Bientôt âgé de 25 ans (il les aura en octobre prochain), le Breton Armindo Fonseca est l’un des hommes de l’année au sein de l’équipe montante du panorama cycliste français, Bretagne – Séché Environnement. Sprinteur complet, il livre sa propre analyse sur les temps forts d’une saison 2014, qui, bien qu’inachevée, peut déjà être qualifiée comme la meilleure de sa carrière au haut niveau. Tout ceci, donc, aux micros de la Chronique du Vélo.

Vous vous affirmez cette saison, vous avez pris conscience de vos qualités et êtes arrivé un stade ou vous pouvez les exprimer ?

C’est tout à fait ça. Je pense d’abord que ma victoire sur les Boucles de la Mayenne – ndlr, sur la première étape, au mois de juin – fut un déclic. Depuis quatre ans que j’évolue chez les professionnels, j’avais douze podiums à mon actif, mais pas de succès. C’était forcément un peu frustrant, et je pense que cela m’a libéré. Je fais une saison correcte en plus, donc c’est bien d’en être arrivé là.

Un cap mental, on imagine ?

Oui, voilà, c’est surtout psychologiquement que cela fait du bien, et puis, il y a moins de pression pour la suite de la saison…

Un sprinteur qui sait passer les bosses, c’est tout simplement le profil idéal pour briller en Coupe de France. Avec une bonne régularité, le classement général était-il un objectif au départ de la saison ?

Disons que oui, cela aurait pu être un objectif, mais je n’ai pas participé à toutes les manches de la Coupe de France. Donc, difficile de marquer des points quand on n’est pas là, et par ailleurs, il faut surtout réaliser un gros début de saison pour se placer dans le classement. Je n’avais pas vraiment ce but précis dans ma tête, et je n’ai pas débuté sur de très bonnes bases. Absent au GP de la Marseillaise, en plus, il aurait fallu une victoire rapide sur une des épreuves qui comptent pour pouvoir y prétendre.

Vous étiez pourtant tout proche de concrétiser le joli début de saison de l’équipe Bretagne sur la Classic Sud Ardèche, mais il y a eu cette chute au dernier virage… Comment avez-vous réagi, ne prend-on pas un coup au moral personnellement, malgré la victoire de votre copain Vachon ?

Sur le moment j’étais énormément déçu, bien que content pour Florian. Deux secondes avant de tomber, je me voyais gagner, je n’avais qu’à prendre le virage correctement, lancer un sprint de 250 mètres et c’était fait. Heureusement que dans l’affaire, c’est tout de même un coureur de l’équipe Bretagne-Séché qui remporte cette classique, car si cela avait été quelqu’un d’autre, j’aurai été encore plus triste. On a également pas mal de choses qui nous passent par la tête, on a l’impression que tout le travail acharné sur quelques mois vient de s’écrouler.

Par la suite, c’est votre première course World Tour avec un Paris-Nice où l’on vous à vu placé. Une belle expérience ?

En effet, c’était une super expérience, car jusqu’à cette période, on ne faisait quasiment jamais de courses World Tour. On découvre un autre monde, une autre façon de courir, les coureurs présents frottent beaucoup plus.

Un Tour de France, évidemment, c’est un monde à part, mais comment l’avez-vous vécu de l’intérieur ? Preniez vous les étapes au jour le jour, on vous a vu attaquer sur les Champs-Elysées, une fierté personnelle ?

Lorsque nous avons appris notre invitation sur le Tour de France, je me suis tout de suite fixé comme objectif d’en être de la partie, après, ce n’était pas acquis d’avance… Surtout que cela représente une longue aventure. Donc, à vrai dire, je cherchais avant tout à me faire plaisir. Je voulais venir sur le Tour pour bien marcher, mais au final, je suis arrivé un peu juste au niveau de ma condition, je n’ai jamais ressenti de grosses sensations. Mon expérience ce n’était que du bonus : j’aidais Brice, je le replaçais au pied des cols, je variais les rôles. J’ai aussi pu aller dans quelques échappées.

Le fait qu’ASO ne vous ait pas décerné de wild-card pour le Dauphiné vous fut-il préjudiciable, tout compte fait ?

Je ne sais pas vraiment… C’est évident que cela aurait pu être pas mal pour la préparation, mais après, un Dauphiné, ce n’est pas des vacances, il faut le disputer, le finir et bien récupérer. Pour certains coureurs, c’était sans doute un atout de s’y rendre, et personnellement, je l’ai déjà disputé, et c’est quand même du costaud.

Cette parade hors antenne sur les Champs, à proximité d’un public, c’est une émotion inoubliable non, c’est pour des moments comme ça qu’on a envie de revivre une telle aventure ?

Vous avez raison, c’est certainement pour des instants pareils qu’on a envie de revenir l’an prochain sur les Champs-Elysées ! Avec tout le staff, tous les coureurs, cela restera gravé dans ma mémoire, inévitablement.

Un premier Tour que vous finissez tout de même, ce n’est pas donné à tous !

Finir une course de trois semaines, c’est sans doute dans la tête que cela se joue. On se lève le matin et on a mal aux jambes, mais on n’a pas le choix, il faut repartir sur le vélo ! C’est tout le temps nécessaire de serrer les dents, d’appréhender les difficultés. Le mental est le plus important, on finit une étape pour basculer vers celle du lendemain. Il n’y a aucun répit de possible.

