Le Tour d’Italie a beau être fini depuis une semaine, notre consultant de choix, Gianni Savio, revient pour vous sur le premier Grand Tour de l’année 2014. Les moments forts de l’édition, les polémiques, critiques, surprises sans oublier son équipe Androni Giocattoli – Venezuela, tout est évoqué dans cette nouvelle chronique très complète, accompagnée du franc-parler habituel de l’Italien.

“En aucun cas une neutralisation”

Selon moi, c’est avant tout le coureur le plus fort des trois semaines qui l’a emporté. Malgré le malentendu sur la grande étape du Gavia et du Stelvio, qui a suscité quelques polémiques, il a démontré sa supériorité. Pour revenir rapidement sur la controverse, Radiocourse a annoncé pendant quelques instants que la descente allait être protégée par des drapeaux rouges, afin de signaler les passages dangereux, mais en aucun cas une neutralisation a été annoncée ! Ce n’est de toute manière pas à Radiocourse d’officialiser une telle décision, mais au jury, et ce dernier n’a jamais rien dit a un tel sujet. Or, à ce moment, il y avait déjà des coureurs partis à l’attaque depuis le tout début de la descente, dont Nairo Quintana, il est logique qu’il ait continué. Sur cette étape, il a également montré qu’il savait prendre tout les risques. Ce n’est pas nécessaire selon moi de continuer à polémiquer dessus, d’autant plus que les prestations du Colombien ont suffi à faire taire ces critiques. Quand on regarde le classement général final, on s’aperçoit que son dauphin, Rigoberto Uran, est à plus de trois minutes, tandis que Fabio Aru, troisième, figure au-delà des cinq minutes. Ce n’est pas un avantage qu’on peut créer dans une descente, c’est bel et bien dans les cols de ce Giro qu’il a construit son avantage décisif, et c’est tout à son honneur.

Pour revenir sur le podium final, je tiens à souligner le très bon Giro de Fabio Aru, qui a géré à la perfection les moments clés. Ce n’est pas vraiment une surprise pour moi, puisqu’il avait déjà fait une très belle course en tant qu’équipier de Nibali l’année dernière, et cela fait quelques saisons qu’il est annoncé comme un futur champion. Ma vraie surprise, c’est plutôt Pierre Rolland, à savoir le premier coureur hors du podium final. Il a montré qu’il était capable d’être régulier et de suivre les meilleurs, tout en étant grandement offensif. Sa performance dans le chrono en côte complète ses trois belles semaines. Avec une telle constance, cela lui a permis de décrocher un grand résultat sur une course prestigieuse. Il a été la belle surprise du Giro, surtout pour nous, les Italiens, c’était presque une révélation, car on le connaissait un peu moins bien que vous, de l’autre côté des Alpes.

“Arredondo, dans la pure tradition colombienne”

Je regrette par ailleurs la malchance de Michele Scarponi tout au long de ce Giro. Je le connais très bien, et sa chute sur l’étape de Montecassino l’a totalement diminué, il est dur de bien récupérer, et il était obligé d’abandonner, on ne peut pas donner un jugement sur sa performance et ses capacités. Concernant Ivan Basso, j’ai plus de choses à dire. Ayant de très bons rapports avec lui, je vais le dire franchement, c’était un très grand coureur ces dernières années, il a remporté à deux reprises le Tour d’Italie, mais là, c’est indiscutablement la fin de carrière. On dit que les années passent, et c’est le cas. A un moment donné, n’importe quel coureur régresse, c’est une question physiologique, et même si j’espère le revoir à un meilleur niveau sur d’autres courses en 2014, je doute que cela soit le cas.

En dehors de Nairo Quintana, c’était vraisemblablement Julian Arredondo le meilleur grimpeur de ce Tour d’Italie, en compagnie de Rigoberto Uran. Les leaders pour le général, visant le maillot rose, ne peuvent pas aller chercher le maillot bleu, c’est normal, et en dehors de ces derniers, Arredondo a fait son petit bout de chemin. Il s’inscrit dans la pure tradition colombienne. J’ai des bons souvenirs de ce grimpeur de poche, puisqu’il évoluait encore chez Nippo l’an dernier, une équipe continentale. Je l’avais vu en personne remporter avec brio le Tour de Langkawi, dont l’étape reine de Genting Highlands.

“Tout mes compliments à Franco”

Concernant mon équipe Androni, je tire un bilan plutôt positif. Une partie du public, à savoir nos supporters de premier ordre, ont été satisfaits par notre prestation. Nous avons honoré chaque étape, en nous lançant une nouvelle fois à l’offensive chaque journée, et le record que nous détenions l’an passé concernant les kilomètres d’échappée tout au long des trois semaines a encore été battu. Nous l’avons amélioré à 2430 kilomètres. Après, nous avons eu plus de chance certaines années où nos coureurs ont pu lever les bras, cette année, nous ne l’avons pas obtenu, mais cela fait partie du jeu, et nous n’avons pas à rougir. Jackson Rodriguez à pris la deuxième place à Rivarolo Canavese, et Franco Pellizotti, notre leader, était tout proche de décrocher une victoire de prestige en haut du Monte Zoncolan, l’étape reine. Michael Rogers était stratosphérique ce samedi. Mais j’adresse tout mes compliments à Franco, il a prouvé à tous qu’il pouvait être un solide capitaine de route. Enfin, nous sommes montés sur le podium final à Trieste grâce à Marco Bandiera, premier au classement des sprints intermédiaires, les « Traguardo Volante » . Nous sommes très heureux.

Deux tâches toutefois resteront dans l’histoire de ce Giro 2014. Des aspects négatifs, puisque je n’ai absolument pas compris pourquoi un coureur qui va remporter une grande victoire réalise un geste aussi vulgaire. Cela donne une dimension mineure à sa victoire, puisqu’on ne se souviendra sans doute plus de Stefano Pirazzi vainqueur, mais de son attitude. Après, il s’est excusé à l’arrivée, mais je ne pense pas que cela puisse faire oublier ce qui s’est passé. Le deuxième point concerne les tifosi du Monte Zoncolan, et le débordement ayant causé du tord à Francisco Manuel Bongiorno. Personnellement, je suis issu du monde du football, et maintenant, je considère que le monde du cyclisme est bien plus éduqué que les ultras du ballon rond. Les spectateurs n’insultent que très peu dans le vélo, sont calmes, respectent et encouragent, et constituent en quelque sorte une source de motivation de plus pour le peloton. Mais, bon, comme il y en a partout, on doit faire face à quelques imbéciles stupides, qui viennent gâcher le déroulement du sport. Aux dernières nouvelles, la police mène une enquête afin d’identifier cette personne, mais il y aura inévitablement des conséquences judiciaires. Ce sera un exemple pour le futur, et cela s’adresse à tout les autres fans encombrants qui pourraient adopter un comportement similaire. Ils ne doivent pas intervenir d’une quelconque manière, et il est sûr que nous ne pouvons pas protéger kilomètre par kilomètre les coureurs dans un col abrupt.

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