D’une discrétion inquiétante ces derniers mois, Bradley Wiggins avait évidemment Paris-Roubaix et le Tour de France en ligne de mire. Terminant devant Tom Boonen, en 9e position de l’Enfer du Nord, le leader de la Sky réalise une nouvelle métamorphose digne des plus grands champions. Autrefois pistard, puis coureur de grands tours, son énième mue pourrait le conduire vers les plus hautes sphères des classiques flamandes. Mais pourra-t-il combiner réussite sur les pavés et les grands cols, comme les glorieux coureurs des temps anciens ?

Une performance attendue depuis longtemps

L’année suivant ses derniers Jeux Olympiques, marquant l’étape finale de son parcours de pistard, Wiggins avait déjà affronté sans peine la rudesse de Paris-Roubaix, bouclant la reine des classiques en 25e position. Une première esquisse de tentative qui marquait l’entrée du Britannique dans le cercle des flandriens respectables. Depuis, il n’a cessé de répéter qu’il ambitionnait de réussir un jour l’exploit sur cette course si particulière et prestigieuse. Chaque année, au détour de ses succès sur des courses par étapes comme le Critérium du Dauphiné ou le Tour de France, il clamait son envie de revenir à Roubaix dans la peau d’un concurrent sérieux. L’échec de 2013 sur les grands tours et la nouvelle importance acquise par Froome et Porte dans l’organisation Sky lui ont cette fois offert le luxe de pouvoir se préparer spécifiquement pour l’Enfer du Nord.

Auteur d’une course remarquable, toujours au contact des meilleurs ou presque, Wiggins, accompagné de Thomas, a même été jusqu’à ramener Tom Boonen sur le groupe des favoris alors que le Belge, trop offensif, s’était fait distancer dans le Carrefour de l’Arbre. Une accalmie en tête a favorisé le regroupement de onze coureurs qui allaient se disputer la victoire sur le vélodrome. Autre point important, contrairement à ses habitudes sur les courses par étapes, Wiggo a contribué ce dimanche au spectacle en attaquant non loin du but, tentant crânement sa chance devant les meilleurs spécialistes du peloton. Un coup dans l’eau, qui aura probablement condamné ses chances de faire « un coup » au kilomètre, en pistard, sur le vélodrome ; mais qui dénote la volonté et la détermination de ce flahute dans l’âme qui vient de trouver une nouvelle voie. Paris-Roubaix n’est pas une course qui se gagne à la première tentative. Alors Wiggins, maître rouleur, reviendra certainement l’année prochaine pour jouer à nouveau les troubles fêtes et peser encore plus dans le final. Car Terpstra l’a prouvé, sur un moment d’inattention des grands leaders, un outsider a toutes les chances de faire son trou, d’autant plus s’il excelle dans l’effort solitaire. Il suffit de trouver la faille au bon moment.

Et maintenant, place au Tour ?  

Sergio Henao suspendu, Chris Froome et Richie Porte en petite santé, une voie royale est tracée pour le retour du Lord en tant que grand leader de l’équipe Sky sur le prochain Tour de France, qui partira du Yorshire. Unique véritable anglais vainqueur de la Grande Boucle, Sky ne pourra pas s’en passer au départ et devra composer avec lui pour mettre en place sa tactique de course. Initialement prévu au service de Chris Froome, à qui il devait rendre le service de 2012, Wiggins pourrait revoir ses ambitions à la hausse, tout dépendra des états de forme de chacun. C’est là qu’il sera intéressant de suivre le Critérium du Dauphiné, véritable baromètre des forces en présence au sein de la Sky. Face à un Alberto Contador de nouveau étincelant, il faudra trouver des solutions pour conserver la mainmise sur le Tour de France. Moins sollicité en début de saison que par le passé, il y a tout à parier que le trident Wiggins-Froome-Porte arrivera frais et revigoré pour rendre infernale la vie de leurs adversaires.

Intrinsèquement moins à l’aise que Froome en montagne, il ne pourra pas profiter de la présence d’un chrono en fin de première semaine pour prendre le maillot jaune et bousculer la hiérarchie. Cependant, et c’est là que la donne du Tour peut totalement changer, la 5e étape vers Arenberg offrira une occasion unique de frapper un grand coup en distançant les principaux grimpeurs peu à l’aise sur les pavés. En 2010, l’étape pavée du Tour avait sonné le glas des ambitions de Lance Armstrong, condamné par une double crevaison au pire moment, et elle avait fait le jeu d’Evans et d’Andy Schleck, qui prirent une bonne minute sur Contador. Cette fois particulièrement difficile avec d’avantage de secteurs pavés, elle sera d’autant plus impitoyable pour les malchanceux et non-préparés. De nombreux pièges jalonneront le parcours et il y a fort à parier que le Wiggins de 2014, si brillant sur Paris-Roubaix, saura prendre un avantage décisif avant la montagne. Le menu proposé y sera d’ailleurs moins indigeste que pour le Tour du centenaire, et le chrono de 54 kilomètres totalement plat vers Périgueux viendra sanctionner les plus mauvais rouleurs. Les conditions semblent réunies pour un come-back clinquant de l’homme fort de la saison 2012. 

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