Dans la foulée des classiques et en parallèle du prochain Tour de Romandie, la cinquantième édition du Tour de Turquie nous offre une nouvelle fois un plateau de sprinters des plus fournis, et digne des plus grandes courses du monde. Offrant six opportunités aux hommes les plus véloces de se disputer la victoire le long de la Mer Méditerranée, c’est même déjà un avant-goût des dernières lignes droites du Tour de France qui se présente, avec la venue en personne de Mark Cavendish et de son train OPQS, ou encore d’André Greipel, son meilleur ennemi de toujours. Si le général devrait se décanter en haut du col d’Elmali et à l’occasion de la sèche montée vers Selcuk, l’affiche phare de l’édition se résume dans une bataille de vitesse qui s’annonce alléchante.
Greipel pour sa dixième victoire d’étape en sol turc
Le Tour de Turquie a beau proposer des étapes assez ouvertes, et une belle autre de montagne, c’est bien généralement par un sprint, massif ou non, que se clôt une journée de course. Reprenant les très grands classiques, la première, deuxième, cinquième, septième et huitième étape sont réservées à un emballage final, tandis que la quatrième est propice à un regroupement dans la descente, qui suit une belle bosse intercalée à dix kilomètres de Marmaris. Mais pour preuve, André Greipel s’y était pourtant imposé avec facilité en 2013. Une fois de plus, ce sera l’homme à battre sur ces courses par étapes de second rang, d’autant plus que le Gorille de Rostock possède la connaissance du terrain en ayant déjà remporté neuf bouquets dans ces mêmes lieux, en levant les bras systématiquement une fois au minimum depuis 2010. Une domination et un statut de mastodonte de l’épreuve contesté l’an dernier par celui qui allait devenir le meilleur sprinter du monde quelques mois plus tard, Marcel Kittel, mais ce dernier ne sera pas de la partie. C’est donc Mark Cavendish et une équipe Omega Pharma – Quick Step entièrement dévouée à sa cause qui partagera le rôle de l’homme à battre avec son homologue allemand. Accompagné d’un Alessandro Petacchi qui servira de dernière base de lancement avant de saisir sa chance pour son onzième Tour d’Italie, ainsi que par les fidèles Mark Renshaw, Gert Steegmans mais aussi Iljo Keisse – vainqueur d’étape de manière spectaculaire en 2012 – , le Manx Express sera dur à aller chercher sur le papier, mais il faut rappeler que ses performances sont très loin d’être transcendantes depuis le coup d’envoi de la saison 2014.
Battu par les italiens Modolo et Nizzolo à San Luis, invisible à Dubaï, et très fortement chahuté par le même sprinter de Lampre sur le Tour d’Algarve, il a du attendre la dernière étape de l’épreuve portugaise pour décrocher sa première victoire de l’année non sans mal, avant de remettre ça de façon plus imposante sur une étape du Tirreno – Adriatico. Néanmoins souvent gêné et distancé avant même le sprint à proprement parler, le champion du monde de Copenhague doit corriger le tir, et trouver la bonne recette, selon les dires de Patrick Lefévère. Car avec seulement deux victoires au compteur lorsque le leader de la Lotto en possède déjà sept, et que celui de la Giant en a déjà récolté cinq, il devient urgent de se relancer. Ayant annoncé définitivement qu’il ferait l’impasse sur le Tour d’Italie ou il avait conquit le classement par points l’an passé à Brescia, c’est vers l’unique et clair objectif du Tour de France que le Cav est focalisé, et ses rêves de maillot jaune à Harrogate, au pays. Un programme de courses similaire pour André Greipel, ayant déjà réalisé sa moisson de victoires, et qui compte bien la poursuivre pour engranger de la confiance, qui s’annonce comme le maître mot pour tout les sprinters en lice durant la semaine.
Un panel d’outsiders qui tentent de s’affranchir de leur étiquette
Mais on aurait toutefois bien tort de river les yeux uniquement sur le duel annoncé entre Greipel et Cavendish, tellement la palette d’outsiders capable de coups est large au départ d’Alanya ce dimanche. Avec l’absence de l’autre membre du trio magique, Marcel Kittel, en pleine préparation pour le Giro qu’il doublera avec la Grande Boucle, les rêves de victoires d’étapes ne sont que plus accessibles. Parmi les autre principaux clients du sprint, on aurait tort de sous-estimer Sacha Modolo. Ayant déjà battu l’homme au 25 victoires d’étapes sur le Tour en début de saison, la recrue en provenance de Bardiani a fait étalage de son talent chez Lampre, en allant chercher sept victoires et pas des moindres, sur le Challenge de Majorque ou encore les Trois Jours de la Panne. Déjà vainqueur en Turquie en 2011, il sera l’un des hommes à suivre, et vise également la grande messe de juillet prochain. Un point commun à Andrea Guardini, capable de mettre d’accord tout le monde sur une journée et d’être totalement transparent la plupart du temps, mais le garçon a hâte d’en découdre, et est un habitué de l’épreuve maritime. Théo Bos et Aidis Kruopis, anciens vainqueurs d’étapes, seront également désireux de faire aussi bien que les années précédentes ou ils avaient tous claqués leurs succès personnels. Une majorité d’hommes rapides, donc, qui trouvent en cette course de huit jours leur première étape de leur cheminement vers leur objectif annuel. A l’exception d’un, en la personne d’Elia Viviani. Le rapide italien de la Cannondale, est l’un des rares à faire le déplacement avant même le Giro, et il sera donc judicieux de voir ce qu’il a dans le ventre, puisque sa performance devrait très certainement livrer des indications.
Enfin, malgré les deux déclassement grossiers d’Ivailo Gabrovski et Mustafa Sayar en 2012 et 2013, l’intérêt pour le classement général sera tout aussi intéressant, et est souvent révélateur de jeunes talents. Natnael Berhane, vainqueur sur tapis vert, avait été découvert par sa victoire en haut d’Elmali il y a un an, mais ne remettra pas le couvert en 2014, au contraire d’Alexandr Dyachenko, le grimpeur kazakh d’Astana, déclaré vainqueur en 2012 quelques mois après. Ses rivaux pour le général devraient se nommer Yoann Bagot, déjà très en vue l’an passé derrière l’imposteur Saya, le prometteur érythréen Merhawi Kudus et Kristijan Durasek, vainqueur des Trois Vallées Varésines. Quelques coureurs expérimentés comme Luis Leon Sanchez, Linus Gerdemann ou Kevin Seeldraeyers feront le détour, mais ce sont surtout les jeunes qui seront à surveiller le mardi et le vendredi. Davide Formolo, Heiner Parra, les frères Yates, Petr Ignatenko… Tant de noms qui évoquent les courses à l’échelon amateur de ces dernières années, et qui auront à cœur de briller sur une course adaptée. Mention spéciale également au gros flop de cette édition, en l’absence de l’équipe Colombia, la faute à des visas litigieux. Enfin, Turku est chez elle, et Juan José Cobo pourrait très bien sortir de son long sommeil…