Emmanuel Barth a beau être jeune, il n’est pas un novice en matière de journalisme. Mais en rejoignant BeIn Sports il y a plus d’un an et demi maintenant, il a pris une autre dimension. Commentateur phare de la chaîne, il offre avec Cédric Vasseur un véritable changement dans le milieu des courses cyclistes ; avec des commentaires dynamiques et pertinents régulièrement accompagnés d’un dispositif exceptionnel sur les grandes épreuves du calendrier. A l’heure où l’entité qatarie chamboule la répartition des droits, celui qui s’affirme comme le fer de lance de la chaîne se confie à la Chronique du Vélo. Un commentateur nouveau dans le paysage, travailleur acharné et passionné. Mais surtout, qui ne se prend pas la tête, nous demandant d’entrée de le tutoyer au téléphone. Entretien grand format.

Bonjour Emmanuel. En 2013, on avait quitté BeIn Sports et le cyclisme sur les Mondiaux. Cette semaine, on a retrouvé le Tour Down Under sur vos antennes. Comment se passe la reprise ?

Ca se passe bien, avec beaucoup de plaisir, comme à chaque début de saison. Il y a des enjeux nouveaux, donc un peu d’excitation. Et c’est un plaisir de proposer aux abonnés de BeIn Sports la première épreuve World Tour de la saison. D’autant que cette année, il y avait une volonté des organisateurs de durcir la course, alors qu’avant c’était essentiellement une course de sprinteurs. Mais c’est en train de changer, on l’a vu l’an dernier avec la victoire de Slagter, et ce fut encore plus difficile cette semaine. Ca donne donc une première tendance sur les conditions des coureurs et ça permet d’avoir un peu de visibilité sur ce qu’il va se passer dans les prochaines semaines et les prochains mois.

On sent dans tes propos que tu es un grand fan de vélo, quelqu’un qui s’y connait, alors tout simplement, qu’est-ce que ça fait de pouvoir commenter les plus belles courses de l’année en étant un passionné comme toi ?

C’est évidemment l’aboutissement, parce que ça permet de vibrer. C’est la grande différence entre un commentateur qui aime profondément le sport qu’il commente et un autre qui le fait parce que c’est son boulot. Celui qui aime son sport, il va le vivre à 100 %, il va vouloir l’expliquer, avoir un côté pédagogue, ce que j’essaie de faire. Car il se passe toujours quelque chose dans le vélo, et pour l’expliquer de la meilleure façon, il faut connaître les tactiques, être capable d’anticiper les scénarii… Mais il y a aussi ce côté vrai passionné, et parfois c’est bien de trouver l’équilibre entre le passionné et le journaliste pour essayer de faire vivre pleinement l’évènement aux abonnés.

Tu dis qu’il faut être pédagogue, c’est encore plus important sur BeIn Sports, où la majorité des abonnés sont venus pour le foot au départ, non ?

C’est vrai, et la grande différence de BeIn Sports avec les autres chaînes, c’est que nous, on se doit d’être des vrais spécialistes. Parce que l’abonné qui paye onze euros pour voir du cyclisme ou un autre sport sur BeIn Sports, même si ce n’est pas cher compte tenu du portefeuille de droits et de ce que propose la chaîne, il doit être pleinement satisfait. On est donc obligés d’avoir un regard de spécialistes, c’est comme ça que je le conçois, c’est comme ça que la chaîne le conçoit également. Alors il faut aussi être pédagogues parce que c’est vrai, il y a beaucoup d’abonnés qui ne découvrent pas forcément le cyclisme, mais le redécouvrent, avec un traitement éditorial particulier.

Pour toi aussi, on imagine donc que ça a été particulier puisqu’à la base, tu ne venais pas spécifiquement pour le cyclisme…

Si, quand même. Quand Charles Biétry et Florent Houzot m’ont recruté, ils avaient déjà à l’esprit de m’utiliser dans le cyclisme. Après, j’ai une certaine polyvalence qui me permet de faire autre chose, et c’est une bonne chose de ne pas être que dans le vélo, même si c’est un sport très particulier pour moi. Mais quand je suis arrivé sur BeIn Sports, je savais que j’aurais l’opportunité de commenter du cyclisme.

Pour parler un peu de la programmation maintenant, est-ce que tu peux nous éclairer sur le programme de diffusions ? Après le Tour Down Under, il y aura le Qatar, puis on retrouvera les mêmes épreuves qu’en 2013 ?

Tout à fait, on va rapidement se projeter sur le Tour du Qatar avec un traitement particulier puisqu’on sera sur place, ce qui permettra de faire vivre aux abonnés l’évènement de l’intérieur. Ensuite, on retrouvera le calendrier italien avec les Strade Bianche, la Roma Maxima et Tirreno-Adriatico. Puis bien sûr il y aura Milan-Sanremo, rendez-vous incontournable du début de saison, là aussi avec un dispositif spécial à l’image de ce qu’on a proposé sur le dernier Tour d’Italie. Et ensuite, on arrivera très rapidement au Giro justement, là aussi une course exceptionnelle. Sans oublier entre-temps quelques courses belges avec Gand-Wevelgem et la Flèche brabançonne.

