Sur le toit du monde depuis juillet 2012, et les deux sacres britanniques venus de Bradley Wiggins et Christopher Froome, le Team Sky s’apprête à clore son Tour de France 2014 par un zéro pointé cuisant. Chahutée depuis quelque mois en interne comme sur la route, l’une des équipes les plus impressionnantes aux yeux de tous à l’échelon World Tour a tout perdu en quelques jours, avec la mise au tapis de son Kenyan Blanc sur les pavés du Nord. Puis, l’hécatombe s’est poursuivie avec cette terrible défaillance de Richie Porte sur les pentes de Chamrousse, alors qu’il paraissait comme le solide dauphin de Vincenzo Nibali à mi-Tour. Dur dur de changer son fusil d’épaule…
Pour tout oublier, il aurait fallu une victoire d’étape
Sky était programmée pour dominer, pour ne laisser aucune chance à ses concurrents. Imposer son fameux train, ne laisser aucun répit aux baroudeurs, museler le déroulement des étapes et éviter toutes attaques et les changement de rythme. A l’image d’Omega Pharma – Quick Step et du ManxExpress contraint à l’abandon, il a fallu totalement changer les plans, voire les bouleverser. Habituée à jouer les classements généraux, même avec ses doublures, on ne s’attendait pas à pareille déconvenue lorsqu’il a fallu se résoudre à laisser tomber tout espoir de bon classement général. On se souvient d’un Tour 2012 ou Mark Cavendish s’était régulièrement plaint de ne pas être aussi bien accompagné qu’il l’eu été chez HTC ou qu’il l’est maintenant chez Omega, la faute à une équipe entièrement ou presque constituée de grimpeurs, quitte à se faire décrocher dans les derniers kilomètres d’une étape de plaine. Et cette année 2014 ne déroge pas à la règle. Les Swift, Boasson Hagen ont disputé le Giro, là où déjà, les forfaits inattendus de Porte et Kennaugh avaient jeté un froid sur une équipe Sky, réduite au seul Dario Cataldo pour briller dans les échappées de la troisième semaine montagneuse. Rebelote, mais dans une situation peut-être encore plus incongrue pour les hommes de Dave Brailsford. Seuls Nieve et Kiryienka tentent de remonter la pente en cette fin de Tour de France, afin de décrocher un succès qui ferait office de consolation pour ceux qu’on avait, à tord, rapidement décrit comme les nouveaux cannibales du cyclisme.
Plus encore, la team Sky s’est retrouvée rapidement, sans transition, dans la position du chassé plutôt que dans celle du chasseur, ou elle excelle traditionnellement. L’habitude d’avaler les échappées dans l’ascension finale sur toutes les épreuves auquelles Sky imposait sa suprématie s’est inversée, et désormais, les rescapés au maillot noir sont les proies privilégiées du team Astana de Vincenzo Nibali. Vasil Kiryienka se doit donc de retrouver ses jambes des années Movistar, alors formidable baroudeur, vainqueur à Sestrières, après un long raid mené depuis le Finestre. Nieve aussi se retrouve dans une position qu’il a bien connue lors de la fin de l’ère Euskaltel-Euskadi, pendant que Sanchez et Anton décevaient dans les Grands Tours. Deux grands attaquants transformés en chien de garde qui doivent donc faire un saut dans le passé, c’est assez rare à souligner, puisque ce scénario là est peu fréquent. Et cela n’a pas marché à Hautacam… La bataille des grands malheureux de cette Grande Boucle tourne par ailleurs à l’avantage des Tinkoff, crevant l’écran en haute montagne malgré l’abandon d’Alberto Contador. Rafal Majka a remporté deux étapes en solitaire non sans une certaine classe, Michael Rogers réalise une saison pleine en ayant remporté des étapes sur ses deux courses de trois semaines, et le maillot à pois n’est pas loin d’être verrouillé. Un autre angle de vue différent, celui des primes. Elle avait tout raflé ces dernières années, avec pas moins de 525 690 Euros dans les caisses en bilan de 2013. Au départ de Carcassonne, elle n’en avait récolté que 12 420, soit la dix-septième place du tableau. Des équipes comme Bretagne – Séché sont même devant…
Il faudra vite s’en remettre
Plus que sportivement, cet échec du mois de juillet n’est pas du à une unique chute, mais à une succession d’événements, parfois annonciateurs, comme cette chute au Dauphiné, et une machine qui avait tendance à s’enrayer de plus en plus lorsque tout ne se passait pas comme prévu. Des erreurs de management aussi, dans l’affaire ? On pourra toujours reprocher à la direction sportive de ne pas avoir fait les bons choix, d’avoir épuisé ses coureurs, spécialistes des courses par étapes, en les robotisant d’une certaine manière, entrant dans des cycles infernaux, mais à coup sûr usants. Pourquoi, par exemple, ne pas avoir fait appel à d’autres coureurs peut-être plus frais ? La motivation, en dépit d’un état énigmatique concernant Bradley Wiggins, est elle toujours à son comble ? On a souvent reproché le manque d’assurance de Froome sur un parcours piégeux, et l’absence de solides capitaines de route comme Boasson Hagen, ou un Wiggo reconcentré, suscitera forcément réflexion au moment de faire un bilan qui s’annonce désastreux. Il reste trois étapes pour trouver une porte de sortie honorable.
La suite de la saison devrait passer par la Vuelta, dont on attendait déjà mont et merveilles, avec la présence attendue de Froome, Quintana, Rodriguez à son meilleur niveau, Valverde, Uran et tant d’autres. Sur le Grand Tour qui l’avait révélé pour de bon en 2011, ou son duel contre Juan José Cobo en avait étonné plus d’un, il souhaiterait à coup sûr retrouver ses jambes détonantes et signer son retour au sommet de la hiérarchie. Il vaudrait mieux pour l’équipe Sky que cette série noire s’achève vite.