Un hiver perturbé par un problème au genou et un retour à la compétition mi-avril, c’est la difficile expérience de Kenny Elissonde. Le grimpeur de poche de la FDJ avait terminé 2015 sur de bonnes performances, après sa seizième place sur la Vuelta. Mais en décembre, à quelques semaines de son retour programmé à la compétition, il ressent une gêne au niveau du genou. Le passage par la case opération est finalement inévitable, et voilà le Francilien de naissance parti pour une galère de plusieurs mois. Ce jeudi, il va remettre un dossard pour la première fois depuis plus de six mois, sur le Grand Prix de Denain. Même si la course ne correspond pas à ses qualités, l’envie est là. Désireux d’aller de l’avant et de se rendre utile, il a confié à la Chronique du Vélo son bonheur d’être enfin de retour.

Ca y est, vous allez enfin pouvoir courir, vous dans quel état d’esprit êtes-vous ?

Je suis motivé, ça fait six mois que je n’ai pas couru donc ça me manque. J’avais fait cinq semaines d’entraînement jusqu’à fin décembre, avant de couper puis de refaire une préparation. Alors là, j’ai vraiment envie de mettre un dossard. J’en ai assez de m’entraîner, je veux vraiment retourner sur les courses.

Démarrer votre saison en avril, vous le prenez comme un handicap ou finalement comme une chance ?

Franchement je ne me prends pas la tête et je ne me pose pas la question. Ca ne m’est jamais arrivé de reprendre si tard, donc on verra bien comment ça va se passer. Je ne sais pas du tout à quel niveau je vais être au début, quelle sera ma condition. Alors c’est vrai je serai peut-être un peu plus frais que les autres, mais j’ai surtout hâte de voir comment ça va se passer, si je vais manquer beaucoup de rythme ou pas.

C’est un saut dans l’inconnu en fait…

Oui, clairement. C’est très difficile voire impossible de reproduire les efforts de courses à l’entraînement, donc il y a forcément une part de doute, on ne sait pas trop où on va. C’est déjà le cas habituellement en janvier, quand on a fait trois ou quatre mois sans compétition, mais moi j’en suis à six…

Revenons donc sur ce problème de genou, combien de temps vous a-t-il tenu écarté du vélo ?

J’ai fait six semaines sans vélo à cause du genou. Au départ en fait, j’ai coupé à la fin de saison, six semaines déjà. J’ai repris pendant cinq semaines, avant de me faire opérer, ce qui m’a encore empêché de m’entraîner pendant six semaines. J’ai eu deux coupures, et en quelque sorte deux préparations.

Vous vous y attendiez, c’était une douleur récurrente ?

Non, je ne m’attendais pas du tout à ce que ça me tombe dessus. J’ai repris normalement après avoir coupé puis à la fin du mois de décembre j’ai commencé à avoir des douleurs, le 31 décembre exactement, je m’en rappelle bien. J’avais fait un gros mois d’entraînement alors j’ai pensé à une tendinite et on l’a traité comme telle. Mais même après du repos, en reprenant, j’avais toujours mal, et de plus en plus. A la fin, je n’arrivais même plus à marcher. J’ai donc fait des examens plus poussés et on s’est rendus compte que j’étais obligé de passer par l’opération parce que mon cartilage était abîmé.

Comment l’avez-vous vécu mentalement ?

Au début j’étais dégoûté parce que j’avais de gros entraînements à venir et je ne voulais pas les louper. J’ai dû faire une croix dessus et je me disais que j’allais reprendre au stage de l’équipe, à Cannes. J’ai été très déçu de louper le stage, puis surtout ma première course. Mais à ce moment-là, je me suis fait une raison. J’ai compris que mon début de saison, je pouvais l’oublier. Ca a été difficile parce que l’hiver, tout le monde est motivé pour reprendre la compétition, j’avais envie d’en découdre. En plus, je n’avais jamais eu de problème de santé jusqu’ici, c’était nouveau pour moi, et quand ça nous tombe dessus, on se demande pourquoi nous, on ne sait pas trop quoi faire. Mais j’ai quand même eu de la chance. Quand on parle d’une opération au genou pour un cycliste, ça peut faire peur, mais finalement tout s’est bien passé.

Votre premier objectif sera donc le Tour de Romandie, pour y aider Thibaut Pinot ?

Oui, je suis présélectionné pour la Romandie mais on verra comment ça se passe en course. Si le staff pense que c’est un peu trop tôt, un autre coureur ira à ma place. Mais pour le moment, tous les feux sont au vert.

En attendant, vous reprenez au Grand Prix de Denain, une course pour sprinteurs, c’est paradoxal.

Ce n’est pas une course qui correspond à mes caractéristiques, c’est vrai. On m’aurait envoyé là-bas en temps normal, je me serai demandé pourquoi. Mais là, j’en suis arrivé à être heureux d’y aller, ça montre à quel point après une telle blessure, on n’a qu’une envie, c’est mettre un dossard. Je veux me retrouver avec l’équipe et même travailler en tête de peloton pour un sprinteur. Ce n’est pas un problème, je suis prêt à tout pour revenir à la compétition après des mois de galères à la maison. Il y a quelques mois, faire le Grand Prix de Denain j’en aurais rêvé.

On connaît votre potentiel, vous avez 24 ans, est-ce que ça vous fait peur si on vous dit qu’on attend que vous preniez une nouvelle dimension, même après un hiver aussi perturbé ?

