Malgré un clap de fin de plus en plus pressant qui s’apprête à se refermer sur la saison 2014, l’actualité cycliste n’en reste pas moins vaste, diverse, et sujette à de nombreuses analyses et autres débats. Pour cela, notre chroniqueur italien Gianni Savio, manager général de la formation Continentale Pro Androni Giocattoli – Venezuela, se fait un plaisir de la décrypter, en n’oubliant aucune thématique ! Les Mondiaux, le Tour de Lombardie, le dénouement de la Coupe d’Italie, sans mettre de côté le mercato, c’est sur la Chronique du Vélo.

“Beaucoup se demandaient ce que pouvaient vraiment faire les Polonais”

A l’occasion des Mondiaux de Ponferrada, le cyclisme a une nouvelle fois démontré qu’il s’agissait d’un sport d’équipe. Selon moi, sur le podium, ce n’était pas seulement le sacre de Kwiatkowski, auteur d’une course extraordinaire, pleine d’intelligence tactique et de puissance dans le final, mais également celui de la Pologne, qui a pris la course en main durant plus de la moitié de la journée. Beaucoup se demandaient ce que pouvaient vraiment faire les Polonais, tous seuls, et finalement, tout le monde a eu la réponse. Chapeau ! Pour revenir aux parcours en lui-même, s’il n’a pas été aussi sélectif que prévu, un coureur a quand même réussi à terminer en solitaire. Selon moi, un championnat du Monde se doit d’être un peu plus difficile, mais bon, quand on sait que les Mondiaux de 2016 iront au Qatar, il risque d’y avoir encore plus de prétendants, comme lors du sacre de mon ami Mario Cipollini à Zolder en 2002. Il faut savoir que c’est quasiment impossible de faire un circuit pour pur grimpeurs de nos jours… Tout le monde a eu la possibilité de voir que la grande différence n’était pas possible. C’est pourquoi l’action de Kwiatkowski était vraiment remarquable, le plus dur était de maintenir un avantage dans une telle configuration, éviter un regroupement… Je suis persuadé qu’il honorera le maillot arc-en-ciel l’an prochain ! C’est quelqu’un qui ne cesse de progresser, commençant comme équipier polyvalent, avant de gravir les échelons, de gagner des épreuves importantes… Il fera à coup sûr un beau champion du monde !

“Depuis quelques années, un véritable équilibre”

Depuis deux ans, Joaquim Rodriguez avait réussi à plaçer une attaque tranchante et décisive dans la dernière côte, et je pensais encore qu’il pourrait rééditer une telle performance pour aller chercher le record des trois Tour de Lombardie consécutifs ! Mais, malgré une condition plutôt bonne, il n’était pas au-dessus des autres, et on l’avait déjà pressenti depuis quelques temps… Les protagonistes de la classique des feuilles mortes sont bien généralement les mêmes qu’au championnat du Monde, et on avait vu qu’il n’était pas si bien que ça. Mais malgré ça, tout le monde attendait des attaques dans l’ultime difficulté, comme aux championnats du Monde, et il n’y en a pas vraiment eu. Kwiatkowski avait pu sortir dans le vif du sujet, et cette fois, c’est Martin qui a flairé le bon coup, à 500 mètres de la ligne. Il mérite cette victoire. Après, concernant les critiques quand à l’ennui relatif occasionné par les dernières courses, je trouve que cela fait partie du côté imprévisible du cyclisme. Ce n’est pas toujours le plus fort de la journée qui s’impose, mais celui qui prend le plus de risques, et il faut bien le dire, le vainqueur a souvent un peu plus de chance. Dimanche, l’Irlandais a attaqué, les autres se sont regardés, attendant qu’un autre poursuivant aille le rechercher, et ainsi de suite, jusqu’à ce que l’on ne le revoit plus… Le changement de parcours était quand à lui réussi, avec un final peut-être un peu moins dur dans Bergame, mais toutefois pour hommes forts. Il y a toujours le moment particulier, à savoir la Madonna del Ghisallo. C’est incontournable, sportivement, historiquement, et même un lieu important pour la religion. La chapelle, le musée du cyclisme… La Ghisallo, c’est le Monument du monument ! Je tiens à souligner aussi cette chute dans le dernier kilomètre, qui a un peu désorganisé le tout. Contador, et mes protégés Pellizotti et Rosa sont allés à terre.

“Un parcours très intéressant”

2015 sera un parcours très intéressant. Cela change un peu des éditions des dernières années, avec déjà une arrivée au sommet le cinquième jour, ou l’on pourait avoir une première indication de la condition des favoris. Techniquement attrayant, ce Giro l’est aussi au niveau culturel, social, des traditions de la course rose sur son territoire. Chaque étape possède son histoire, avec des endroits touristiques parfois fascinants. On part de la riviera ligure, à Sanremo, pour arriver à Milan, dans une dernière étape partant de Turin, ma ville. Il y a beau avoir moins de haute montagne que l’an dernier, il faudra quand même se méfier et cibler le Mortirolo, théâtre d’une de mes anecdotes préférées en 1990. Mon coureur vénézuélien, Leonardo Sierra, était passé en tête avant de remporter l’étape au même endroit que prévu, une fois de plus en 2015, à l’Aprica. Mais le plus marquant, c’est ses deux chutes dans la descente du Mortirolo, alors qu’il avait passé la journée à l’avant. Attention donc ! L’autre moment clé, sera l’enchaînement Finestre-Sestrières. C’est ici que José Rujano avait remporté l’étape en 2005.