Tout au long du mois de juillet, le grand public qui ne suit pas forcément toute la saison a découvert une équipe combative, et on a senti que Bretagne-Séché s’inscrivait dans le paysage cycliste français. La structure partait quand même de loin et n’était quasiment jamais invitée il y a encore une bonne année…

Je pense que la Grande Boucle nous a fait passer un cap au sein de notre formation. Maintenant, on s’aperçoit sur d’autres épreuves que nous sommes reconnus différemment, et Bretagne est bien partie pour continuer plusieurs saisons sur cette dynamique.

Vous en faites partie depuis vos débuts chez les pros, et on sent que le projet mené par Emmanuel Hubert va crescendo chaque année. On vous savait en fin de contrat en 2014, vous continuerez logiquement ?

C’est vraiment une équipe familiale, sans un gros effectif, mais avec une ambiance qui me plaît énormément. Pouvoir aller aux courses le dimanche, passer la semaine avec une bande de copains, et si jamais tu n’es pas bien, tu roules pour un ami. Une équipe où l’esprit de groupe prime, et je poursuivrais le projet avec les mêmes.

Les Championnats de France vous voient finir en dehors du top 10 alors que vous étiez en très bonne forme. Une petite déception, avec un faux plat montant qui aurait pu convenir à votre puissance ?

Je n’étais pas dans un grand jour. Il me manquait un peu de fond, malgré ma fraîcheur. Je n’avais pas la force pour disputer les places les plus élevées, j’étais cuit lors du sprint final. Après, je ne peux pas vraiment être mécontent, cela me montre que sur des grandes distances, de plus de 200 kilomètres, je peux tenir la route. C’est encourageant pour l’avenir.

Plusieurs sprinteurs constituent l’équipe aux couleurs noires et blanches, dont Romain Feillu. La répartition des tâches est-elle facile ?

Oui voilà. J’essaye d’emmener Romain sur un sprint vraiment tout plat, il est plus rapide intrinsèquement que moi, on joue sa carte, même si c’est un peu difficile car il aime bien jouer des coudes en solo. Mais on est tout de même complémentaires, je passe plus facilement les bosses, et je me sens avantagé sur un terrain légèrement vallonné.

Les classiques du circuit français présentent la particularité de favoriser les offensives et les attaques de loin. Vous avez montré que vous pouviez suivre les bons coups, comme sur le Tour du Finistère. Un sprinteur mais pas seulement, quel est le vrai profil d’Armindo Fonseca ?

J’essaye de travailler mes qualités en sprint, au niveau de la vélocité, mais je sais bien que je suis loin d’être le plus rapide du peloton. Si je dois attaquer à deux tours de l’arrivée, sur des Coupes de France notamment, je le ferais, je n’ai pas envie d’être attentiste pour obtenir pas grand chose à l’heure de tirer les bilans.

A domicile, il y avait le Grand Prix de Plouay dimanche dernier. Anthony Delaplace premier coureur de l’équipe, dix-huitième, et vous, quelles conclusions tirez-vous de la journée ?

J’ai essayé de sortir juste avant le dernier tour, dans l’avant-dernier passage sur Ty-Marrec, avec une dizaine de coureurs. Je voulais tenter d’animer le final, car en cas de sprint final, Kristoff était le grand favori. Romain Bardet faisait partie des attaquants, mais personne ne collaborait vraiment, il n’y avait pas d’entente. Ca n’a donc pas pu aller bien loin…

Pour la fin de saison, quel sera votre programme, on présume que la fatigue commence à se faire ressentir après un cycle plein. Des courses comme Paris-Tours sont dans un coin de votre tête ?

Paris-Tours, c’est l’une des courses qui peut le mieux me convenir, mais il ne reste plus que six ou sept courses avant la fin de l’année. Il faut garder la motivation, la pression quotidienne, et quand on sait que j’ai débuté ma saison au Tour de San Luis en Argentine, on se rend compte que la saison peut vraiment être longue, même s’il faut essayer de soigner la fin, cela ne sera pas forcément évident.

Avez-vous eu des contacts avec Bernard Bourreau pour les Mondiaux de Ponferrada ?

Non, pas spécialement. Pourquoi pas l’année prochaine, mais je pense que je suis encore trop court pour un championnat du monde. Je ne me sens pas vraiment dans la bonne fourchette de coureurs pour le parcours exigeant qui s’annonce. Après, j’aimerais bien, je vous le cache pas ! (rires)

Il va falloir rapidement se remettre dans le bain une fois l’année terminée, en 2015, l’objectif principal, même si c’est peut-être un peu tôt pour en parler, c’est de continuer cette belle progression ?

L’objectif numéro un sera sûrement d’être bien pour Paris-Nice, mais il y aura également le Haut-Var qui sera important dans les premiers mois. Mais je n’oublie pas qu’il faut gagner des courses. Cela peut ouvrir des possibilités pour la suite des événements, se relâcher, tenter des choses et profiter à fond de ma pointe de vitesse. Débloquer mon compteur rapidement, ça serait l’idéal !

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