Dans une semaine, il en sera presque fini de l’aventure de Jean-Christophe Péraud au sein du peloton professionnel. La Vuelta est sans doute la dernière course du Français, qui à 39 ans raccrochera à la fin de la saison. Il lui reste donc quelques jours à souffrir, et à profiter.

Double vie

Il y aura eu deux sommets dans la carrière de « Jicé » Péraud. L’argent olympique en VTT à Pékin, en 2008, puis la deuxième place sur le Tour de France, en 2014. Deux incroyables performances, à six ans d’intervalle, qui symbolisent les deux carrières du Toulousain. « On sait que son départ va laisser un vide, concède Vincent Lavenu, son manager chez AG2R La Mondiale. Il a participé à l’histoire de l’équipe. » Mais après avoir connu son apogée, Péraud a enchaîné les galères. Beaucoup trop pour envisager souffler sa quarantième bougie sur un vélo. Le Giro du mois de mai dernier devait être son ultime grand défi, mais victime d’une importante chute avant même de rallier l’Italie, il a été contraint à l’abandon. « La suite d’un an et demi de galères », confiait-il alors à Cyclingpro. « Il était abattu, il avait le moral dans les chaussettes, se souvient Lavenu. Son premier réflexe, ça a été de dire ‘’C’est bon, j’arrête tout !’’ Mais on a su le remobiliser, lui donner de nouveaux objectifs. »

Souvent à terre, Péraud n’a toutefois jamais entrevu l’espoir de terminer sur sa carrière sur une très bonne note. Alors même à l’approche de ce Tour d’Espagne, sa dernière épreuve de trois semaines, le garçon ne respirait pas l’optimisme. « J’ai un bon niveau, mais pas suffisant pour faire quelque chose de correct », lâchait-il fin août. Seulement de quoi venir donner un coup de main à l’étoile montante Pierre Latour. Tous les deux, ils forment un duo qui redonne le sourire. C’est le jeune et le vieux. Celui qui doit apprendre et celui qui veut transmettre une dernière fois. « Il ne m’écoute jamais », se marrait Péraud lors d’un entretien accordé à L’Equipe il y a une semaine. L’amour vache, en somme. Mais un bon moyen de tirer sa révérence pour « Jicé ».

Forcément, on aurait aimé une autre fin pour un garçon qui a mis un terme à dix-sept ans sans Français sur le podium du Tour. Mais le poids des années a rattrapé l’ancien vététiste, et il n’y a rien à faire. Sauf à dire au revoir en douceur. « Etant donné qu’il avait raté son objectif sur le Giro, on a voulu lui laisser la porte ouverte pour le Tour », assure Lavenu. Mais Péraud n’avait vraiment pas envie de retourner sur la Grande Boucle, et s’est offert la sortie qu’il souhaitait, avec la Vuelta. Désormais, le voici donc sur son dernier grand rendez-vous. C’est sur les routes espagnoles, déjà, qu’il avait découvert en 2010 les joies d’une épreuve de trois semaines. C’est là aussi, comme un symbole, qu’il tirera un trait sur une carrière longue de dix-huit ans. « Peut-être qu’il disputera le Tour de Lombardie, en octobre. Mais dans sa tête, la Vuelta est sûrement la dernière course de sa carrière, confie le manager général d’AG2R. Et si c’est ce qu’il veut, alors on acceptera. »

Cinq jours et puis s’en va

Pour l’honneur, chaque jour, il se bat comme un diable pour grappiller quelques places au général. Et depuis le départ, il ne fait que remonter au classement. Passé de cent-quatorzième après le chrono inaugural à quatorzième aujourd’hui, sans avoir jamais rétrogradé même le temps d’une journée, Péraud monte en puissance. « Il est à la rupture, comme tout le monde sur la Vuelta. Mais ce que je voudrais, c’est qu’il ne lâche pas dans la tête, confie Lavenu. S’il arrive à rentrer dans les dix premiers, ce sera quelque chose de beau. » Bien sûr, il devait secrètement espérer un peu mieux au début de saison, lorsque déjà il envisageait que ce soit sa dernière. Mais le Français doit faire avec les moyens qui sont les siens, à 39 ans et après deux saisons où tout ce qui peut perturber un coureur professionnel lui est tombé dessus. « La tête, à un moment, dit stop. Certains n’ont plus envie à 25 ans, alors que d’autres comme Rebellin ou Voigt continuent au-delà des 40 ans avec la même motivation, note le manager du Français. Jean-Christophe, lui, c’est à l’approche de la quarantaine que sa tête aura dit stop. »

Si Pierre Latour retiendra inévitablement ces trois semaines passées en compagnie d’un Péraud au bout du rouleau, le reste du peloton se souviendra surtout des grandes envolées du Toulousain. Qu’elles datent désormais de quelques années importe peu : elles ne s’effaceront pas. Et en attendant de définitivement raccrocher, « Jicé » a donc encore cinq jours à tirer. Ils risquent de lui paraître longs, mais représentent si peu dans sa carrière qu’il doit en profiter comme jamais. « Quand le moment de la fin approche, c’est forcément émouvant. Mais quoi qu’il arrive, il aura eu une belle carrière, conclut Vincent Lavenu. Je ne veux lui dire qu’une seule chose : chapeau, Monsieur Péraud. »

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