Il a réalisé une campagne printanière de haute volée, ponctuée de plusieurs accessits de prestige. Jürgen Roelandts, leader de l’équipe Lotto-Soudal, a en effet fait preuve d’une régularité rare de Milan-Sanremo jusqu’à Paris-Roubaix, s’imposant comme l’un des classicmen qui compte. Onzième sur la via Roma, septième du GP E3 puis de Gand-Wevelgem, huitième du Tour des Flandres et enfin 21e sur le vélodrome roubaisien, il ne lui a pas manqué grand chose pour réaliser le printemps parfait. Pour la Chronique du Vélo, il revient sur ce dernier mois chargé. Entretien grand format.
Bonjour Jürgen. Tout d’abord, après en avoir terminé avec les classiques flandriennes, qu’en retenez-vous ?
J’ai décroché je pense de bons résultats. Je ne vais pas dire que c’était formidable, mais sur Milan-Sanremo et sur les quatre flandriennes que j’ai disputé, j’étais présent dans le final. Il n’a juste manqué un petit quelque chose pour aller chercher qu’un podium ou une victoire, mais la condition était là.
Vous allez encore courir l’Amstel dimanche, puis ce sera le temps du repos ?
Oui, je pars ce soir (jeudi) et demain on fait la reconnaissance. C’est ma dernière classique avant le repos. Ensuite, je ne sais pas trop où je reprendrai, mais sûrement au Tour de Picardie ou sur la World Ports Classic.
Vous avez été extrêmement régulier sur les classiques pavées, ne sortant qu’une fois du top 10 à Paris-Roubaix. Ce n’était pas le cas les années précédentes, comment vous l’expliquez ?
Ma préparation était différente cette année, je suis arrivé beaucoup plus frais pour les classiques. A Sanremo je fais un bon sprint mais j’étais un peu bloqué, sinon je pense que je pouvais faire dans les cinq. D’habitude, je fais toujours le Tour Down Under, ensuite je vais au Qatar et en Oman, avec beaucoup de voyages. Mais cette saison, j’ai juste faix deux courses à Majorque puis le Tour d’Algarve et Tirreno, et c’était mieux.
Vous avez été malade en début de saison, ça a changé quelque chose ?
Oui, je n’ai pas couru le Nieuwsblad et Kuurne-Bruxelles-Kuurne à cause d’une grippe. Mais c’était peut-être un mal pour un bien pour les courses suivantes, c’est toujours important d’être frais au moment d’entamer les classiques. L’an dernier, j’avais entre dix et quinze jours de course en plus (treize en réalité, ndlr), alors que là, je me sens encore frais pour l’Amstel.
Ça ne vous a pas dérangé de faire une croix sur le week-end d’ouverture ?
Au début si, mais j’ai rapidement senti sur le Tirreno que chaque jour, j’étais de mieux en mieux. Puis sur Milan-Sanremo j’étais très bien, et ça m’a donné aussi confiance pour les flandriennes.
Cette saison plus que d’habitude, la Lotto-Soudal était représentée en nombre sur les flandriennes, avec Benoot, Debusschere et parfois Greipel pour vous accompagner. C’était une surprise ?
Non pas vraiment, ça s’explique par notre programme justement. D’habitude, c’est toute l’équipe qui court beaucoup plus avant les classiques. Comme moi, Greipel va toujours au Qatar et en Oman, mais cette année on ne l’a pas fait. La différence est là. Ce n’est pas grand chose, mais on était peut-être mieux de 2% ou 3%, et ça se voit dans les résultats, car chaque détail compte sur les classiques.
Malheureusement, vous n’avez pas réussi à faire mieux que 7e, sur le GP E3 et Gand-Wevelgem. Qu’est-ce qu’il vous manque pour aller chercher les podiums, voire la victoire ?
Je ne sais pas, peut-être des circonstances de course plus favorable. Sur Gand-Wevelgem, je pense que j’étais le meilleur mais je ne fais que septième. Je suis parti à 80 kilomètres de l’arrivée, peut-être que si j’avais attendu le sprint j’aurais fait un podium. Mais je cours beaucoup à l’instinct, et je veux toujours gagner. Je n’ai pas peur de perdre, je veux seulement la première place. Parfois, à cause de ça, je termine septième ou huitième… Mais rouler pour un podium, ça ne m’intéresse pas.
Justement, vous avez réalisé un très gros numéro sur Gand-Wevelgem, vous avez aussi tenté sur Paris-Roubaix au Carrefour de l’Arbre, c’est votre tempérament de ne pas attendre le sprint ?
Oui, c’est mon style. Je dois encore devenir un peu plus fort, mais je sens qu’aujourd’hui, à 29 ans, je suis meilleur que par le passé. J’espère que je serai encore plus fort l’année prochaine. Mais quand je vois Paolini qui gagne Gand-Wevelgem à 38 ans, je me dis que je peux encore avoir de l’espoir.
