A 23 ans, Fabien Doubey a dû faire un choix : délaisser le cyclo-cross pour la route. Après deux stages à la FDJ, il a donc signé son premier contrat pro chez Wanty Groupe Gobert. Un accomplissement qui ne doit pas le satisfaire. Sur les traces de Guillaume Martin, révélé l’an dernier sous les couleurs de l’équipe belge, Doubey sait tout le chemin qu’il doit encore accomplir pour se faire une place au sein du peloton. Il s’est livré à la Chronique du Vélo au sujet de ce qui l’attend. Entre appréhension et hâte d’en découdre.

Fabien, vous rentrez de votre premier stage avec Wanty-Groupe Gobert, comment cela s’est passé ?

On était à Benidorm (Espagne) et ça s’est surtout résumé à vélo, vélo et vélo. On a fait beaucoup de kilomètres. C’était un bon moyen de s’acclimater avec l’équipe, mais aussi de faire connaissance avec le staff dans les détails. On est resté douze jours, c’était un stage assez conséquent et c’était le premier vrai rassemblement de l’année.

Comment s’est passée l’intégration ?

J’ai déjà l’impression d’être dans l’équipe depuis un an. Je pense que le fait d’être avec des coureurs de nationalités différentes permet une intégration plus facile. Je ne me suis pas senti exclu, je ne me suis pas senti le petit nouveau. Au contraire, tout le monde était très ouvert pour me donner des conseils. Je suis le seul néo-pro mais ça ne s’est pas senti. L’équipe n’en prend pas souvent mais l’année dernière le test avec Guillaume Martin a été concluant. Alors ils ont décidé de recommencer.

Avec Guillaume Martin justement, vous étiez ensemble au CC Etupes. Il y a aussi deux autres français dans l’effectif, Yoann Offredo et Guillaume Levarlet. Ça a joué sur votre intégration ?

Oui, je connaissais déjà Guillaume Martin et ça m’a permis d’avoir une idée de l’équipe avant même d’y arriver. C’était forcément un petit avantage. C’est aussi toujours bien de connaître quelqu’un qui est déjà là, ça donne un petit repère quand tu es néo-pro et que tu arrives. Mais d’un point de vue humain, je suis super content de faire partie de ce projet. Il y a des Italiens, des Belges, un Anglais et des Français. Et quand on regarde ce que font les autres pays, ce n’est pas forcément ce que l’on a l’habitude de faire chez nous. C’est enrichissant.

Ces deux dernières années, vous avez été stagiaire à la FDJ. Qu’est-ce qui change chez Wanty ?

Ici ils sont peut-être plus cool, ils se prennent moins la tête avec la diététique par exemple. Au contraire en France, on m’a toujours dit de faire attention. Eux ils font le métier bien sûr, mais sont moins à cheval sur ça. Mais derrière il n’y a pas de secret, ce sont les heures de selle à l’entraînement qui font la différence.

Pourquoi n’avez-vous pas signé à la FDJ ?

Parce que je n’ai pas eu de proposition, malgré le fait que cela ce soit bien passé les deux années. L’équipe a fait des choix de recrutement orientés vers des purs grimpeurs. Moi, on peut plutôt me considérer comme un grimpeur-puncheur, je suis à l’aise en moyenne montagne. Alors je respecte leur choix, mais pour moi, ce qui comptait, c’était de passer professionnel. Et dans une équipe qui me voulait. C’est fait et maintenant je compte bien montrer que la FDJ a eu tort.

Comment s’est passée la phase d’approche avec Wanty ?

Je cherchais une équipe pour passer pro et les contacts se sont révélés très intéressants à partir de mon stage à la FDJ. J’ai pu parler en tête à tête avec les responsables de différentes équipes et c’est là que les choses ont avancé. J’ai fait une bonne performance au Tour du Limousin où je termine 15e du général, en allant chercher une bonification. Ce sont des petites choses mais qui peuvent faire la différence. Wanty m’a vraiment connu à partir de là. J’ai saisi ma chance et le contrat a été signé en fin de saison.

Que se passe-t-il dans votre tête au moment de la signature ?

J’étais super content ! Je me suis dis que ça valait le coup d’aller tous les jours à l’entraînement. Cette signature, c’était une récompense personnelle donc je savourais. Mais je suis vite revenu à la réalité en me disant que maintenant il fallait mettre les bouchées doubles.

