Depuis une semaine qu’on se rend compte qu’un Français pourrait bien terminer sur le podium du Tour de France, l’enthousiasme est de sortie chez la majorité des observateurs. Mais chez quelques autres, plutôt rabat-joie, le scepticisme est de mise. Soit disant que la concurrence serait faible, surtout depuis les abandons de Froome et Contador. Voici la preuve que ce n’est pas plus vrai que les années précédentes.
Arrêtons la course fiction…
« Si Froome et Contador étaient encore là, que Quintana avait couru le Tour et que Rodriguez était en forme, les Français ne seraient pas aussi haut dans le classement. » Oui, c’est sûr, on vous l’accorde. Mais ce genre de phrases, régulièrement de sortie depuis quelques jours, n’ont pas vraiment de sens. Car une édition de la Grande Boucle regroupant tous les leaders du peloton, en condition et exemptés de pépins les empêchant de jouer la gagne jusqu’au bout, ça n’existe pas. Il suffit pour s’en rendre compte d’arrêter de rabaisser les performances actuelles de Pinot, Bardet et Péraud, et de regarder quelques instants dans le rétroviseur. En 2013, Nibali et Wiggins ne sont pas au rendez-vous de juillet alors que Valverde, mis hors course pour le général sur un coup du sort, travaille pour Quintana. Van den Broeck, Brajkovic, Pinot ou Péraud, candidats au top 10, sont contraints à l’abandon, Porte et Costa sont sacrifiés pour leurs leaders et Evans est hors de forme après son Tour d’Italie terminé sur le podium. Ca en fait des habitués éjectés de la course au classement général. Et chaque année, c’est pareil. Alors pourquoi spéculer ?
Sur chaque édition, on a donc des coureurs qui profitent de ces opportunités. Car il y en a toujours. Fuglsang septième l’an dernier, qui l’aurait pronostiqué ? Et que dire des performances de Van den Broeck (troisième en 2010 et quatrième en 2012), Van Garderen (cinquième en 2012), Zubeldia (sixième en 2012), Voeckler (quatrième en 2011), Cunego (septième en 2011), Gesink (quatrième en 2010), voire lorsqu’on remonte un peu plus, de la victoire de Pereiro en 2006 ? Ce ne sont pas des résultats volés, loin de là. Mais personne n’aurait pu les pronostiquer au départ de ces éditions, et à Paris, la surprise était grande de retrouver ces coureurs si haut dans le classement. Pourtant, on ne remettait pas chaque jour ces performances en cause pour la seule raison qu’il manquait des grands leaders au départ… C’est le jeu du Tour. Savoir profiter des opportunités qui s’offrent à eux, c’est l’objectif de tous ceux qui jouent les places d’honneur du général. Alors pour une fois que cela sourit aux Français, pourquoi s’en plaindre ? Certes, sur cette édition 2014, il manque du monde. Mais sans doute pas plus que d’habitude…
…et profitons
Au lieu d’essayer d’imaginer le classement de nos tricolores avec la présence de tel ou tel coureur – chose bien inutile car avec Contador ou Froome, c’est toute la physionomie de course qui aurait été différente -, contentons-nous donc de profiter de ce que l’on vit en ce mois de juillet. Pinot, Péraud et Bardet nous transportent, nous laissent la possibilité de rêver de podium, chose très rare depuis quinze ans. Et en l’état actuel des choses, il paraît presque acquis que l’on aura un Français sur la boîte à Paris, ne reste plus qu’à définir lequel. Alors durant les deux étapes pyrénéennes et le chrono vallonné qu’il reste, cessons la course fiction, et cessons aussi – et surtout – de dégrader les performances des coureurs de cette Grande Boucle. Nibali, Valverde, les Français, mais aussi Van Garderen, Mollema ou Van den Broeck, tous nous offrent un spectacle grandiose depuis plus de deux semaines. Alors au lieu de contester, de chercher la petite bête : asseyons-nous dans notre canapé et profitons des derniers jours de course. Parce qu’on Tour comme ça, il n’est pas sûr qu’on en revive un de sitôt.
Sastre en 2008, pas Pereiro (qui a gagné en 2006).
Je voulais dire Pereiro en 2006, merci de l’avoir signalé.