Cela fait un peu plus de trois ans qu’on a perdu la trace d’Andy Schleck, du vrai. Celui qui trustait le haut de l’affiche. Durant ces trois saisons, le Luxembourgeois a erré dans un peloton qu’il avait autrefois dompté, et qui semblait désormais ne plus vouloir de lui. Entre les blessures, une hygiène de vie loin d’être irréprochable et un mental souvent pointé du doigt, le cadet de la fratrie a subi énormément de critiques. Avant d’annoncer son retrait, ce jeudi. On essaiera donc de retenir le meilleur d’une carrière intense et très contrastée.

Mystère démesuré

Certains, depuis l’annonce de la retraite du natif de Luxembourg, parlent de « plus grand gâchis de la décennie », voire un peu plus encore. Ils sont à côté de la plaque. Andy a gagné, et pas qu’un peu. Il est de ce fait tout sauf un espoir qui n’a pas confirmé. Lövkvist, Gerdemann, Brajkovic ou Fothen font partie de cette catégorie, pas Schleck. Andy est juste inclassable. Entre l’ascension folle jusqu’en 2011, et la descente aux enfers depuis, on ne sait toujours pas ce qu’il s’est passé. Ras le bol psychologique, déclin physique inattendu ? D’autres mettent en avant l’hypothèse d’un changement de pratiques après le contrôle positif de Fränk. On tentera d’en faire abstraction, parce qu’il n’est plus l’heure de casser du sucre sur le dos de la fratrie. Andy, depuis trois ans, a essuyé assez de critiques (y compris de notre part) pour qu’on s’abstienne maintenant qu’il ne fait plus partie du peloton. A 29 ans, la décision est d’un côté très surprenante, chacune de ses interviews laissant transparaître une confiance certaine en l’avenir, mais était devenue de plus en plus prévisible ces derniers mois.

Et finalement, c’est peut-être mieux comme ça. Le nom « Schleck » a aujourd’hui une résonnance dans le cyclisme, mais à force de ne pas comprendre d’où venait cette plus ou moins relative déchéance, ces quelques lettres ont surtout commencé à amener l’agacement. Et parfois même le désintérêt. Il était acquis depuis bien des mois qu’Andy n’était plus un grand de son sport, incapable de jouer la gagne sur les épreuves qu’il remportait jadis, et même parfois de franchir la ligne d’arrivée. On n’a jamais connu le Luxembourgeois assez sûr de lui pour prendre des risques, mais en 2012, la situation est devenue critique. On ne sait toujours pas pourquoi, et on en vient même à se demander si le principal intéressé à une explication convaincante à fournir. Il faudra attendre quelques années pour que les langues, si elles ont quelque chose à dire, se délient. Histoire de peut-être lever le voile sur le mystère d’une carrière qui a rapidement connu les hauts, avant un accès privilégié aux bas fonds…

Alors cette carrière, réussie ?

Bien sûr, compte tenu de son potentiel, Andy aurait pu espérer remporter plusieurs grands tours et des classiques de renom. Mais son caractère, la présence imposante de son frère et la concurrence ont fait qu’il a dû se contenter d’un peu moins. Un Tour de France, un Liège-Bastogne-Liège, et des places d’honneur à tour de bras (deux fois deuxième du Tour, deuxième du Giro, deuxième de la Flèche, troisième de Liège), c’est donc ce qui restera des dix saisons professionnelles du Luxembourgeois. Beaucoup en rêveraient, surtout qu’il a dû faire face à Alberto Contador ou Philippe Gilbert, des coureurs qui ont marqué bien plus que leur simple génération. En prenant un peu de recul, et même si ses grands résultats ne s’étalent que sur quatre ans, le palmarès de Schleck a tout de ceux des grands – on n’a pas dit des très grands. Et c’est pour ça qu’on ne peut pas dire qu’Andy a été un gâchis.

Il a certes exaspéré, et pas qu’une fois, semblant ne pas être conscient de son potentiel, ou courant plus pour son frère que pour lui. Mais dans l’ensemble, Andy Schleck restera avant tout comme l’un des meilleurs grimpeurs de son époque, capable de faire trembler Alberto Contador notamment. Désormais, il va pouvoir penser à autre chose, et n’aura plus à répondre aux incessantes questions sur « un retour à son meilleur niveau ». Un soulagement, on n’en doute pas, pour un homme qui n’a jamais vraiment apprécié la lumière démesurée. Lui que l’on a si souvent présenté comme le « beau perdant », toujours deuxième et toujours (trop ?) faire-play, va enfin pouvoir mener sa vie comme il l’entend, sans la pression des managers ou des médias. La seule chose qui le rattachera désormais au monde du cyclisme sera Fränk, mais le frangin sera excusé, question de complicité. Reste qu’Andy sur un vélo, c’est terminé, et ça fait bizarre. Parce que nous, quand on pense Andy Schleck, on voit avant tout un maillot jaune. Et pas forcément celui qui déraille dans le Port de Balès…

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