Le Tour d’Italie, et c’est bien connu, fait très souvent la part belle à la haute montagne, théâtre de ses plus belles lettres de noblesse. Au point d’éxagérer la difficulté concentrée en troisième semaine, comme ce fut le cas en 2014, où Nairo Quintana a construit son succès sur une montée en puissance en vue des dernières échéances ? On se souvient de l’édition gargantuesque de 2011, considérée comme le Grand Tour le plus dur de ces dernières années, et donc des dix arrivées au sommet programmées en mai dernier. Alors, RCS Sport a décidé de corriger quelque peu sa ligne, et si le menu sera une fois de plus très copieux, les étapes pièges, véritable atout de charme de la course rose, feront leur retour en grande pompe pour la première course de trois semaines de la saison 2015, qui devrait sacrer un grimpeur, mais avant tout quelqu’un de complet ! La Chronique du Vélo vous décrypte le parcours dévoilé cet après-midi.

Les Cinque Terre en apéritif

Régulièrement, les organisateurs italiens aiment proposer quelques fractions kilomètriques, voire des étapes entières, sortant de l’ordinaire, de la routine d’un bitume connu de tous. L’édition 2014 ne dérogera pas à la règle, puisque la première semaine mettre l’accent sur la côte Ligure, avant la descente vers le Mezzogiorno. Clin d’oeil à la “Primavera” , le peloton entrera en selle par le biais d’un contre-la-montre par équipes de 18 kilomètres, sur l’une des plus grandes pistes cyclables européennes, à Sanremo. De quoi rentrer rapidement dans le vif du sujet, d’autant plus au regard des troisièmes, quatrièmes et cinquièmes étapes d’un parcours touristique aux noms des localités citées, mais, pour sûr, pas question de s’y égarer ! Il ne faudra pas se retrouver dans un mauvais jour sur le chemin de Sestri Levante – ou s’était imposé Lars Bak en 2012 – , avec un joli col à 1100 mètres d’altitude dont le sommet sera placé à 40 kilomètres de l’arrivée, et encore moins le mardi entre Chiavari et La Spezia ! Les fameuses Cinque Terre, caractérisées par ces falaises abruptes le long des côtes Etrusques, et des routes plus qu’étroites – marquées par un chrono marathon durant l’édition 2009 – , seront mises à l’honneur, avec pas moins de quatre difficultés dont une dernière à seulement dix bornes du port de la Spezia, ou des favoris pourraient rapidement perdre gros. Enfin, le lendemain, la première arrivée au sommet, bien que roulante, pourrait déjà révéler quelques lacunes de préparation à travers les 17 kilomètres à 5% de l’Abetone. Voila de quoi pimenter un début de Giro placé sous le signe de la nervosité, à l’image des trois semaines attendues. Citons notamment cette septième étape, la plus longue, parcourant 263 kilomètres entre Grosseto et Fiuggi – fief d’entraînement des Bardiani –  pour un final loin d’être favorables aux sprinteurs.

Dans cette même volonté de durcir le parcours sans se concentrer sur des cols finals répétitifs, à l’image des scénarios parfois stéréotypés du Tour d’Espagne, bien malin qui pourra prédire le scénario de la neuvième étape de 212 kilomètres entre Benevento et San Giorgio del Sannio. Un concentré de cols médians, avec le Terminillo et le Colle Mollela, avec en prime un contexte faisant suite à la deuxième arrivée au sommet de ce Giro et précédant une journée de repos pourrait inspirer bon nombre de coureurs… Un week-end appenin toujours difficile à gérer, puisqu’il faut trouver la bonne formule entre ne pas griller inutilement des cartouches, et ne pas gâcher des occasions bienvenues, comme la première explication attendue au sommet du Campitello Matese lors de la huitième étape. Soulignons la mode croissante des arrivées jugées sur des circuits automobiles, dédiés à la Formule 1 ou bien à la Moto GP, tels Alcaniz sur la Vuelta, Magny-Cours lors du dernier Paris-Nice, et cette fois Imola, funestement célèbre pour les amateurs en question, associé éternemment au décès d’Ayrton Senna, l’un des plus grands pilotes de l’histoire, 20 ans auparavant… Enfin, le jeudi 21 mai, les puncheurs s’en donneront à coeur joie sur les pentes du Monte Berico, à Vicenza, où une simulation de parcours sera effectuée en vue des Championnats du Monde 2020.

Il y en aura pour tout le monde

Avant de nous intéresser à la haute montagne, ou une bonne partie de la lutte pour le maillot rose devrait s’y produire, jetons un coup d’oeil au sort réservé aux coureurs les plus véloces du peloton, qui seront loin d’être mis sur la touche. Avec un total de neuf étapes pouvant convenir aux plus costauds, dont six abordables, sauf si les baroudeurs s’en mêlent, ramener le maillot vert à Milan est tout sauf hypothétique pour un coureur comme Nacer Bouhanni, dont les envies de doublé trottent déjà dans sa tête. Evidemment, il y aura bien quelques étapes de transition, dont la dix-septième qui marquera une courte excursion en Suisse, à Lugano, mais les bolides auront du mal a laisser passer leur chance sur les véritables tapis roulants proposés, à l’image de Forli et de la treizième étape entrant dans Jesolo, signe de dernier instant de répit avant les choses très sérieuses. Voilà pour ceux qui ne sont pas franchement spécialistes de la grimpette. On en aurait également presque oublié l’effort solitaire. Seulement 77,2 kilomètres à se coltiner, mais pour quelle intensité ! En fin de deuxième semaine, le vrai tournant se forgera sur les 59,2 kilomètres tracés entre Trévise et Valdobbiadene, avec une deuxième partie plutôt vallonnée. C’est plus que les 54 de Saltara en 2013, et que les 42 de la route des vins l’an passé.

