Ce mercredi, l’organisateur, entre autres, de Milan-Sanremo, a présenté le parcours de la prochaine Primavera. Et c’est un petit séisme. Cette classique avoisinant les mythiques 300 kilomètres est une incontournable du circuit mondial, très populaire et également indécise quand à son sort. Explication royale sur le Lungomare de la Via Roma , bataille de puncheurs dans le Poggio, ou victoire d’un homme seul ? C’est tout le charme de cette classique qui ouvre le bal du printemps cycliste, très riche en émotions. Sauf que, désormais, tout pourrait changer…

Une course unique, banalisée ?

Milan–Sanremo est une course vraiment pas comme les autres. A la simple évocation de son nom, on respire le vélo et l’histoire de ce sport. Sa distance marathon, la longue plaine du Pô, ses mythiques capi, la côte ligurienne et des paysages qu’on trouve nulle part ailleurs sur une épreuve cycliste… Une fois réunis, c’est la folie qui s’empare de la Primavera, des tifosi en transe derrière leurs protégés et présents en masse sur la célèbre Via Roma. La principale difficulté mis à part la longueur repose bel et bien sur ses capi, ces petites bosses en bord de mer qui s’apparenteraient la plupart du temps à de vulgaires faux plat sur des étapes du Giro, mais qui accumulées aux autres pièges de la course, deviennent un véritable enfer. Malgré tout, ce sont régulièrement les sprinteurs qui tirent les marrons du feu, car la dernière difficulté, le Poggio, n’est pas spécialement sélective. C’est cependant dans cette bosse ainsi que dans la Cipressa que les baroudeurs tentent leurs assauts explosifs, avant d’entamer une descente sinueuse menant dans la ville de San Remo. Tant de suspense qui a contribué à faire de cette épreuve l’une des courses les plus renommées mondialement.

Instaurée en 1907, cela fait désormais plus d’un siècle que cette course est parmi nous, mais non sans modifications. Voulant augmenter les chances des puncheurs, c’est la Cipressa qui a fait son introduction, avant que la redoutable côte du Manie fasse la sienne, en 2009. 6 kms à 6% et des passages très pentus qui ont de quoi éloigner, ou au moins sérieusement puiser dans les réserves des bolides des lignes droites. Placé à mi-parcours, cela ne laissait aucun temps pour souffler aux hommes en délicatesse. Bilan, depuis cette apparition, seule l’édition 2009 s’est conclue par un sprint massif, avec la victoire de Mark Cavendish. 2011, 2012 et 2013 ont successivement vu des petits groupes se détacher dans le Poggio, signe que les puncheurs étaient bel et bien servis, et que l’équilibre était respecté. C’est aussi en 2012 qu’une idée quelque peu farfelue monta à la tête des responsables de RCS. Raccourcir l’arrivée et la placer juste en bas de la descente. Officiellement pour avantager les attaquants, mais on devine bien que leur rêve est de voir Vincenzo Nibali y lever les bras en descendeur… Pendant ce temps, pour cause de travaux publics, c’est un mythe dans le mythe qui disparaît avec l’éviction de la « Via Roma ». L’arrivée se tient désormais sur le Lungomare Calvino, une ligne droite qui a son charme, mais beaucoup moins que l’originale… Toutes ces transformations, petit à petit, continuent de dénaturer le charme qu’incarnait et incarne encore, pour certains, la Primavera.

Un triptyque final pour conclure

Cette chaîne de rectifications d’un parcours sans pareil est inexorable et a connu son dernier épisode hier après-midi. Lors d’une conférence de presse, RCS Sport annonce l’introduction d’un nouveau capi, la Pompeiana. Une belle bosse de cinq kilomètres à 5% de moyenne sur les hauteurs d’Arma di Taggia. Une pente trompeuse qui cache la véritable difficulté de ce nouvel obstacle, qui se révèle très irrégulier. Si son pied est relativement roulant, un beau passage à 14% attendra le peloton à mi-montée, avant une fin plus douce. Venant s’insérer entre les deux anciens juge de paix qu’étaient la Cipressa et le Poggio, ce nouveau coup de cul vient occuper une nouvelle place stratégique dans le final toujours nerveux de Milan–Sanremo. Première victime, le Manie. Cette redoutable côte insérée il y a quatre années de cela après la descente du Turchino avait souvent le mérite de créer des cassures et d’éliminer prématurément quelques sprinteurs du plateau. Fini cette configuration, place à un triple enchaînement qui sera sans nul doute avalé à toute vitesse par ce qu’il restera du peloton. C’est donc un pari risqué que prend l’organisation. Sacrifier une première sélection lointaine pour favoriser les offensives déjà très présentes auparavant avec une occasion de plus pour créer la différence.

Cependant, si les puncheurs voient le parcours remodelé comme une aubaine, rien ne nous garantit une course à l’offensive pour autant. Réputée pour ses derniers kilomètres haletants, « MSR » ne changera pas forcément, et le risque d’un gros marquage est toujours présent, en repoussant les attaques au dernier moment. Dans tous les cas, l’intérêt de cette ratification n’est toujours pas compris au sein des amoureux de la petite reine. Un parcours mythique doit rester inchangé ! Un peu de bon sens, change t-on le parcours de l’Enfer du Nord pour changer la physionomie ? Non, et tout le monde s’en porte bien. A court terme, si ce nouveau schéma se confirme, la Classicissima pourrait en partie puis totalement désintéresser les sprinteurs, qui voyaient en cette dernière l’une des rares classiques leur étant attegnables. Autre raison qui donne tort à RCS, l’équilibrage des fameux monuments. A force de vouloir faire la part belle aux grimpeurs et autres spécialistes des pentes abruptes, on en oublierait les autres types de coureurs, et rendraient les plus belles courses de notre sport fatalement prévisibles, comme le Tour des Flandres tend à le devenir… Pour revenir à la racine, rien ne rendait obligatoire ce changement de parcours, qui semble malheureusement s’inscrire dans la lignée du cyclisme moderne. Aux frais des plus fidèles fans qui le garderont sûrement en travers de la gorge…

 

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