Loin de la lumière accaparée par le Giro, Julian Alaphilippe a réussi à passionner tout le monde lors du Tour de Californie, la semaine dernière. Vainqueur de l’étape reine et finalement deuxième du classement général à trois secondes de Peter Sagan, il a vu son équipe travailler pour lui. C’est une nouveauté, et il va falloir s’y habituer.

Nouvelle découverte

On a tellement vu Sagan briller sur les routes californiennes ces dernières années qu’on se disait qu’avec un profil assez similaire, Alaphilippe avait des chances de briller durant la semaine. On en a rapidement eu la confirmation avec la troisième place du Français à San José, le troisième jour. Mais la suite a dépassé toutes les espérances. Encore sur le podium du contre-la-montre de dix kilomètres, il a surtout remporté en solitaire l’étape reine, qui arrivait au mont Baldy. Une montée de sept kilomètres à 9% de moyenne qui nous a rappelé la grande polyvalence du natif de Saint-Amand-Montrond. Se payant entre autres le scalpe de Sergio Henao, Alaphilippe lui-même ne semblait pas en revenir. « A environ quatre kilomètres du sommet, j’ai décidé d’attaquer et voir si je pouvais améliorer mon classement, racontait-il à l’arrivée. J’y suis allé et Henao n’a pas répondu immédiatement. J’ai continué mon effort, et les deux derniers kilomètres ont été les plus durs de toute ma vie. »

Ce n’est que dans les 200 derniers mètres que le garçon qui n’a encore que 22 ans a compris qu’il allait l’emporter. Se révélant à un niveau qu’on n’espérait pas en montagne, il a impressionné l’ensemble du peloton californien. Et le maillot jaune perdu au jeu des bonifications au terme de la dernière étape, ne change pas grand chose à sa superbe semaine. « Le verre est à moitié plein, pas à moitié vide, rassurait-il. Que pouvais-je attendre de plus ? Si quelqu’un m’avait dit que je gagnerais une étape et que je finirais deuxième au général, je l’aurais pris pour un fou. » Aujourd’hui, force est de constater qu’Alaphilippe est entré dans une nouvelle dimension : celle des coureurs qui rassemblent autour d’eux. Malgré l’inexpérience du garçon, l’équipe Etixx n’a pas hésité à travailler pour lui. Mark Cavendish a même tenté d’emmener le sprint du tricolore, malheureusement pas assez à l’aise quand ça frotte pour conserver la roue de son prestigieux coéquipier.

L’éloge du Cav’

Déjà l’an dernier sur le Tour de l’Ain, Mark Cavendish avait eu des mots chaleureux pour Julian Alaphilippe. Et au terme de la semaine américaine, l’ancien champion du monde a réédité ses éloges au sujet de son coéquipier français, qui ne cesse de surprendre depuis le début de saison. « Julian est vraiment doué. Je ne savais pas qu’il l’était autant pour la montagne. On a vu ce qu’il était capable de faire dans les classiques ardennaises (2e de la Flèche wallonne puis de Liège-Bastogne-Liège, ndlr) mais, au mont Baldy, il a vraiment réalisé un grand numéro. » Mais plus que les qualités physiques du petit prodige, ce qu’apprécie Cavendish, c’est le tempérament d’Alaphilippe : « J’aime sa personnalité. Il a l’attitude d’un gagnant. Il ne se soucie pas de ce que les gens pensent, il ira loin dans la vie. » Venant de l’un des plus grands coureurs du peloton, ces mots ont de quoi remplir de bonheur l’homme qui a égayé le printemps de l’équipe Etixx.

Celui qui compte désormais deux succès chez les professionnels reste donc modeste pour l’instant, et fait son chemin en se contentant d’enchaîner les performances de haute volée. Bien encadré au sein d’une structure très expérimentée, il évite pour l’instant la surexposition, sans doute aidé par le fait d’évoluer à l’étranger. Patrick Lefevere, conscient de détenir un diamant qu’il n’y qu’à polir, a décidé qu’il n’alignerait pas Alaphilippe sur le prochain Tour de France. A l’image de ce qu’a pu faire Warren Barguil il y a deux ans, l’ancien coureur de l’Armée de Terre ira découvrir les grands tours sur la Vuelta, à la fin de l’été. Avec des étapes pour puncheurs susceptibles de lui convenir, il pourrait continuer à surprendre. Mais pour le moment, après plus de deux mois presque sans répit, à briller un peu partout, il est temps pour Alaphilippe de prendre du repos. Avec une seule certitude : « Le Tour de Californie 2015 est une course [qu’il] n’oubliera jamais. »

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