La saison des classiques est repartie ! Toujours palpitante et avec son lot de surprises, c’est Milan-Sanremo qui ouvre le bal ce dimanche, avec une succession de prétendants au trône du premier monument de l’année, remporté en 2013 par le revenant Gerald Ciolek. C’est aussi l’occasion pour le manager général de l’équipe Androni Giocattoli de livrer son opinion, toujours tranchée, à la Chronique du Vélo. Sprinteurs ou puncheurs ? A qui reviendra cette classique avoisinant les 300 kilomètres ? Savio évoque tout, sans détour.

L’indécision de la Primavera fait son charme

Le parcours de Milan-Sanremo revient donc aux bases, mais il faut dire que ce n’était pas vraiment l’idée première. J’insiste sur le fait que ces changements de dernière minute sont dus à un cas de force majeure, à cause des précipitations très importantes dans la région de Ligurie. C’était alors trop tard pour revenir sur la côte du Manie, et celle de Pompeiana n’a pas vu le jour. Pour moi, Milan-Sanremo redevient donc avant tout une course pour sprinteurs, mais il ne faut pas oublier que la Classicissima est une loterie. Certes, sur une classique comme celle-ci, il n’y a que l’oligarchie du peloton qui peut espérer s’imposer, mais on a vu il y a quelques années de bons voire très bons coureurs lever les bras, alors qu’ils ne partaient pas du tout avec l’étiquette du favori. Je pense à Matthew Goss, mais aussi à Simon Gerrans, les deux Australiens, sur lesquels personnes n’était prêt à parier au départ. C’est ce qu’il y a de plus fascinant dans la Primavera :on ne peut jamais distinguer de grand favori.

Compte tenu des formes actuelles, je remarque personnellement Mark Cavendish, qui a montré qu’il était en grande condition sur Tirreno. Peter Sagan a aussi rassuré sur la Course des Deux Mers, et il est certain qu’il part avec une longueur d’avance si la Cipressa et le Poggio sont théâtre d’offensives. Mais il y a également un autre sprinteur qui m’a impressionné sur Paris-Nice, c’est John Degenkolb. Il a remporté une étape et le classement par points, et il sera à son avantage dimanche. On tient selon moi les trois coureurs les plus en forme à l’heure actuelle. Mais il y a malgré tout les capi à affronter, alors si la course se déroule à une allure soutenue et dans des conditions difficiles depuis Milan, on pourrait assister à un autre scénario. D’autant qu’on se souvient que le grand protagoniste des dernières éditions, c’était Fabian Cancellara. Dans un grand jour, il peut faire la différence et s’envoler comme sur le Tour des Flandres…

Toutefois, nous sommes déjà chanceux pour ce Milan-Sanremo 2014 puisque nous n’aurons pas à courir sous les conditions apocalyptiques de 2013. La neige et le froid avaient donné lieu à des images donnant une dimension héroïque aux coureurs ayant franchi la ligne d’arrivée. On espère ne pas vivre une journée sous le mauvais temps, mais il faudra voir comment ça tourne, on annonce tout de même de la pluie. Il y a une grande différence entre une journée de pluie continue et une journée d’averses. Dans le premier cas, des coureurs très costauds comme Cancellara par exemple, seraient avantagés.

Un trio Lampre à surveiller, Nibali ne doit pas être enterré

Derrière les favoris, il est difficile de dégager des noms, d’autant qu’il y a une vague impressionnante de forfaits de dernière minute, parmi lesquels Tom Boonen. Le Belge aurait pourtant pu faire partie de mes favoris. Alejandro Valverde avait aussi un coup à jouer, mais ne sera pas présent. Mais dans cette catégorie de puncheurs, il faudra garder un œil attentif sur l’équipe Lampre et sa stratégie, qui possède trois hommes complémentaires et affûtés. Elle peut d’abord jouer la carte Modolo, qui est sur une bonne dynamique et qui a déjà fait quatrième de Milan-Sanremo – en 2010 ndlr –, mais possède aussi Pozzato, ancien vainqueur ne l’oublions pas en 2006, ou encore Diego Ulissi, déjà vainqueur cette année au GP de Camaiore. Ce sont des hommes de talent capables de tirer leur épingle du jeu dans différentes situations. Quand à Vincenzo Nibali, que je considère comme le meilleur coureur italien actuel, il n’a pas encore démontré qu’il tenait une bonne forme et n’a pas signé de véritables résultats. Cependant, un coureur comme lui est capable de rebondir à n’importe quel moment, et si les sensations sont bonnes de son côté, il ne serait pas surprenant de le voir à l’avant dimanche, tout comme Carlos Betancur, qui a récité ses gammes sur Paris-Nice.