L’an dernier, on avait parfois appris au dernier moment que certaines épreuves étaient retransmises sur vos antennes. Est-ce une situation qui pourrait se reproduire cette année ?

Oui c’est possible, ça a d’ailleurs été le cas très récemment avec le Tour Down Under. Dès qu’il y a une opportunité de proposer du cyclisme sur BeIn Sports, on ne s’en prive pas. La volonté première de la rédaction, et là je reprends les mots de Florent Houzot, c’est de faire du cyclisme un grand sport sur nos antennes.

Malgré tous les droits acquis par la chaîne, de nombreuses courses ne sont encore diffusées nulle part, comme le Tour de San Luis cette semaine. Est-ce que l’objectif de BeIn Sports pourrait être de permettre à toutes ces épreuves d’être suivies en France ?

L’objectif de BeIn Sports, c’est de proposer le meilleur à ses abonnés en essayant d’établir une cohérence sur l’ensemble de l’année. Mais pour cela, il faut être patient. Pour une première année, je pense pouvoir dire qu’on a rempli les objectifs avec un programme de courses intéressant qui comportait des épreuves de très haut niveau avec toute la semaine des Championnats du Monde, le Tour d’Italie, le Tour de Lombardie, Milan-Sanremo… Mais tout ne se fait pas en une seule saison. Il y a des fenêtres de tirs pour les négociations de droits, parfois il faut faire preuve d’un petit peu de patience et se manifester quand on estime que les offres proposées sont satisfaisantes et peuvent intéresser nos abonnés.

En 2013, BeIn Sports a marqué les esprits sur Milan-Sanremo puis sur le Tour d’Italie, avec un dispositif très important mis en place à chaque fois. Retrouvera-t-on la même chose cette année ?

Oui, complètement. Et on ira même plus loin avec une volonté d’améliorer encore notre dispositif. On a fait une première année de tests, là on part avec plus de certitudes, de visibilité sur ce qu’on veut proposer à nos abonnés. On va tenter de s’améliorer encore. Parce que ce qui est intéressant dans le cyclisme à la télévision, c’est qu’on peut encore améliorer beaucoup de choses. Contrairement au football où tout a été fait, dans le cyclisme, on a une marge de manœuvre. Moi j’ai un objectif, c’est que les grands évènements cyclistes soient traités de la même manière que les grands évènements de football, comme les grands matchs de Ligue des Champions.

Alors justement, quels sont les points précis à améliorer ?

Je pense qu’il y a beaucoup de choses à faire notamment en terme d’habillage. On va essayer d’apporter des clés encore davantage à nos abonnés pour pouvoir lire la course. Je ne peux pas tout dire parce qu’on est en train de travailler dessus, mais c’est aussi travailler sur la qualité de nos plateaux, sur les éventuels consultants qui sont susceptibles ou non de nous accompagner sur cette deuxième saison. Alors on est en réflexion, mais ce qui est sûr, c’est qu’on va essayer de s’améliorer parce qu’on a cette volonté de s’approcher de la perfection.

Avec Cédric Vasseur, vous formez un duo auquel les téléspectateurs se sont attachés. Travaillez-vous vos automatismes, comme on dirait en football ?

Bien sûr ! On travaille énormément, même si on essaie de garder un côté naturel à l’antenne, qui à mon sens est indispensable. La particularité de Cédric, et c’est très agréable, c’est qu’il fait partie de ces consultants qui travaillent vraiment ! C’est un suivi au quotidien de l’actualité, beaucoup de préparation en amont des courses, une remise en cause immédiate après la course, avec un débriefing pour pointer ce qui a été ou non. La base, c’est donc ça, une remise en question perpétuelle, pour essayer de s’améliorer. Après, il y a aussi une question de feeling. Ca, ça s’installe naturellement, soit ça fonctionne, soit ça ne fonctionne pas, mais c’est quelque chose qui nous échappe. Avec Cédric on a tout de suite eu un bon feeling, on se retrouve sur beaucoup de points, et c’est un vrai bosseur. C’est pour ça qu’on a cette volonté de poursuivre avec lui, il colle parfaitement aux exigences et à la ligne éditoriale de BeIn Sports.

Malgré tout, on sait que Cédric Vasseur est aussi lié à France Télévisions, et on se souvient que l’an dernier, tu avais commenté Gand-Wevelgem seul. C’est susceptible de se reproduire ou bien cette fois, il pourrait y avoir un remplaçant à Cédric ?

