureurs prometteurs destinés à une fusion avec la Garmin. Ce Tour de Pologne tombe donc à pic afin d’engranger à nouveau une certaine confiance, et remonter la pente en vue d’une fin de saison qui lui correspond assez bien. Il est temps de tourner la page.

Buy me a coffeeOffrir un café
La Chronique du Vélo s'arrête, mais vous pouvez continuer de donner et participer aux frais pour que le site reste accessible.