Cela fait bientôt dix jours que tout le monde ou presque clame haut et fort que chez Astana, le lieutenant est plus fort que le leader. Vers Cervinia, ce vendredi, Fabio Aru avait à cœur de tordre le coup à cette analyse vexante. Vainqueur de l’étape avec panache, il a repris la deuxième place du classement général à deux jours de l’arrivée. L’honneur est sauf.

Pression populaire et orgueil bien placé

A moins qu’Alberto Contador n’abandonne d’ici dimanche, Fabio Aru ne gagnera pas le Giro, c’est désormais une certitude. Avec plus de quatre minutes et demie de retard sur l’Espagnol, il devra se contenter d’une place sur le podium. Reste qu’il est en concurrence avec son coéquipier Mikel Landa, et que jusqu’à maintenant, le Basque n’a pas vraiment fait de cadeau à son leader. Ce vendredi, c’est donc en costaud que l’Italien, sur qui toute la patrie comptait au départ de l’épreuve, est allé chercher son premier bouquet sur cette édition de la course rose. Venu pour faire mieux que l’an dernier (il avait terminé troisième), il a longtemps fait mine de croire à la victoire finale malgré des écarts rédhibitoires. Le problème, c’est qu’il ne s’est jamais montré assez tranchant pour mettre le Pistolero en danger sur les étapes importantes. Pire, il a même perdu beaucoup de temps là où il espérait en gagner, et s’est vu mis en concurrence avec son propre coéquipier, Landa.

Avec la non-réaction – en tout cas officielle – de l’équipe Astana, entre Aru et Landa, on n’a pas semblé déceler de véritable hiérarchie. Comme si le leadership revenait chaque jour au premier capable d’attaquer assez sèchement pour faire le trou. Contador, lui, n’a fait que s’adapter, marquant à la culotte celui qui le suivait au général. En clair, dans la maison bleue, les deux grimpeurs ont eu leur chance. Landa, un peu plus libre malgré tout, est parvenu à en tirer profit à deux reprises, pour décrocher deux étapes de prestige. Aru, lui, n’a pas eu la même réussite, embêté par une forme volatile. Mais ce vendredi, si à la première accélération des cadors, on a cru qu’il était encore à la rue, il a très rapidement fait comprendre qu’il était l’un des hommes forts. Et quand il est parti, à six kilomètres du but, il paraissait évident qu’il allait enfin gagner cette étape. De quoi faire régner le soulagement à Cervinia, où les tifosi attendaient ça au moins autant que le principal intéressé.

Deuxième, ce serait logique

Ce samedi, l’équipe Astana pourrait donner des consignes à ses deux coureurs. Il ne semble pas y en avoir eu jusque là, mais les deux larrons, sauf catastrophe, sont assurés de terminer ensemble sur le podium de ce Giro. Respecter la hiérarchie initiale serait donc aussi logique que judicieux : Landa a eu sa chance, mais au final, Aru ne serait pas froissé car soutenu en tant que véritable leader de l’équipe. D’autant que pour le Sarde, terminer deuxième serait une progression par rapport à l’année dernière. Si on imagine aisément que ça ne le comblerait pas pleinement, ce serait malgré tout un motif d’espoir. Surtout que ça n’aurait en réalité rien d’une contre-performance. Contador était au-dessus du lot, et que l’Italien ne lui joue pas véritablement la victoire n’a rien de surprenant. C’est le contraire qui l’aurait été.

Pour Aru, ce Giro s’inscrit simplement dans la continuité de ses deux grands tours de l’an passé : il progresse, mais reste en dessous de Quintana, Contador et Froome, les trois cadors auxquels il s’est frotté. Et au milieu de tout ça, c’est la performance de Landa qui fausse un peu l’interprétation, pouvant donner l’impression qu’Aru a été moins fort que prévu. Sauf que c’est vraisemblablement dans l’autre sens qu’il faut analyser les trois dernières semaines : Aru était à son niveau, mais Landa, lui, a été bien plus costaud que quiconque ne pouvait l’espérer. Il n’empêche que le transalpin a été, ces deux dernières semaines, la cible de nombreuses critiques. On comptait beaucoup sur lui pour animer la course après les déboires de Porte et Uran, mais l’attendre dans la bataille pour le maillot rose était beaucoup trop optimiste. Il l’a porté, et c’est déjà pas mal. Pour la suite, sa rage au moment de franchir la ligne d’arrivée de Cervinia montre le caractère du garçon. Et même si ça ne suffira pas à lui faire gagner des grands tours, il en aura besoin.

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