Il n’y avait plus vraiment de suspense depuis la première étape de montagne. Il aura en effet suffit d’une attaque à Chris Froome, dans la montée vers La-Pierre-Saint-Martin, pour assommer le Tour. Mais ce n’est pas pour autant que la suite a été un long fleuve tranquille pour le Britannique.

L’hostilité à gérer

Plus que ses adversaires, un peu amorphes dans les Pyrénées, le leader de la Sky a dû affronter un public hostile à sa prise de pouvoir. C’est sans doute le plus compliqué. A n’en pas douter, il aurait préféré une grande bataille avec Quintana, Contador et Nibali, pour décrocher la victoire dans l’ultime étape de montagne, que ce qu’il a vécu pendant dix jours, après La-Pierre-Saint-Martin. Les suspicions permanentes, les sifflets, les crachats et ce fameux jet d’urine, « Froomey » ne s’y attendait sans doute pas. Surtout que même les anciens pros y ont été de leur remarque, se désolidarisant d’un coureur seul contre tous. Mais sa performance a réveillé les vieux démons du cyclisme des années 2000, et le public n’a rien voulu laisser passer. Plus que face à ses rivaux annoncés, c’est donc face au public que le maillot jaune a dû se battre.

Des interviews données en français et quelques éloges au public plus tard, il semblait avoir reconquit une partie de l’opinion. Sa discrétion dans les Alpes a aidé. On a cru qu’un retournement de situation était possible, Froome est apparu plus humain et d’un coup, la polémique est retombée. La Sky n’avait semble-t-il pas imaginé qu’un tel problème se poserait aussi rapidement, mais Dave Brailsford a su monter au créneau de la meilleure des manières pour gérer l’incroyable pression médiatique qui pesait sur son protégé. Avec la visite du bus comme opération de communication, la révélation des données de Froome sans que l’on sache ce qu’elles valaient, la formation britannique a su enrayer l’engrenage qui faisait même craindre les spectateurs au Kenyan blanc.

Une gestion « skyesque »

Dans ce Tour, Froome n’a pas fait dans l’extravagance. Pas d’attaques là où ce n’était pas nécessaire. Pas vraiment de panache non plus, au contraire de ce qu’avait pu nous offrir Nibali l’année passée par exemple. Mais il faut dire que le climat ne s’y prêtait pas. S’il avait dominé d’autres étapes de montagne, l’atmosphère aurait sans doute été encore plus délétère. Le Britannique ne pouvait pas se permettre de gérer cette Grande Boucle comme il le voulait. Une fois les écarts créés, après les dix premiers jours de course, il a été en quelque sorte contraint de rester sur la défensive. Suivant les attaques de Quintana sans jamais tenter de véritablement creuser l’écart, il a laissé le suspense réintégrer petit à petit une épreuve qui en manquait cruellement. Et finalement, sa victoire avec « seulement » 1’12 d’avance sur le Colombien n’est pas, sur le plan comptable, révélatrice de sa domination.

Une gestion qui ressemble fortement à celle de 2013, où également assailli par les questions sur le dopage, Froome n’avait placé « que » deux grosses banderilles, à Ax-3-Domaines puis sur le Ventoux, pour s’assurer la victoire. Le reste du temps, il avait été dans la pure gestion, laissant par exemple Quintana filer vers la victoire à Semnoz. En 2015, Froome n’a donc pas été beaucoup plus élégant. Il n’a pas fait preuve de plus de panache. La seule différence réside peut-être dans ses quelques mots distillés en français, et dans la présence de sa femme qui a joué à son avocate. Mais il n’empêche qu’à l’arrivée, il a conquis presque aisément un deuxième Tour. Et malgré tout ce qui se dit à son sujet, il a déjà en tête la prochaine édition. A 30 ans, il est loin de la limite qu’il s’est approximativement fixée, autour de 37 ou 38 ans. Il va donc sans doute falloir s’habituer à voir le Britannique en jaune.

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