Non ça ne me fait pas peur, justement ça me motive. Je sais qu’il y a du travail à accomplir, mais j’y pensais déjà cet hiver après ma bonne Vuelta. Surtout qu’aujourd’hui à l’entraînement, je suis revenu à des bonnes bases, alors que j’appréhendais un peu. J’ai passé du temps en béquilles et j’ai perdu beaucoup de muscle dans ma jambe droite, j’avais peur de ne jamais retrouver assez de puissance. Mais finalement j’ai été au CERS de Saint-Raphaël où j’ai fait pas mal de musculation et j’ai récupéré assez vite. Aujourd’hui je suis vraiment content, j’espère que c’est derrière moi et que dans quelques mois, je n’y penserai plus. J’espère avoir mangé mon pain noir pour l’année, et pour ma carrière si possible.

La musculation justement, c’est quelque chose dont vous aviez l’habitude ?

Non, j’ai découvert ça au CERS, je n’avais jamais été en salle de ma vie. Mais j’ai été très bien encadré, là-bas ils ont l’habitude de travailler avec des sportifs de haut niveau, et j’ai rapidement récupéré du muscle dans ma jambe droite. Ca m’a permis petit à petit de retravailler, d’abord une heure, puis deux, alors qu’au début je ne pouvais même plus monter les escaliers.

L’hiver dernier, vous avez aussi prolongé d’un an à la FDJ. Votre contrat se termine donc à la fin de l’année, appréhendez-vous les mois à venir, où vous allez devoir convaincre ?

Pas vraiment, je n’y pense pas. D’avril à octobre, c’est à la fois très long et très court. Et puis en tant que grimpeur, si je regarde le programme que je devais avoir en début d’année, ma saison aurait réellement commencé au Giro. Les courses que j’affectionne, c’est surtout à partir du mois de mai. Je me rassure en me disant ce genre de choses. Mais franchement, je ne me torture pas l’esprit avec ça parce que c’est le meilleur moyen de faire les choses à l’envers. Je me concentre surtout sur ce que je dois faire. Je veux être compétitif le plus tôt possible pour l’équipe, c’est ce qui est important et c’est de ça que découlera la suite de ma carrière.

Mais le Giro justement, c’est encore dans votre programme ?

Non, le Giro ce sera trop tôt. Je n’ai plus de souci avec mon genou, mais compte tenu de ma préparation, c’est comme si j’étais mi-février. Faire un grand tour avec si peu de kilomètres derrière moi, ce serait trop dur pour le corps. Ne pas courir pendant six mois et tout de suite faire un grand tour, pour le coup, ça pourrait me carboniser pour toute la saison. Donc je partirai sur le Tour de Suisse, qui est très montagneux aussi, mais plus tard et plus court.

Et la suite, ce sera pour aller vers la Vuelta ?

Oui, voilà. Il y aura les Championnats de France, qui sont vallonnés, puis le Tour de Pologne, le Tour de Burgos ou de l’Ain, je ne sais pas encore, et la Vuelta. Ce ne sera que des courses qui vont bien avec mes caractéristiques. Et puis si je vois le verre à moitié plein, je me dis que l’an dernier j’avais déjà fait deux grands tours, et n’en faire qu’un cette année ça peut me permettre de souffler un peu. Quatre en deux ans, ça aurait pu faire un peu lourd. Il faut réussir à voir le bon côté des choses même quand il n’y a pas grand chose de positif.

Donc 2016 sera pour vous une saison un peu plus légère ?

Plus légère oui, mais quand même avec des épreuves World Tour, une course de trois semaines… Et puis en poussant jusqu’au Tour de Lombardie en octobre, ça fait quand même des courses !

Alors si on est un peu optimiste, qu’est-ce qu’on peut espérer de mieux pour vous ? Une victoire en montagne ?

C’est sûr que quand on est coureur cycliste, on veut gagner des courses. Après j’aimerais bien aussi faire un bon classement général sur une course par étapes, pour reprendre ma progression où je l’avais laissé avec mon top 20 sur la Vuelta.

Mais finalement, avec votre bonne fin de saison 2015, il n’y a pas de raison de s’inquiéter tant que ça…

C’est ça, surtout que depuis que j’ai repris l’entraînement je me sens bien, sur les bases qui étaient les miennes juste avant ma blessure. Au final cette expérience, ça aura été un épisode de ma vie. On dit que tout ce qui ne nous tue pas nous rend plus fort, j’espère que ce sera mon cas. Maintenant, les compteurs sont remis à zéro et je reprends ma saison avec deux mois de retard. Il y aura sûrement des moments difficiles parce que la compétition c’est particulier, et il y a des moments où mon corps risque de se demander ce qu’il lui arrive. Mais je suis aussi dans une équipe patiente, qui va me laisser reprendre de façon raisonnable, donc je suis assez optimiste.

On l’a vu avec le cas Arthur Vichot, la FDJ n’hésite pas à prendre le temps.

Oui, exactement. L’équipe est compréhensive, à mon écoute. Au départ, je m’étais mis dans la tête de faire le Giro, et eux aussi. Mais ils ont accepté que ce n’était pas possible. Ailleurs, on m’aurait peut-être dit : « C’est bon, ça fait deux mois que t’as repris le vélo et on a besoin d’un grimpeur, il faut que tu viennes. » Ce sont des petites choses, mais ça fait la différence. Je suis simplement heureux de reprendre de façon cohérente.

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