Annoncé bien avant la présentation officielle du parcours du Tour d’Italie 2014, le redoutable Monte Zoncolan a été cette année incorporé au programme dans la position du juge de paix d’une course de trois semaines harassante. A la manière d’un Angliru sur le dernier Tour d’Espagne, c’est à 24 heures de l’arrivée finale que ce col hors du commun en Europe a été positionné, comme pour démontrer une nouvelle fois que rien ne pouvait être joué avant les derniers hectomètres, et ce même en cas d’écarts importants. Mais si Nairo Quintana ne tremble pas en ce samedi, alors cette ascension désormais mythique ne servirait qu’à renforcer un peu plus son empreinte sur la Course Rose…

Jamais deux sans trois

Lorsqu’on tente d’analyser le contenu de ce Tour d’Italie qui, quoi qu’on en dise, touche à sa fin, on pourrait vraiment dire que Nairo Quintana s’est réveillé uniquement en troisième semaine. Mais avec une redoutable efficacité ! Sans faire de bruit, le Colombien a entamé sa folle remontée dès l’étape d’Oropa pour revenir de manière progressive sur ses rivaux, avant d’enfoncer le clou de manière épique lors de l’enchaînement historique comportant le Gavia et le Stelvio, en plus d’une ascension corsée vers Val Martello. Une prise de pouvoir autoritaire, qui n’a pas été remise en cause durant la montée vers le Rifugio Panarotta, et accentuée sur le terrible cronoscalata sur le Monte Grappa. Deux victoires d’étapes en taille patron XX, qui pourraient devenir XXL en cas de troisième succès aujourd’hui dans le brouillard du ténébreux Zoncolan. Un rêve pour tous les grimpeurs, et assurément une image qui reste dans les annales des plus beaux livres consacrés au cyclisme. Ivan Basso y avait lâché tout ses rivaux un par un en 2010, Mikel Nieve s’était aussi illustré de manière héroïque à Val di Fassa en 2011, tout comme Dario Cataldo, en lutte pour la vidéo du kilomètre le plus long au Cuitu Negru sur la Vuelta 2012. Des gros morceaux à la limite du surhumain, si l’on se rappelle le numéro d’un Nibali insolent au milieu de la tempête de neige aux Tre Cime di Lavaredo, mais qui renforcent le charme du cyclisme envers les spectateurs, d’autant plus en cas de conditions météorologiques maussades, mettant en lumière un vainqueur forcément au dessus du lot. Et c’est à ce titre là qu’une victoire de Nairo Quintana ne serait que plus belle, et permettrait de tirer un trait définitif sur sa supériorité, un temps contestée par des jeunes et fougueux rivaux, où par des événements imprévisibles, comme cette descente houleuse du Stelvio.

Un triomphe encore plus grand

Sans enlever la difficulté des montées du Plan di Montecampione, théâtre du triomphe d’un Aru bluffant, ou des autres arrivées au sommet, remporter en solitaire une étape comme celle du Zoncolan représenterait une sorte de Grand Chelem pour Nairo Quintana sur le menu montagneux du Giro. Ramener dans sa besace les bouquets des plus grandes étapes d’un Grand Tour est un pari très difficile, qui nécessite absolument un coureur de grande classe, dominant ses adversaires de manière implacable. La domination de Quintana sur ce Tour d’Italie ? Justement, si elle paraît comme évidente aux yeux de certains, où plus contrastée, face à l’étincelant Pierre Rolland, entre autre, elle doit clairement se faire remarquer aujourd’hui au monde entier. Tout au long des onze kilomètres à 11,9% de pente moyenne, c’est forcément du chacun pour soi, et plus que jamais, inutile de chercher d’éventuels autres masques sur les visages des coureurs que ceux de la souffrance. Un autre élément que Nairo Quintana doit considérer est celui de l’impression visuelle face à ses concurrents. Parti au courage dans la seizième étape qui ne ressemblait à aucune autre, on ne l’a toutefois pas encore véritablement vu mettre un coup sur la tête des prétendants au général, tel un Alberto Contador sur le même Giro en 2011, ou encore à Verbier en 2009.

Une course parfaite qui demande conclusion

C’est indiscutablement le moment idéal pour lui de donner son premier récital en solitaire sur un Grand Tour, après la victoire à l’arrachée en haut du Semnoz face à un Chris Froome inatteignable pour le maillot jaune. Son Tour d’Italie est pour le moment indiscutable, sans erreurs, hormis l’épisode de Montecassino, qui n’aurait pu que lui donner qu’une minute supplémentaire d’avance au général. Déjà auréolé d’un matelas de 3 minutes et 47 secondes sur Rigoberto Uran, de 13 minutes et 59 secondes sur le dixième, Kiserlovski, et de plus de vingt minutes sur le onzième, en la personne d’Alexis Vuillermoz, Quintana a déjà écoeuré bon nombre de participants sur un Giro spectaculaire et qui a longtemps semblé indécis avant le coup de force de mardi dernier. A partir de là, l’homme de la Movistar a résumé les dernières escapades montagneuses à une lutte pour les places du podium. Un scénario typique d’une fin de Grand Tour marquée par un vrai leader aux commandes, tellement attendu, qu’on l’avait finalement presque oublié ! Envoyé sur un Tour d’Italie en l’absence des principaux cadors sur trois semaines, tels Froome, Contador ou bien Niballi, Quintana est en passe de réussir le défi qu’il lui était proposé, mais se doit aussi d’obtenir l’unanimité des observateurs, qui pourraient également décrire un Giro synonyme de tournant générationnel au sommet des plus grandes courses. A l’heure où les Aru, Kelderman, Majka et Rolland s’affirment comme les terreurs en devenir, tandis que les Basso et Scarponi explosent en vol, il faut un maître à bord, sous peine d’une critique générale mitigée. A seulement 24 ans, le porteur du maillot rose, mais aussi de celui de meilleur jeune, s’attaque à la dernière ligne d’un succès planifié sur du papier à musique. A moins qu’il ne se contente de gérer… Mais ce n’est pas le caractère de Nairo !

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