Sur le contre-la-montre individuel de ce jeudi, Rigoberto Uran a sorti les dents. Discret depuis le départ de Belfast, il s’était contenté de jouer placé. Mais en une journée, il a écrasé la concurrence, prenant au passage le maillot rose. Désormais, c’est donc à son équipe que va revenir le poids de l’épreuve. Evans lui, retrouve un rôle de chasseur. Il reste dix jours avant l’arrivée à Trieste, ça promet…

Uran, stratégie parfaite ?

Depuis le départ irlandais, jamais Uran n’a paru en difficulté. Mais à aucun moment, non plus, il n’avait prouvé qu’il était en grande condition. Le week-end dernier, les deux étapes de montagne avaient permis un changement de leader, Evans s’emparant du paletot rose. Uran, lui, se contentait alors de marquer à la culotte ses deux rivaux, que sont l’Australien bien sûr, et son compatriote Quintana. Deuxième du général à la journée de repos, le leader de l’équipe Omega-Pharma Quick-Step a pu passer une semaine plutôt tranquille, alors que la BMC a dû travailler sans répit, et que les Movistar vivent dans l’inconnue au sujet des capacités de leur leader à refaire son retard. La position parfaite, en somme. Et une sortie qui fait la différence, sur un contre-la-montre où il n’était pas le plus attendu pour la victoire.

Car en effet, le parcours du jour était assez vallonné, surtout sur la fin. Mais pas de quoi, pensait-on, sacrer le natif d’Urrao. Connu pour ses qualités de rouleurs assez bonnes pour un Colombien, il reste un petit gabarit (1m73, 62 kg). Pourtant, dès les premiers intermédiaires, Uran était là. Deuxième derrière Pozzovivo, d’abord, puis en tête dès le kilomètre 26. Preuve d’une domination qui n’a fait aucune contestation sur un parcours qui semblait plus correspondre à Evans. Mais à Barolo, le maillot rose est bien passé sur les épaules du grimpeur colombien. Et c’était sans doute le meilleur moment pour le prendre. L’équipe OPQS a su montrer sa force depuis le départ, Poels et Brambilla, lieutenants d’Uran en montagne, occupant tous les deux le top 15 au général. A dix jours de l’arrivée et au moment où les très grosses étapes de montagne vont pointer le bout de leur nez, le Colombien a frappé un grand coup.

Evans, un mal pour un bien ?

Ce chrono, pensait-on, devait permettre à l’Australien d’accroître son avance sur ses poursuivants avant la haute montagne, dans laquelle il pourrait être en difficulté face aux grimpeurs colombiens. Alors le leader de la BMC est loin d’avoir raté sa journée, terminant troisième et devançant tous ses rivaux à l’exception d’un seul. Mais c’est malgré tout un sacré coup qu’Evans doit encaisser. Car avec plus de 30 secondes de retard sur le nouveau maillot rose, rien ne dit qu’il puisse encore prétendre à la victoire finale. Evidemment, il est dans la position du chasseur, souvent plus confortable que celle du chassé. Mais la chasse s’annonce tellement difficile qu’il n’est pas illogique d’être sceptique quant aux chances de l’Aussie. Uran a pris un ascendant psychologique important, et il faudra à Evans une incroyable régularité dans un haut niveau de performance pour ne serait-ce qu’espérer un retour.

D’autant que le scénario de 2013 est encore dans les mémoires. L’Australien, deuxième derrière l’intouchable Nibali avant les dernières étapes, avait eu du mal à finir. Uran, revenu de loin après avoir perdu du temps en épaulant Bradley Wiggins avait alors soufflé la deuxième place au natif de Katherine. Cette année, les deux hommes sont de nouveau au coude à coude, mais pour la victoire finale. De quoi décupler l’intensité du duel, à condition qu’il y en ait un. Car il n’est pas à exclure que dans les prochains jours, et notamment ce week-end, le protégé de Patrick Lefevere fasse définitivement le trou sur son dauphin au général. Alors qu’on l’annonçait comme le quatrième larron – derrière Quintana, Rodriguez et Evans – au départ de Belfast, Uran est finalement le mieux placé. Et n’en déplaise à un Evans qui dispute sans doute son dernier grand tour dans la peau d’un potentiel vainqueur, l’ancien pensionnaire de l’équipe Sky sait qu’il doit saisir sa chance.

Un troisième homme inattendu ?

Si l’on doute de la capacité d’Evans à tenir en très haute montagne, il y en a un autre dont on doute beaucoup moins. Rafal Majka, sur le podium après le chrono de Barolo, fait presque figure de candidat plus sérieux que l’Australien pour aller titiller le maillot rose. Déjà très à son avantage l’an passé, il semble avoir franchi un cap. Le maillot blanc lui tend déjà les bras, même si un retour de Quintana reste possible. Alors en prenant conscience qu’il peut jouer la victoire sur la course rose, peut-être que le leader de l’équipe Tinkoff – épaulé par un lieutenant de luxe en la personne de Nicolas Roche – sera capable d’hausser encore un peu son niveau. Le Polonais représente en partie la nouvelle génération, celle qui justement, essaie de faire tomber Evans et les autres trentenaires du peloton. A moins de deux minutes d’Uran au général, Majka est sans doute plus qu’un coureur qui jouera les places d’honneur de ce 97e Giro.

Buy me a coffeeOffrir un café
La Chronique du Vélo s'arrête, mais vous pouvez continuer de donner et participer aux frais pour que le site reste accessible.