Quand van Avermaet et Lampaert attaquent sur Roubaix, que vous dites vous ? Est-ce que vous aviez les jambes pour les suivre ?
Oui, j’avais encore les jambes pour y aller. Mais ça s’est un peu regardé et moi je venais de faire dix kilomètres tout seul jusqu’au Carrefour de l’Arbre… Je regardais un peu Terpstra, mais il avait déjà Lampart devant. Et sur les pavés de Willems (l’avant dernier secteur, ndlr), j’étais à vingt mètres de Boom, Keukeleire et les autres. Mais l’effort que j’avais réalisé dans le Carrefour de l’Arbre a fait que je ne suis pas parvenu à revenir à ce moment-là.
Et sur le Tour des Flandres, quand Terpstra et Kristoff attaquent, comment êtes-vous ?
J’étais juste en train de prendre un gel quand ils sont sortis. Je n’aime pas réagir directement, alors j’ai regardé un peu autour de moi, il y avait encore quatre BMC, trois Astana, et moi j’avais encore Greipel pour m’accompagner. Mais il n’y a que Greipel et Rowe qui ont roulé, je n’ai pas compris. Si les Astana et les BMC nous avaient aidé, je pense qu’on serait revenu au pied du Vieux Quaremont, et que Greg van Avermaet aurait vraiment pu gagner.
Ca vous énerve quand personne ne veut rouler derrière des échappés ?
Oui c’est énervant, quand je vois qu’il y a quatre BMC qui ne roulent pas, je ne comprends pas. Surtout pour Greg, je lui ai dit, il pouvait gagner le Tour des Flandres et finalement il fait troisième…
Vous lui avez dit à ce moment-là ?
Nan je ne suis pas allé lui parler pendant la course, mais Greipel l’a fait. Pourtant, ils ont décidé de rouler seulement le dernier kilomètre avant le Vieux Quaremont. C’était peut-être leur tactique, mais je pense qu’à cause de ça ils ont perdu le Tour des Flandres…
Vous êtes depuis maintenant huit saisons au sein de la même structure. Vous n’avez pas envie de connaître autre chose ?
Durant un hiver, en 2011 ou 2012, il y avait quatre ou cinq équipes où je pouvais aller, mais je suis resté chez Lotto. C’est une équipe belge, je connais bien le staff, c’est agréable. Et puis l’an dernier, j’ai eu la certitude que je serai leader sur les classiques flandriennes, c’est important pour moi. Si j’allais chez Etixx Quick-Step par exemple, je devrais sans doute rouler pour Boonen ou Terpstra.
Vous avez dû attendre pas mal d’années avant de devenir le leader de l’équipe sur les flandriennes, avez-vous été frustré à un moment ?
En 2011 j’étais déjà bien, mais il y avait un super Philippe Gilbert, c’était compliqué d’être leader. Ensuite, en 2012 puis l’an dernier, je n’étais pas au top, il reste donc seulement 2013, où j’avais terminé troisième du Tour des Flandres. Et dimanche dernier, c’était seulement la quatrième fois que je disputais Paris-Roubaix ; en huit années professionnelles, c’est assez peu.
Est-ce qu’une victoire sur le Tour des Flandres ou Paris-Roubaix, ça vous trotte dans la tête ?
Oui, je pense vraiment que je peux gagner. Je suis sûr que je peux encore être plus fort, et avoir ce petit truc qui ferait la différence. Aujourd’hui j’ai aussi plus d’expérience, je sais quand je dois être devant, et sur les deux ou trois années qui arrivent, je pense pouvoir faire encore mieux.
En fin de saison, il y aura les Mondiaux de Richmond, qui correspondent à votre profil. Vous y pensez ?
Oui j’y pense, et dans quelques semaines normalement je vais reconnaître le parcours. En revanche, je ne sais pas encore comment je vais me préparer, si ce sera avec la Vuelta ou les classiques canadiennes. Mais c’est certain que ce sera une course pour les coureurs de classiques, et j’espère être là.
Dimanche, vous terminerez donc votre printemps avec l’Amstel Gold Race. On peut vous imaginer passer le Cauberg avec les meilleurs et disputer le sprint final ?
C’est vrai que c’est peut-être un parcours qui me convient, lors des Mondiaux 2012 justement, j’étais présent à l’avant. Mais je n’ai jamais couru l’Amstel, donc pour moi c’est vraiment une nouvelle expérience.
Bonsoir,
Vous avez réalisé l’interview en français ou en anglais – Roelandts étant flamand ?
@Isaak : On l’a faite en français. Roelandts a couru une année en région tourangelle, et il parle très correctement notre langue.