Parmi les éventuels troubles-fête, les performances éclatantes de Simone Ponzi ne vous auront pas échappé, et on aurait tort de le découvrir que maintenant. Il a déjà fait ses preuves lors de son passage chez Lampre, puis chez Astana où il s’est un petit peu égaré. Mais actuellement, la condition semble être présente pour le transalpin, et avec déjà trois victoires cette année, on l’observera avec attention. C’est un bon coureur ! Enfin, sur les Strade Bianche, le Polonais Michal Kwiatkowski a prouvé aux observateurs que c’était sans nul doute le coureur des années futures. Sa victoire fut pleine de maîtrise, et battre Peter Sagan dans un tel final et avec une pareille assurance, c’est quand même un acte fondateur qui ne laisse pas indifférent. Sa progression est très rapide et Milan-Sanremo représentera un véritable test pour lui.

Contador en avait bien besoin, la sensation Betancur

Ce Tirreno-Adriatico fut la vraie démonstration qu’Alberto Contador avait encore tout son panache. L’année passée, il n’a pas réalisé une saison aussi brillante qu’il en avait l’habitude, mais on ne doit pas négliger la situation qu’il a dû vivre, après sa suspension. Il était revenu sur la Vuelta 2012, mais son programme de courses n’était pas selon moi idéal, et il n’arrivait pas à retrouver son équilibre psycho-physique. Lorsqu’on voit la manière avec laquelle le Pistolero a remporté Tirreno, je pense qu’il en avait moralement besoin pour redevenir ce grand champion. Il a voulu faire le spectacle, comme les supporters le demandaient. Ce n’est pas un coureur qui gagne un classement général au calcul, aux secondes et au placement, mais quelqu’un qui prend des risques sur l’étape reine, et qui réalise une vraie différence tout de suite remarquable. Et sur ce Tirreno, il termine tout de même devant Nairo Quintana, un grimpeur de classe mondiale.

Pour ce qui est de l’autre épreuve marquante des dernières semaine, la performance de Carlos Betancur a inévitablement retenu mon attention. Pour ma part, je considère sa victoire finale sur Paris-Nice comme une légère surprise pour plusieurs raisons. En janvier, j’étais personnellement sur les routes du Tour de San Luis, en Argentine, où le coureur d’AG2R opérait sa rentrée. Dans les montées difficiles, il était aux côtés de mon jeune protégé Gianfranco Zilioli, et il y avait clairement une opposition de style. Le Colombien était franchement enrobé et se traînait quelque peu tandis que le mien avait fini sa préparation. Mais c’est aussi révélateur de ses immenses facultés, puisqu’en un mois et demi, il a su retrouver son coup de pédale, maigrir, et déployer son agilité remarquable. On ne gagne pas une épreuve comme Paris-Nice par hasard, et c’est tout à fait mérité pour lui.

Des premier mois malchanceux pour Androni

En ce qui concerne les premiers mois de la saison pour nous, chez Androni, je dirais que cette entrée en matière s’est effectuée avec beaucoup de malchance, tout en s’internationalisant encore plus puisque nous nous sommes rendus en Europe, en Asie et en Amérique du Sud. Nous n’avons pas été épargnés par les chutes et les faits de course, mais nous avons néanmoins pu continuer à mettre en avant la philosophie de course qui nous caractérise. On a enfin pu débloquer notre compteur en Malaisie, grâce à notre sprinteur Kenny Van Hummel, sur la sixième étape du Tour de Langkawi, et nous sommes montés sur le podium du classement par équipes. Cette épreuve a prouvé notre régularité, car sur dix étapes nerveuses, nous avons à chaque fois placé un de nos coureurs dans les dix premiers. Malgré tout, nous avons souffert, et c’est un bel exemple pour montrer que j’ai toujours autant de motivation et d’émotions, même après plus de 25 années de carrière.

La passion compte plus que tout selon moi, et j’ai gardé le même enthousiasme en 2014 que lors de ma première saison. Je pense que je suis capable de toujours motiver mes troupes, et en Malaisie, j’ai vécu un épisode inédit avec Van Hummel. Lors d’un sprint massif durant les premières étapes, il était tombé et ses blessures étaient assez sérieuses. Kenny était en pleurs à mes côtés, et se lamentait qu’il ne pourrait jamais repartir, ou que de toute façon il ne pourrait pas arriver au bout. J’ai tenté de le remotiver, en lui inculquant mes valeurs, comme quoi ce n’était pas de cette manière que l’on arrivait à obtenir quelque chose. Il fut courageux et m’a écouté, et à la fin, il n’y a rien eu de plus beau pour lui que de remporter une victoire d’étape qui était très importante pour nous et pour nos sponsors. Ce jour là, j’ai été saisi d’une grande émotion comme j’en ai rarement eu ces dernières années.

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