Même si le tenant du titre sur ce Critérium du Dauphiné avait impressionné la galerie lors du chrono d’ouverture à Lyon et maitrîsé ses adversaires en haut du Col du Béal, Chris Froome apparaissait nettement moins serein dès lors que les étapes piégeuses de transition ont fait leur apparition. Et la tendance qui paraissait jusque là improbable s’est alors révélée exacte, et le Britannique a bel et bien perdu sa tunique jaune dans cette étape reine vers Finhaut-Emosson, impuissant face à l’attaque tranchante d’Alberto Contador, retrouvant ses plus belles jambes. De quoi galvaniser l’opposition pour le très court, et le long terme ?

Le panache récompensé

Il avait tenté de décramponner Froome dès les premières pentes sévères au Béal, l’a testé nerveusement dans cette côte de Laffrey, où il est allé jusqu’à prendre virtuellement le maillot jaune suite à une offensive des plus osées. Et aujourd’hui, il l’a carrément lâché sur un démarrage typique de sa part, tout en danseuse. Alberto Contador est sur le point de gagner son bras de fer, à la fois sportif et tactique, contre la Sky de son meilleur ennemi. Largué il y a un an, et contesté en interne par ses lieutenants Rogers et Kreuziger, “El Pistolero” a définitivement retrouvé sa superbe, quoi que l’on en dise, et a trouvé les ressources nécessaires pour déjouer une armada noire de plus en plus impressionnante malgré le résultat final. A l’heure d’entamer la montée finale, ils étaient cinq encore à épauler Chris Froome… Mais le maillot jaune n’était pas sous son visage habituel. Certainement meurtri par sa chute dans le final vers Poisy hier, le coup de pédale n’était pas le même lorsque Richie Porte s’est écarté une première fois. Et là, le Madrilène a immédiatement saisi l’opportunité, et s’est rapidement aperçu que pour la première fois depuis son arrivée au plus haut niveau, le Kenyan Blanc n’était pas en mesure de suivre une attaque dans les derniers kilomètres !

Si ce n’est pas l’attaque la plus spectaculaire de Contador, c’est peut-être l’une des banderilles les plus précieuses de ces derniers temps pour lui, s’étant mis en tête de pouvoir concurrencer le nouveau patron du cyclisme mondial en juillet. Un test grandeur nature réussi, et qui plus est, lui donne les commandes du Dauphiné alors que l’étape dominicale n’est longue que de 130 kilomètres, et que les difficultés sont d’une difficulté mesurée, où il sera dur de créer des écarts. La persévérance a payé, et tout d’un coup, c’est une physionomie entière de la course qui se retrouve modifiée, puisque Chris Froome porte désormais une étiquette de mortel. Tout serait donc à refaire, comme si les démonstrations antérieures s’annulait par une montée en puissance de plus en plus consistante, conjuguée à un tempérament de battant qui pourrait faire la différence dans les moments clés ?

Derrière, ils se sont montrés

Mais si ce signal est sans doute amplement alarmant ce soir du côté du Team Sky, il ne faut pas oublier que “Froomey” a également dû s’incliner face à Andrew Talansky et Ryder Hesjedal, ce dernier étant issu de l’échappée matinale. Pire encore, un temps droit sur sa machine, et comptant sur la force de son compère Porte, son attaque censée être dévastatrice au kilomètre fut des plus poussives, et il s’est même écrasé dans la dernière ligne droite à 11 %, laissant le soin aux autres d’opérer la jonction. Clairement, Chris Froome a vécu une journée contraire à son rythme habituel qu’on connaît désormais très bien depuis deux bonnes années. Quasiment jamais poussé à bout mentalement, c’est presque la première grande épreuve pour un coureur jamais inquiété et peu enclin aux imprévus. Il part dès maintenant en reconquête, et sait que l’erreur n’est pas permise, dans sa mission de domination ultime.

Car en plus d’Alberto Contador, les forces en présence du Tour de France prochain se sont nettement dessinées. Déjà le seul à suivre Froome à Risoul en 2013, Talansky a remis ça, tandis que Vincenzo Nibali a une fois de plus rassuré avant de finir à son rythme. Idem pour Jürgen Van den Broeck, et surtout les jeunes Romain Bardet, Sébastien Reichenbach, ou encore Leopold König. Les petites défaillances de Wilco Kelderman ou celles d’Adam Yates sont un peu plus logiques, tandis que les seules véritables interrogations restent autour de Tejay Van Garderen, certes invisible, mais loin d’être à la rue. Pour tout ceux là, qui ne courront vraisemblablement plus avant le Tour, il reste une étape, demain, à Courchevel, pour montrer leur véritable potentiel, et pour certains d’entre eux, aller titiller les meilleurs, et rajouter un grain de folie final à un Critérium du Dauphiné qui pourrait sensiblement redistribuer les cartes.

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