Excellent septième au général avant une étape apocalyptique sur les terres andorannes, arrivant au Collada de la Gallina, les grandes ambitions d’Ivan Basso se sont envolées en fumée dans la descente du Port d’Envalira. En hypothermie, le coureur italien n’a pas supporté les cinq petits degrés du sommet du plus haut col de cette Vuelta, et a renoncé au terme d’une descente l’ayant vu trembler comme un feuille sur son guidon. La sécurité a parlé, pas le cœur…
Un élan stoppé net
Quelques jours avant le grand départ à Vilanova de Arousa, en Galice, Basso, ainsi que sa fidèle et dévouée équipe Cannondale avaient surpris leur monde en avançant des déclarations jugées optimistes – voire prétentieuses – par la plupart des observateurs… « Je ne sais pas si je vais gagner en Espagne, mais je pense que je vais finir sur le podium du général. Certaines personnes pensent qu’il peut-être temps pour moi de me retirer, mais les chiffres penchent toujours en ma faveur. Je suis convaincu qu’après la Vuelta, les gens auront changé d’opinions… » Très présomptueux ? Basso avait pourtant envoyé quelques signaux rassurants, témoignant d’une préparation millimétrée, et il y avait de quoi. Déjà contraint la mort dans l’âme de faire l’impasse sur « son » Giro suite à un mystérieux kyste apparu peu avant le départ napolitain, il a alors rabattu tous ses espoirs sur un Tour d’Espagne pourtant pas vraiment adapté à ses caractéristiques à première vue. Peu importe, le double vainqueur du Tour d’Italie – 2006 et 2010 – possède une grande expérience et sait mener sa barque. Dans le coup en Pologne malgré une discrétion absolue, Basso termine à une solide huitième place, suivie d’un Tour de Burgos le voyant aux prises avec les cadors de la montagne et ses futurs adversaires, Nibali, Arroyo ou Sanchez notamment.
Sans doute sous-estimé, il arrive sur les routes espagnoles dans la peau du challenger, fort de son orgueil de champion. Contrairement à ce qu’on lui prédisait, Basso est présent dans les miradors des la première semaine et se fait un plaisir de montrer qu’il faudra compter avec lui. Mais surtout, à l’heure du deuxième week-end de course, où négligé par les grands favoris qui se regardent dans l’Alto de Penas Blancas, il impressionne dans les derniers kilomètres en compagnie des quelques outsiders remuants et fait une belle opération, confirmée le lundi. Fidèle à son style, il réalise une grosse ascension de l’Hazallanas au train, prenant ses responsabilités et se classant comme l’un des meilleurs en haute montagne derrière le diabolique duo Horner-Nibali. C’est là que le natif de Gallarate est rattrapé par la malchance, une nouvelle fois. Une grande troisième semaine lui était désormais promise, mais un véritable choc climatique durant la quatorzième étape viendra bouleverser cette Vuelta. Basso met pied à terre, sonné, vaincu par l’inimaginable, au même titre qu’une vingtaine d’autres courageux qui n’ont pas eu la force de continuer, pétrifiés au sommet des cols pyrénéens. Pour Ivan, c’est plus qu’un abandon, c’est « le jour le plus triste de [s]a carrière »….
Comment s’en relever ?
Pour la plupart des coureurs, abandonner sur grand tour n’est jamais facile, d’autant plus quand vous nourrissez des gros objectifs, mais la préparation en vue de la saison suivante arrive toujours comme le nouveau but à atteindre. Ranger sa déception au placard pour mieux rebondir ? Oui, mais cette phase là risque d’être dure à atteindre pour l’emblématique coureur transalpin. Âgé de 35 ans – et bientôt 36, il les fêtera le 25 novembre -, Basso sait que le temps le poursuit, et que les opportunités restantes de bien figurer sur trois semaines se comptent sur les doigts de la main. D’autant plus que ce n’est pas la première fois qu’il voit sa saison 2013 totalement ruinée. La première partie de saison blanche l’avait forcé à tout miser sur les derniers mois. Raté. Même s’il restera dans les mémoires comme l’un des protagonistes de ce Tour d’Espagne, il ne ralliera pas Madrid et doit désormais se fixer, une énième fois, de nouveaux horizons. Victime du froid, Basso n’est tout de même pas sérieusement touché physiquement, et sa santé devrait donc aller mieux au bout de quelques jours de repos. Cela tombe à pic pour les classiques automnales et italiennes, ainsi que les Mondiaux. Le hic, c’est qu’il ne figure pas dans la shortlist de Paolo Bettini pour Florence, et que sur les dernières classiques, le duo Sagan-Moser est beaucoup plus crédible pour la gagne, sans lui faire offense.
La confiance s’est aussi sans doute perdue, et la motivation sera dure à retrouver, mais un coureur de sa trempe à encore de quoi faire de la résistance, si on compare aux 42 printemps du virevoltant Chris Horner. Habitué du Tour de Lombardie, « Ivan le Terrible » visera forcément un résultat chez lui, avant que 2014 soit au centre de ses préoccupations. Si il risque fort bien d’être leader unique sur trois semaines au sein d’une Cannondale visant plutôt à renforcer l’armada de classiques autour de Peter Sagan, est-il garanti qu’il puisse à nouveau jouer les premiers rôle sur le Tour d’Italie ? Le Tour de France n’est plus un objectif réalisable, et il l’a déjà avoué. Basso ne tient vraiment pas à raccrocher le vélo immédiatement et on peut légitimement espérer le voir sur le circuit pendant encore deux où trois années. L’ex-structure Liquigas lui adressera t-elle encore sa confiance, où voudra t-elle engager des leaders plus toniques ? La dernière possibilité serait donc un départ vers les équipes continentales azzuri, afin de transmettre toute sa science de la course aux jeunes pousses de son pays, pour qui il reste encore un exemple, et de finir sur de belles notes, à la manière d’un Stefano Garzelli visant les étapes et le classement de la montagne. Mais clairement, il y a un monde entre Basso et ses compatriotes, et le Lombard est en droit d’espérer une autre fin de carrière. C’est tout ce qu’on lui souhaite…