Tout au long du week-end prolongé, il n’y en a eu que pour Simon Gerrans de l’autre côté de l’Atlantique. Le vainqueur de la Doyenne en avril dernier, était tout simplement irrésistible, et s’est offert les deux classiques canadiennes coup sur coup, à savoir le Grand Prix de Québec et celui de Montréal. Sa deuxième victoire sur la première épreuve après 2012, et devenant donc hier soir le premier homme de leur jeune histoire à réaliser le doublé lors de la même année. Une sacrée performance qui ne peut être perçue autrement qu’un signal clair vis-à-vis de la concurrence à deux semaines de la course en ligne des Championnats du Monde. Alors, favori légitime, où outsider parmi tant d’autres ?

Oui, Gerrans est l’homme du moment

A y regarder de plus près son palmarès, la première chose qui frappe lors de la lecture du CV de Simon Gerrans est sans aucun doute la discrétion associée à un attirail conquis depuis ses débuts au sein du Crédit Agricole, en 2006. Recordman de victoires au général de « son » Tour Down Under avec trois succès, des étapes sur les trois Grands Tours, deux Monuments du cyclisme et pas des moindres, de deux GP de Québec et d’un Grand Prix de Plouay ainsi qu’à Montréal, le double champion d’Australie possède une carte de visite dont beaucoup s’en targueraient dans le peloton actuel. On ne retient pas Gerro pour des démarrages fulgurants, mais plutôt pour sa science de la course, une tactique parfaite et sa manière de jaillir au meilleur moment, là où ses concurrents se cassent les dents. Mais c’est un autre débat. Pour revenir à la donne, avec tout ce beau palmarès en vitrine, il est clair que le titre de Champion du Monde serait un aboutissement complet. Et on peut dire que sa préparation minutieuse, comme à l’accoutumée, lui permet de mettre toutes les chances de son côté.

Le plus français des Australiens, populaire et disponible à tout égard avec son sourire perpétuel, est quasiment imprenable lorsque le collectif est l’autre grand artisan du triomphe Montréalais. Savant se préserver pour les grandes échéances sans se disperser, Gerrans a encore une fois écœuré des concurrents qui n’ont jamais réussi à le décrocher dans les portions les plus pentues du circuit. Troisième de l’Amstel et surtout de la Vatenfall durant une saison déjà pleine, il a une nouvelle fois montré que sa pointe de vitesse redoutable lui permet même de se mêler au jeu face à des coureurs réputés plus rapides après 250 kilomètres. Un atout de poids lors d’un éventuel sprint pour l’or dans un groupe de 40, face à des Degenkolb ou Boonen. Le circuit tracé en Espagne semble être largement dans ses cordes, du moins sur le papier. Les deux difficultés ne sont pas aussi pentues qu’à Florence, et ça, c’est tout pour correspondre à quelqu’un qui n’apprécie pas les changements de rythme, et qui pourra compter sur une équipe australienne à son service avec de précieux capitaines de route présumés, dont Matthews et Evans. Là où les Espagnols devront inévitablement faire face à des dilemmes cornéliens par leur surnombre, ou d’autres grands noms tels Cancellara, Sagan, feront face à une équipe nationale réduite, Gerrans est sans aucun doute l’un des candidats au maillot arc-en-ciel le mieux placé actuellement. Remporter coup sur coup deux classiques World Tour, on ne pouvait faire mieux, et cela conforte également un peu plus l’idée que le titre mondial tend à revenir à un homme ayant fait l’impasse sur la Vuelta, à l’image du tenant du titre Rui Costa. Ce serait bête d’enrayer une si belle spirale positive à 34 ans, quand la force de l’âge n’a peut-être jamais aussi bien portée son nom.

Mais attention à ne pas trop s’emballer…

Toutefois, si nous contribuons à vous décrire ce coureur si particulier comme le favori légitime pour le titre de Ponferrada, il ne faut cependant pas se focaliser sur sa personne lorsque l’heure des pronostics va faire son apparition. Oui, Gerrans est l’un des spécialistes de ces finishs représentant le cyclisme moderne, ennuyant pour certains et fascinant dans son indécision permanente pour d’autres. Un sprint pour départager tout ce beau monde, mais plutôt au sein d’un groupe réduit de 30 à 40 unités, c’est sa tasse de thé, mais également par définition celle de beaucoup d’autres clones du profil de puncheur-sprinteur qui tend à se généraliser chez les plus jeunes, tant il représente une garantie de s’imposer a peu près partout. Le meilleur contre-exemple du fait d’annoncer Gerrans revêtir le maillot irisé dans deux semaines serait les mésaventures de Peter Sagan sur le dernier Tour de France. Homme à abattre sur chaque étape vallonnée susceptible de se terminer en petit comité, il est systématiquement tombé sur un os bien discret auparavant, mais dont les qualités n’avaient pas grand chose à envier au numéro un si craint.

Les tactiques des différents protagonistes, ainsi que des sélectionneurs nationaux, ne vont pas tarder à être communiquées, et le natif de Melbourne se verrait bien mal embarqué si quelques voix commencent à s’élever dans une direction bien ciblée, le faire perdre. De la même manière qu’en 2011, ou cette fameuse pancarte avait condamné les espoirs de Fabian Cancellara sur les flandriennes. Mais on comprend l’attitude d’une majorité qui cherche à tout prix à isoler dans ses discours un engagé en particulier, afin de lui rejeter toute responsabilité en cas de match tactique. Un Mondial se joue souvent à l’intox, et a bien souvent profité au plus malin, tout en ne se déroulant jamais comme sur du papier à musique. Enfin, quand bien même Simon Gerrans ne serait pas monté trop vite à l’esprit de ceux visant le sacre et rien d’autre à Ponferrada, il sera intéressant de voir comment il se défendra si une nation met vraiment en application un schéma de durcissement le jour J. Suivre le bon coup est une chose, et on le voit mal rater le coche, mais encore faut-il en avoir les capacités dans la minute clé. Dixième à Mendrisio et vingtième à Valkenburg, il n’a jamais été réellement en lice pour les plus hautes marches. Et ces Championnats du Monde risquent bien d’être sa dernière opportunité de décrocher le graal…

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