Entre un premier week-end montagneux et quelques étapes de sprint, c’est une étape piégeuse assez traditionnelle sur les routes du Tour d’Italie qui avait lieu en ce mercredi, entre Collecchio et Savone, le long de la côte ligurienne, à deux pas de Sanremo. La veille du contre-la-montre de 46 kilomètres, il fallait alors se coltiner l’étape la plus longue du Giro, parsemée de deux cols, et propice aux attaquants. Au final, l’échappée fut neutralisée, et c’est un homme seul qui a tenu en respect le peloton, en la personne de Michael Rogers. Une juste récompense après une attaque osée et une descente remarquable, qui amènera le sourire au sein de l’équipe Tinkoff.

Un scénario imprévisible jusqu’au bout

Ce matin au départ d’une étape annoncée comme marathon, et redoutable pour les principaux protagonistes si les événements venaient à s’emballer, l’issue retenue dans toutes les têtes était celle d’une échappée consistante réussissant à se faire la malle et à s’expliquer pour la victoire dans les derniers kilomètres. Quelque chose à laquelle on a longtemps cru puisqu’une échappée de 22 hommes allait immédiatement prendre la fuite, mais c’était sans compter sur quelques éléments gênants. Julian Arredondo, dynamiteur annoncé de ce Giro, mais surtout… Steve Morabito, lieutenant d’Evans, et cinquième du général à 1’31”. Vraiment pas de quoi leur laisser un bon de sortie, et tout ce beau monde fut rattrapé, au point qu’à l’entame du Passo Cento Croci, le peloton était groupé. Le signe que les baroudeurs ne seraient pas à la fête aujourd’hui ? C’est même paradoxal, puisque l’équipe Androni, d’habitude la première à se jeter à l’eau, à condamné les chances du deuxième groupe d’échappées, ne voyant pas l’un de ses membres parmi ceux situés à l’avant. Alors, tout s’est réduit au Naso di Gatto, un beau col, ayant démontré la supériorité nette d’Arredondo, et l’incapacité de faire la différence, malgré le faux rythme permanent des BMC. Et à ce jeu là, c’est dans la descente qu’il fallait jouer sa carte, ce qu’a parfaitement compris Michael Rogers, ancienne gloire mondiale du contre-la-montre.

Prenant tout les risques, l’Australien de la Tinkoff a dépensé ses forces sans compter dans la quête d’une victoire d’étape, salvatrice après l’épisode de sa suspension provisoire lors d’un contrôle discutable au clenbutérol sur la dernière Japan Cup. Retrouvant ses fameuses jambes de rouleur lui ayant permis de décrocher trois titres successifs de champion du monde dans la discipline chronométrée, Rogers a rapidement creusé l’écart sur un peloton un temps endormi, et un temps en pagaille. L’écart n’a jamais cessé d’osciller, et plus particulièrement dans les trois terribles derniers kilomètres d’un homme de tête usé après 250 kilomètres de course, mais l’excès de temporisation d’un groupe favoris courant à l’économie a scellé la victoire de l’aussie, âgé de 34 ans. Comme l’on en voit de moins en moins, c’est au terme d’un véritable numéro solitaire que le vainqueur du Tour de Bavière en 2012 obtient la première victoire d’étape de l’équipe russo-danoise Tinkoff-Saxo, malchanceuse depuis le départ avec Nicolas Roche, mais dans le coup avec Rafal Majka. Un bon de sortie parfaitement exploité après des jours de travail acharné pour son leader polonais, qui s’inscrit dans la lignée du défilé australien en vogue depuis le départ de Belfast.

La route des vins occupe les esprits

Car, sans enlever tout le mérite de Michael Rogers, il faut dire que les favoris ou les baroudeurs attendus n’ont pas particulièrement semblés déterminés pour barrer la route à la machine de Barham, profitant des circonstances. Arredondo avait beau voler sur les pentes du Naso di Gatto, il s’est volontairement freiné afin d’attendre un valeureux Preidler, rescapé de l’échappée, annoncé non partant dans la matinée et se faisant violence pour accrocher la roue du Colombien de l’équipe Trek. La porte était donc ouverte à un retour derrière, mais seuls Zardini, Pierre Rolland encore, et Franco Pellizotti ont daignés mettre le nez à la fenêtre pour revenir sur le duo et Dani Moreno, échappé depuis Collecchio. Un attentisme relatif qui s’explique par la présence du gros contre-la-montre individuel de ce Tour d’Italie, qui hante déjà les protagonistes de l’édition 2014. Les quarante-six kilomètres reliant Barbaresco et Barolo, à travers des routes bucoliques, laisseront une empreinte non négligeable au niveau des écarts, et au lieu de vouloir reprendre du temps sur leurs adversaires, les favoris ont préféré rester au chaud.

Cadel Evans confortablement épaulé par sa garde rapprochée, l’équipe Omega Pharma présente autour de Rigoberto Uran, la Belkin pour protéger Wilco Kelderman et Herrada en capitaine de route pour Quintana, tel était le schéma à l’avant du peloton amoindri au sommet de la dernière difficulté. Plus encore, les potentiels candidats à une victoire d’étape n’ont que très peu fait rouler leurs équipes, qui s’y sont pris trop tard pour revenir sur un homme seul du calibre de Rogers, capable de résister à une meute entière déchaînée. Seuls les Giant, ou Bardiani ont essayé d’assurer la poursuite, sans succès. La preuve que les étapes clés du Giro et surtout cette troisième semaine décrite comme gargantuesque, avec les arrivées au sommet d’Oropa, Montecampione, de Val Martello, du Rifugio Panarotta, du Zoncolan ainsi que le cronoscalata sur le Monte Grappa fige les tactiques des coureurs du Tour d’Italie, craintifs au moment de se lancer dans des offensives, certes spectaculaires, mais qui pourraient se payer cher à Trieste. Assurément, on devrait y voir plus clair quand à la lutte pour le maillot rose demain soir.

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