Traversant une passe difficile et tourmentée avec les instances anti-dopage depuis bientôt six années, l’ancien champion du monde Alessandro Ballan a été officiellement suspendu vendredi dernier par les instances nationales transalpines du CONI. Un coup dur porté dans une carrière déjà bien fournie chez le coureur de la BMC, qui ne pourra reprendre la compétition avant janvier 2016. Rédhibitoire ?

Le parasite de l’affaire Mantoue

Suspendu deux ans pour transfusions sanguines, notamment, dans le cadre de l’affaire Mantoue, on ne peut pas dire que la carrière du natif de Castelfranco Veneto fut de tout repos après son sacre mondial à Varèse. Déjà contesté au sein même de sa propre patrie pour avoir subtilisé le titre au Petit Prince de l’époque qu’était Damiano Cunego, Ballan ne s’était pas fait que des amis lors de son attaque fulgurante à deux kilomètre de la ligne d’arrivée. D’autant que ce triomphe intervenait dans une vague de suspicions grandissante. En effet, coïncidence troublante, une vague de forfaits avait secoué l’échiquier mondial de la discipline avant le départ de la course en ligne dominicale, suite à l’annonce du renforcement des contrôles envers l’EPO Cera, auquel Ricco ou encore Sella furent piégés.

Mais surtout, c’est la révélation de l’affaire « Via Col Doping », surnommée l’Affaire Mantoue en raison du tribunal de la ville éponyme chargé de l’enquête initiale, qui a semé le trouble. 21 coureurs de l’équipe Lampre ont été minutieusement surveillé par les carabiniers à partir de 2008, et parmi eux figuraient le tout récent champion du monde de l’époque. Ballan était suspecté d’une dizaine de transfusions sanguines, ce dont il se défendait véhément, prônant une utilisation médicale face au mystérieux cytomégalovirus. Mais si cette affaire concentrée de l’autre côté des Alpes n’éclate qu’en 2009, elle va s’éterniser et traîner en longueurs suite à de nombreux différents d’investigations entre les parquets. Le sort des concernés demeure en suspend et le verdict se faire attendre, au point d’attiser les moqueries envers les anciens membres des « fuchsias » pour certains, et de dénoncer un acharnement inadmissible pour d’autres.

En effet, la fâcheuse tendance qu’à eu l’affaire à ressortir avec une supposée avancée lors des rendez-vous les plus importants des saisons suivantes coûtera cher au vainqueur du Tour des Flandres en 2007. Il quitte la Lampre à l’intersaison 2009-2010, plus tout à fait en odeur de sainteté avec l’énigmatique Giuseppe Saronni, et rejointla nouvelle armada BMC. Cependant, quelques mois plus tard seulement, l’Italien voit sa campagne de classiques anéantie par la décision de Jim Ochowicz : le manager général de la formation américaine le suspend provisoirement en interne. En cause, les dernières révélations au sujet de l’affaire Mantoue, qui coûteront aussi à Ballan sa place sur le Giro 2011. Une affaire qui devient une casserole encombrante mais indéfiniment accrochée au coureur transalpin.

Trois années de galère

Si l’on prend le temps de s’attarder sur le cas de l’ancien maillot irisé, âgé de 34 ans aujourd’hui, c’est bien en raison de ses derniers résultats et de sa forme actuelle. Au top entre 2007 et 2009 – période durant laquelle il remporte notamment un championnat du Monde et un Ronde, devenant l’un des meilleurs coureurs de classiques -, son irrésistible ascension s’est clairement freinée. Stoppé malgré lui dans son élan en 2010, auteur d’un unique top 10 sur l’Enfer du Nord en 2011, il n’y a qu’en 2012 qu’on a revu le Ballan des grands jours sur les flandriennes qu’il adore tant. Il terminait cette année là sur la troisième marche du podium des deux monuments pavés de l’année, tout en remportant l’étape reine de l’Eneco Tour au sommet du Mur de Grammont. Mais 2013 signa le retour des galères puisqu’une terrible chute durant sa préparation hivernale lui ruina presque totalement son année. Victime d’une grave fracture des côtes et d’une ablation de la rate, Ballan subit un coup d’arrêt énorme…  Il le sait déjà, il ne sera pas simple de retrouver ce coup de pédale qui lui avait permis de jouer la gagne sur les plus belles courses du calendrier.

Désormais, la question ne se pose plus. L’opération rachat peut une nouvelle fois attendre, avec cette suspension tombée pile poil avant le début de la saison aux antipodes. Licencié avec effet immédiat deux jours après l’annonce du CONI, Ballan est désormais totalement esseulé et ne peut compter que sur quelques rares soutiens, dont celui de Cadel Evans et de ses proches. A mi-chemin entre la force de la trentaine et l’usure de la quarantaine, Ballan ne s’appelle sûrement pas Chris Horner et ne gagnera probablement pas un Paris-Roubaix haut la main à 42 ans, en 2022. Non, soyons sérieux, après trois années blanches, l’un des symboles du glorieux cyclisme italien des années 2000 risque de ne jamais redevenir celui qu’il a été, malgré un moral qui a fait ses preuves. Si l’expérience sera toujours primordiale dans les classiques du nord, les jeunes pointent déjà le bout de leur nez. A l’heure où Boonen, Schleck et Contador tirent la langue face à la fougue d’une partie du peloton, un Ballan de deux ans plus vieux sera sans aucun doute incapable de leur mettre des bâtons dans les roues.

Aujourd’hui, on se demande donc quelle attitude va adopter le clan Ballan. Continuer ? Mais dans quel but ? Et surtout qui voudra bien le reprendre en 2016 avec les nouvelles considérations du MPCC, majoritaire au niveau professionnel ? D’autant que ses plus belles années sont derrière lui, et son palmarès ne suffira pas pour trouver une équipe. Tout arrêter ? C’est une solution que le principal intéressé ne dément pas formellement, regrettant à l’occasion une sentence tardive et un prix trop fort. Si on imagine aisément la complexité du dossier, on ne peut que se montrer perplexe vis-à-vis de six années de tractations. Une situation malheureusement trop classique qui devrait amener à réfléchir, même au sein du CONI.

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