En s’élançant du Yorkshire, le Tour de France version 2014 devait faire un choix entre un préambule axé sur le business et la ferveur populaire, où sur le côté sportif. Ce fut un peu des deux, et c’est tout à l’honneur d’ASO, qui a le mérite de nous avoir déniché pas moins de neuf côtes, dont celle de Jenkin Road à cinq kilomètres de l’arrivée, avec ses passages dépassant allégrément la barre des 20%. Un mini Liège-Bastogne-Liège d’entrée, réussi avec succès, et dynamité par les leaders du classement général qui n’ont pas souhaité chômé. Et c’est Vincenzo Nibali qui vient réussir le coup parfait en plaçant une attaque décisive dans les deux derniers kilomètres, avec le maillot jaune à la clé. Un “Squale” affûté et galvanisé par son nouveau maillot vert-blanc-rouge ?

C’est déjà l’heure du show

Rien que sur l’étape de plaine menant le peloton à Harrogate hier, la foule monstre s’étant déplacée le long des routes anglaises ne pouvait estimer avoir fait le déplacement pour rien. Un final haletant et un sprint décousu avaient marqué le ton de cette 101è édition, qui n’offrira visiblement aucun répit. Avec cette étape du jour, longue de 201 kilomètres et jalonnée de côtes raides et courtes, plusieurs scénarios rentraient en ligne de mire. Soit une échappée pouvait aller au bout en cas d’un comportement manifestant le désintérêt des principaux protagonistes, soit on pouvait arriver groupé à Sheffield, comme ce fut le cas dans une étape au profil assez similaire en 2012 à Boulogne-Sur-Mer, où bien, il y en aurait de partout. Bien qu’atténuée, c’est la dernière option qui s’est déroulée, avec deux courses différentes, marquées par l’avant, et l’après larguage de Marcel Kittel, qui souhaitait avant tout profiter d’une journée en jaune. Le coup d’envoi des hostilités, et des équipes Garmin, Cannondale, Sky, Tinkoff ou encore Orica qui n’ont cessé de visser en tête de peloton, provoquant une série de cassures, parfois irrémédiables. Mais une fois que tout le monde s’est persuadé que Peter Sagan ne se fera pas distancer comme ça, les attaquants se sont vraiment lâchés. Surtout Pierre Rolland qui a tenté de fausser compagnie à Jean-Christophe Péraud, lui aussi sorti, dans l’entre-deux côtes, si l’on pourrait dire. Et dans la terrible montée de Jenkin Road, le trio magique s’est porté à l’avant, en ligne, comme pour marquer leur territoire. Contador en danseuse, Froome porté par un pays, et un Nibali déjà inspiré, ont tenté successivement de faire mal à leurs rivaux. Le parcours proposé a bel et bien fait effet, et même si l’on est loin d’une première véritable explication, le match est lancé, à l’image d’un tenant du titre déchaîné.

Ils ont tous répondu présent

Le même Britannique rêvait sans aucun doute de pouvoir prendre le jaune si tôt dans l’aventure et de le porter le lendemain sur la route de Londres, depuis Cambridge, mais s’est fait battre par plus fort aujourd’hui, avec le champion transalpin Nibali. Décrit par beaucoup comme l’un des plus offensifs, et possédant le plus gros cœur à mettre à l’ouvrage, le Sicilien a placé l’attaque juste, au bon moment, après un pétard mouillé initié par Romain Bardet. Au prix d’un bel effort en solitaire, son coup double ressemble surtout à une volonté de rassurer ses fans, qui l’avaient critiqué avant sa victoire sur le circuit Melinda il y a une semaine. Un candidat à la victoire finale déjà en jaune au bout de deux journées sur le vélo ? Vous ne rêvez pas, et le top 10 du général actuel ne s’y trompe pas, avec la présence de candidats crédibles au général. Nibali, Froome, Mollema, Van den Broeck, Contador, Van Garderen sont déjà très bien placés. Mais en étudiant la suite des événements, c’est peut-être le salut de certains avant d’entamer la grande lessive attendue sur les pavés de mercredi. Mais en tout cas, si les principaux concernés misaient sur de l’attentisme, on est parti sur de toutes autres bases, avec le leader d’Astana bien décidé à créer l’exploit. Désormais, il peut se targuer d’avoir endossé les maillots distinctifs des trois Grands Tours.

Le Tour est véritablement lancé

Mais en dehors d’une victoire d’étape et le sentiment, quoi qu’il arrive, d’avoir réussi son Tour de France pour Vincenzo Nibali, indépendamment de la suite de la Grande Boucle, cette prise de pouvoir est quand même autoritaire. Le “Requin de Messine” est allé chercher le jaune, et on le sait, n’est que meilleur une fois aux manettes d’une course. Le sentiment général du soir, c’est qu’il va falloir aller le chercher, car l’équipe Astana, constituée de redoutables spécialistes des Grands Tours, va sûrement vouloir imprimer son propre rythme dans les jours à venir, et à les moyens de préserver la tunique jaune à la maison, même par le biais d’une échappée, où elle pourrait par exemple placer un Jakob Fuglsang. Elle paraît notamment bien armée pour les pavés, avec un Grivko où un Iglinskiy pour accompagner sa tête d’affiche. Il faudra évidemment s’attendre à voir un Nibali accrocheur, et même prêt à en faire encore plus pour augmenter sa marge dans les endroits pièges de ce Tour de France, avant même la haute montagne, comme il sait si bien le faire. La grande bataille, c’est désormais le présent. Et ce le sera encore plus après l’arrivée à Arenberg, où tout le monde sera fixé sur la quantité de son débours, et si ce maillot jaune est bel et bien très costaud. En tout cas, il a tiré le premier, et c’est tout à son honneur. Wait and see…

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