Quand vous êtes vous dit “Je veux et je peux passer pro” ?

Vouloir passer professionnel, je me le suis dit quand je suis arrivé sur la route. A ce moment-là, j’ai compris que c’était bouché en cyclo-cross. Puis lors de mon premier stage à la FDJ, j’ai pris conscience que j’avais une chance d’y arriver. Je me suis rendu compte qu’il y avait quelque chose à faire, ma fin de saison amateur était vraiment bonne. Ça a été le déclic et je me suis donné comme objectif de passer professionnel à la fin de la saison suivante.

C’est ce qui explique que vous ayez été moins présent sur les cyclo-cross l’hiver dernier ?

Oui, il a fallu trancher. J’ai vite vu que dans une équipe française, ce n’était pas possible de passer professionnel dans le cyclo-cross. Et s’expatrier en Belgique n’est pas simple, c’est assez fermé pour les étrangers. Du coup j’ai décidé d’essayer sur la route, en sachant que les petites piges que j’avais faites avec le CC Etupes m’avaient beaucoup plu. J’ai trouvé un milieu réfléchi, posé, où il y a du respect. Ce sont des valeurs auxquelles je porte beaucoup d’attention. J’avais toujours couru un peu de mon côté avant ça, mais ce côté collectif est pour moi super important. Tu as beau avoir les meilleurs coureurs sur le papier, s’ils ne sont pas capables de s’entendre, ça ne marche pas.

Comment avez-vous adapté votre entraînement au monde professionnel ?

J’ai tiré une grosse conclusion du stage à la FDJ : chez les pros, on court moins régulièrement qu’en amateur. Du coup, les coureurs n’hésitent pas à partir de leur côté pour avoir de bonnes conditions d’entraînements. Ils en profitent pour faire de grosses sessions. C’est quelque chose qui peut me correspondre car en cyclo-cross, je fonctionnais beaucoup comme ça, avec des bonnes bases de travail et de la récupération. Surtout que je dois prendre de la caisse, c’est indispensable chez les pros. Sur un gros tempo avant une bosse, j’encaisse moins bien que des coureurs expérimentés. Je l’ai bien senti lorsque je les ai côtoyé. Mais une fois que j’aurai acquis cette base, je pourrai vraiment exprimer mes qualités.

Vous allez faire vos débuts au Tour d’Oman, directement en World Tour…

C’est excitant même si ça fait un peu peur. Oman, c’est une destination inconnue pour moi. Je ne pense pas que beaucoup de néo-pros aient démarré là-bas. Les mauvaises langues diront que c’est peut-être trop haut d’entrée mais à un moment, si on veut accéder au haut niveau, il faut courir au haut niveau. L’équipe sait aussi me protéger, ils ne vont pas me griller. Et c’est aussi à moi d’y être vigilant. Mais je sais que je suis bien encadré et ça ne me fait pas peur.

Quels objectifs donnez-vous à votre carrière ?

Déjà, dans deux ans, j’aimerais signer à nouveau (il rit). Après, dès l’an prochain j’espère pouvoir aller chercher une victoire sur des courses où je suis capable de m’exprimer. Je suis un compétiteur. Mais surtout, dès cette année, je veux voir quelles courses je suis capable de gagner. Je dois définir mon profil exact et ensuite je pourrai m’exprimer pleinement.

Vous êtes encore dans l’inconnu à ce niveau là ?

Pas totalement. Je suis plutôt un puncheur-grimpeur, je pense que la moyenne montagne est vraiment mon terrain de jeu. Des courses par étapes de second rang peuvent aussi correspondre à mes qualités. C’est pour ça que je veux profiter de ma première année pour découvrir, ne rien m’interdire. C’est excitant de partir d’une feuille vierge.

Vous avez envie de suivre les traces de Guillaume Martin ?

Il a montré de très belles choses l’an dernier, pour sa première saison. C’est une belle revanche pour lui aussi. Il a aussi prolongé son contrat d’un an donc c’est bien, il sera aussi avec moi en 2018 (il rit). C’est un bon gars. Sur un vélo, on n’a pas le même caractère qu’en dehors. On est plus agressifs, plus méchants. Mais quand on descend du vélo, c’est terminé. Et celui qui n’arrive pas à faire la part des choses, pour moi, ce n’est pas un champion.

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