Six cols au cours d’une même journée, en seulement 138 kilomètres, et une étape jugée parmi les plus difficiles de l’histoire des grands tours. C’était le programme de la onzième étape de la Vuelta, vers Cortals d’Encamp. Pour certains, trop de difficulté tue la difficulté. Mais donc, un tel enchaînement de cols est-il une bonne chose dans une épreuve de trois semaines ?

Oui, par Robin Watt

C’est à croire que rien ne convient jamais. Il y a quelques années, la Vuelta proposait d’innombrables étapes au profil similaire : entre 150 et 200 kilomètres de plaine avant une montée finale aussi raide que courte, ne nous offrant rien d’autre qu’une course de côte. Alors quand l’organisateur innove, avec un enchaînement de cols dignes de ce nom, pourquoi se plaindre ? Oui, l’étape de ce mercredi, avec six difficultés répertoriées, et pas des moindres, avait de quoi effrayer. Mais finalement, elle a fait des dégâts sans tomber dans la démesure, preuve qu’elle n’avait rien d’insurmontable. Placée après une journée de repos et avant deux étapes plus tranquilles, elle n’a pas tiré sur les organismes outre mesure, et si tout le monde en parlait avec la boule au ventre il y a encore quelques jours, ses conséquences sont restées limitées : vers Cortals d’Encamp, seul Christopher Froome a véritablement perdu la Vuelta.

Alors oui, ce n’est pas habituel de voir de tels profils sur l’épreuve ibérique, mais ce n’est pas pour autant une mauvaise chose. Jusqu’à Madrid, les étapes de montagne seront d’ailleurs dans la même lignée : on aura droit à des enchaînements de cols, et c’est mieux ainsi. Sur le Giro ou sur le Tour de France, on ne s’en plaint pas. On va même parfois jusqu’à souligner l’audace des organisateurs transalpins lorsqu’ils prévoient de monter successivement le Gavia, le Stelvio et Val Martello, un programme pourtant clairement plus compliqué que celui de cette semaine, où l’on ne comptait qu’un seul col hors catégorie. D’autant que retrouver dans une épreuve de trois semaines une étape au programme copieux – voire même indigeste – n’a donc rien d’une hérésie. Ce sont d’ailleurs ces étapes qui forgent la légende des vainqueurs. Si Fabio Aru remporte ce Tour d’Espagne, on se souviendra sans doute de sa prise de pouvoir, en milieu d’épreuve, après 138 kilomètres d’une journée sans répit. Et on aura raison.

Non, par Alexis Midol

Rapidement, les premiers contours du 70ème Tour d’Espagne ont laissé deviner que les organisateurs souhaitaient densifier la deuxième semaine, et conserver comme point d’orgue le deuxième week-end de course, accueillant un triptyque montagneux entre Asturies et Cantabrie. Pour cela, après les quelques raidards du Sud en première semaine, les coureurs ont donc eu droit à une étape gargantuesque au lendemain de la première journée de repos. 138 kilomètres tracés entièrement en Principauté d’Andorre, avec un dénivelé total de 5230 mètres ! Était-ce vraiment raisonnable de proposer un profil sinusoïdal après une journée de décontraction, quand on sait que chaque année sur un Grand Tour , de nombreux coureurs voient leurs corps minés par les efforts consentis au lendemain de la deuxième journée de repos ? Certains partisans affirmeront haut et fort que la difficulté forge la grandeur, mais pour le coup, que pouvait-on espérer d’autre sur une telle étape que de voir le vainqueur issu de l’échappée matinale et une bagarre entre favoris dans l’ultime ascension du jour ?

En plaçant un tel défi de manière aussi précoce, Joaquim Rodriguez, invité d’honneur de l’office de tourisme du petit état enclavé, pensait sans doute ravir le public en lui donnant l’occasion d’admirer la caravane cycliste dans les cols locaux. Mais en enchaînant six cols qui pourraient pratiquement tous être le théâtre d’arrivées en altitude décisives, il était déjà couru d’avance qu’au moins la moitié d’entre eux soient escamotés, en raison d’une homogénéisation croissante du niveau des huit équipiers des leaders. Un train bleu ciel ou noir, et puis c’est tout. Le caractère spectaculaire de la défaillance de Chris Froome ne sauve pas tout. Il met l’accent sur l’accumulation excessive de cols, avant même de devoir affronter les pentes redoutables de Sotres ou encore l’Ermito de Alba. Placée l’avant-dernier jour, ou du moins après un long contre-la-montre, il y aurait sans doute eu beaucoup plus de ménage, et ranimé le tempérament offensif des défaits de la veille. Or là, le quitte ou double n’avait pas sa place. Et les organismes sont désormais pratiquement cuits avant même la deuxième moitié de Vuelta. Si l’on rajoute à cela la récupération difficile du Tour, et des chutes exponentiellement élevées, c’était sûrement l’étape de trop.

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