Un Tour d’Italie qui me semble favorable à Alberto Contador, d’autant plus avec le contre-la-montre entre Trévise et Valdobbiadene, long de presque 60 kilomètres. Mais, à mon sens, le plus formidable, ce serait de pouvoir assister sur ces routes en question à une bataille, qui deviendrait mémorable, entre Alberto Contador, Vincenzo Nibali, mais aussi Chris Froome ! L’Espagnol à d’ores et déjà annoncé sa présence, ça promet…

“Davide a toute ma confiance”

Certaines équipes continentales professionnelles ont la chance d’avoir un budget quasi similaire à celui de certaines équipes World Tour. Elles ont la possibilité d’attirer des recrues de qualité et d’accumuler les signatures. MTN-Qhubeka se démarque cette année, mais possède déjà selon moi les capacités pour évoluer en World Tour. Concernant mon équipe Androni, la plupart des annonces officielles interviendront dans le courant de la semaine, mais je peux déjà vous dire que nous avons recruté deux hommes rapides. D’abord, Marco Benfatto, un sprinteur évoluant jusqu’à présent dans l’équipe continentale d’Astana, vainqueur de deux étapes du Tour de Qinqhai Lake et une autre sur le Tour de Normandie. Et dernièrement, nous avons fait un joli coup en faisant revenir Davide Appollonio, qui était parti en France chez AG2R la Mondiale. Davide a toute ma confiance, il a encore de quoi progresser, et je comprend que le staff d’AG2R souhaite établir une équipe forte pour les Grands Tours, les courses par étapes, et recherchent avant tout des équipiers pour leurs leaders. Davide n’est pas non plus qu’un simple sprinteur, c’est aussi selon moi un finisseur, capable de performer sur certaines courses difficiles telles la Roma Maxima avec le fameux Sterato, ou il termine deuxième en 2014. Tant mieux pour nous !

Nous alllons cependant terminer une saison durant laquelle nous n’avons pas été très chanceux. Six victoires pour nous, mais beaucoup de places d’honneur, de podiums, de tops 10… Récemment, Franco Pellizotti a encore terminé troisième de la Coppa Sabatini et du Tour d’Emilie. C’est pour ça que nous avons besoin de retrouver des coureurs rapides capables de gagner, ce qui nous a manqué cette année. La Coupe d’Italie s’est jouée entre Neri et Bardiani, mais il faut dire que la lutte aura été indécise jusqu’au bout. La première possèdait des coureurs moins en forme durant les derniers mois par rapport à la seconde. Mais, si Neri venait à s’imposer – entretien réalisée avant le dénouement du GP Bruno Beghelli, sacrant Neri Sottoli pour un point – il ne faut surtout pas négliger l’investigation en cours contre l’équipe Yellowfluo, par le procureur de la fédération cycliste italienne. Un succès de Bardiani serait à juste valeur le leur, mais celui de Neri serait alors “sub iudice”, comme on dit en Italie. Il y aurait un classement, mais pas encore entériné, et il faudra attendre.

“Dévastant pour le cyclisme”

Et malheureusement, il est vrai qu’avoir deux coureurs positifs coup sur coup dans la même équipe, et à l’EPO, ne donne pas une image très positive pour l’équipe Astana. Le président de l’UCI, Brian Cookson, va faire en sorte d’ouvrir une enquête pour obtenir quelques éclaircissements, mais on sait déjà que les coupables seront clairement et durement sanctionnés. Mais attention ! A ce sujet, si Astana est victime de deux cas de dopage, l’équipe Neri, elle, fait l’objet de trois affaires en un peu moins de deux ans ! Membre du MPCC, Astana s’est auto-suspendue, mais pour la structure Neri, elle a bénéficié d’une grande chance, et c’est une question qui sera largement évoquée à la prochaine assemblée du MPCC, dont je fais partie du comité directeur. J’ai reçu en copie la lettre adressée par Roger Legeay à cette équipe, stipulant que trois cas de dopage en quinze mois, surtout à l’EPO, c’est dévastant pour le cyclisme propre que l’on revendique. Elle a échappé à l’auto-sanction uniquement grâce au fait que la société principale de sponsoring ait juridiquement changé l’hiver dernier. Mais sinon, ce sont les mêmes ! Le manager général Citracca, le directeur sportif Scinto, son adjoint Parsani… La nouvelle investigation lancée à leur encontre devra justement se pencher sur ces caractéristiques…

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