Toutefois, le mythique cronoscalata sera absent, laissant place à quelques ascensions toutes aussi renommées. Première grosse étape de montagne prévue vers Madonna di Campiglio, là où Pantani fut exclu de la course rose pour un taux d’hématocrite bien supérieur à la normale. Similitude ? Les premières sueurs vont apparaître sur tous les visages, puisque si l’ascension finale n’a rien d’insurmontable avec une pente moyenne de 6%, elle sera précédée par le Monte Daone, 8 kilomètres de montée à plus de 9% de pente moyenne ! Autant dire que les attaquants auront tout intêret à déclencher les hostilités le plus tôt possible, pour faire une vraie sélection. Qui plus est, ce sera jour de repos lundi, avant une seizième étape déjà dans tout les esprits, entre Pinzolo et Aprica. 175 kilomètres garnis par le méconnu Campo Carlo Magno, le classique Passo di Tonale, et le redouté Mortirolo, avec des kilomètres entiers avoisinant les 18%. Entre temps, on aura déjà monté l’Aprica une première fois, avant de se le farcir une dernière fois pour y atteindre la ligne d’arrivée. Une difficulté particulière, avec son pied très pentu, mais au reste grimpé grand plateau. Encore une fois, ce n’est pas en attendant la flamme rouge que l’on pourra se défaire de ses concurrents…

Une fin en apothéose

On s’arrêtera là pour le passage dans le massif des Dolomites, mais avant de s’apprêter à franchir les juges de paix du 106ème Tour d’Italie, il y aura cette arrivée en descente à Verbania, sur les rives du Lac Majeur, après avoir gravi le Monte Ologno, un gros morceau de 10 kms à 9%, positionné à quarante bornes du but. Il serait dommage d’escamoter ceci en une banale étape de transition… Mais quoi qu’il en soit, il n’y aura aucun sursis lors de l’antépénultième journée de ce Giro, longue de 236 kilomètres entre Gravellona Toce et le Breuil-Cervinia. Trois grands cols de la Vallée d’Aoste enchaînés très rapidement, pour conclure aux 2000 mètres d’altitude. Seul bémol, la dernière ascension est du déjà vue, et en 2012, Andrey Amador s’y était imposé profitant d’un attentisme des favoris, ne démarrant que dans les derniers mètres. Les pourcentages y sont en effet peu démesurés, et ce n’est vraisemblablement que dans le village de Valtournenche que la route se cabre sérieusement avant un mini replat en guise de conclusion. Puis, il y aura cet ultime samedi, et son rarissime Finestre, en grande partie non goudronné, ayant servis aux exploits de Rujano, et dernièrement Vasil Kiryienka en 2011, dans une partie finale identique, avec cette courte descente vers les rampes finales de la station de ski de Sestrières. On connaîtra alors le vainqueur du Giro 2015, sacrant un très bon grimpeur, mais pas que.

Unanimement, les coureurs ayant assisté à la présentation décrivent un parcours complet, comme Alberto Contador, qui tentera de réaliser le doublé Giro – Tour, après y avoir échoué en 2011. “Ce sera un Tour d’Italie très dur, malgré un faible nombre d’arrivées au sommet et de pentes très dures. Le dénivelé est impressionnant, et chaque jour ou presque, il y aura une vraie difficulté. Toutes les étapes seront importantes, et on peut perdre une course comme le Giro n’importe quand.” Un avis qui rejoint celui du nouveau champion du monde, Michal Kwiatkowski, ou du double dauphin actuel, le colombien Rigoberto Uran : “Le Giro est une course ou il se passe toujours quelque chose dans chaque virage, et une fois de plus, le parcours est très attrayant. Un coureur peut-être plus complet que d’habitude l’emportera.” , a déclaré le Polonais, tandis que “Vous pouvez être très forts pendant les deux premières semaines, et tout perdre en troisième si vous n’êtes pas assez performant. Les conditions météorologiques peuvent être un facteur déterminant, mais selon moi, le long contre-la-montre sera une étape clé. Tout dépend du programme de courses que je fixerai cet hiver” d’après l’autre coureur d’Omega Pharma. Les locaux, eux, partagent également l’enthousiasme général, à l’image de Fabio Aru, pointant un “parcours spectaculaire”, avant de confier qu’il ira en stage spécifique pour “améliorer ma position et mes résultats en chrono au mois de novembre”. Dernier petit message à lire à travers les lignes du parcours du mois de mai prochain, la volonté de réduire le kilomètrage général. Seules trois étapes dépasseront les 200 kilomètres, en espérant assister aux mêmes courses de mouvements que sur certaines courses par étapes d’une semaine cette année. Enfin, aucune étape en particulier ne devrait attirer toutes les attentions, ce qui pourrait être bénéfique à l’attaquant Nibali, lui aussi en quête d’un doublé historique, et favorisé par le placement des plus grosses difficultés un peu plus loin de l’arrivée, pour éviter toute course de côte monotone et décriée. Il n’y a plus qu’à espérer que le pari de la société transalpine RCS réussisse !

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