Je pense qu’il pourrait y avoir un remplaçant, cela pourrait faire partie des évolutions par rapport à 2013. Il y a des personnes qui se sont manifestées. Mais on a un discours très clair à propos de Cédric : c’est notre consultant numéro un, quoi qu’il arrive, même si on est amenés à travailler avec d’autres consultants. Maintenant, on a un catalogue de droits qui est conséquent, mais qui ne nous oblige pas à avoir de manière permanente plusieurs consultants. Pour l’instant, ça fonctionne donc comme ça. Il est vrai que Cédric a été un peu plus sollicité par la force des choses l’an dernier sur France Télévisions, mais ce n’est pas sûr que ce soit le cas de nouveau cette année. Toutefois, on a eu le plaisir de collaborer avec Jérôme Pineau sur les derniers Championnats du Monde, et on pourrait tout à fait imaginer, pour en avoir discuter avec lui et si son calendrier de courses le permet, que Jérôme nous rejoigne sur BeIn Sports. Il a déjà un pied chez nous, donc si des opportunités se présentent et s’il le souhaite, je sais qu’on pourra compter sur lui.

Pour en revenir à toi, tu as aussi l’habitude de commenter le football, c’est totalement différent. D’un côté il y a 22 acteurs, de l’autre près de 200 sur chaque course… C’est plus difficile de commenter du cyclisme ?

Ce n’est pas plus difficile, mais c’est complètement différent. La plus grosse différence, c’est le débit. Sur quatre-vingt-dix minutes, il peut tout se passer quasiment à chaque instant alors que dans une course de vélo, il y a une montée en puissance qui se fait au fur et à mesure que les coureurs se rapprochent de l’arrivée. Et puis c’est sûr, il y a beaucoup de travail puisque la base, c’est de reconnaître les coureurs. Moi j’ai eu la chance de courir quelques années en Elites et j’ai côtoyé beaucoup de coureurs qui aujourd’hui sont professionnels. Donc évidemment, c’est assez simple pour moi de les reconnaître parce que je connais leur visage, leur coup de pédale, leur position, leurs qualités… Mais après, il y a tout un travail à faire sur la jeune génération, et ça, ça nécessite un suivi au quotidien. Après, quand on a une vraie sensibilité au vélo, qu’on a été coureur, on attache beaucoup d’importance au style du coureur : sa position sur le vélo, sa manière de courir, ou encore un détail comme ses lunettes, ses chaussures… Ca permet de les reconnaître un peu plus facilement.

Il y a aussi beaucoup plus de temps morts en cyclisme, tout se joue lors de la préparation de vos commentaires ?

C’est ça. Mais la culture vélo joue aussi beaucoup. Il faut être capable de rebondir, de lancer un débat, de faire référence au passé ou de trouver des liens avec ce qu’il se passe sur le moment. C’est vraiment un mélange entre le travail, indispensable, et une vraie culture vélo, une passion qui dure depuis plusieurs années.

Depuis de nombreuses années, le vélo on le regardait sur France TV, Eurosport et Sport +. BeIn Sports est-il en train de révolutionner le milieu ?

Je n’aurais pas la prétention de le dire, même si j’ai eu l’occasion de l’entendre à plusieurs reprises. Mais révolutionner le milieu, on n’a pas cette prétention, on n’est pas dans une volonté de prétendre être les meilleurs. Même si on essaie de l’être, on se concentre sur notre travail, sur ce qu’on a à faire, sur nos qualités et notre vision du cyclisme, qui est peut-être un peu différente. Mon souhait, c’est de faire du cyclisme un sport fort, d’en donner une belle image. Cela passe par beaucoup de détails, comme la tenue vestimentaire des journalistes présents sur place puisque ça valorise l’image de la chaîne et du cyclisme. On essaie de donner un vent de fraicheur au traitement éditorial du cyclisme, et je pense que c’est important. Cela fait plusieurs années qu’on connaissait le cyclisme sur les chaînes citées, et aujourd’hui BeIn Sports est un acteur nouveau, et on se doit, pour se démarquer, d’apporter quelque chose en plus. C’est ce qu’on a fait l’an dernier sur Milan-Sanremo ou le Tour d’Italie l’an dernier. On a voulu montrer que Mark Cavendish, Fabian Cancellara, Filippo Pozzato, ou Peter Sagan sont des stars. Tout ça valorise cette image un petit peu plus jeune du cyclisme. Car je pense que si on peut rajeunir un tout petit peu l’image du cyclisme dans la perception des téléspectateurs, ce sera une bonne chose.

Alors à l’avenir, si BeIn Sports diffuse encore plus de cyclisme, est-il possible de t’imaginer délaisser le football ?

Ce qui est sûr, c’est que dès que BeIn Sports propose du cyclisme, il est naturel que je bascule du football au vélo. Maintenant, la question ne se pose pas pour l’instant, on aura l’occasion d’y réfléchir. Mais je pense que si un jour on a un calendrier cohérent sur l’année qui exige de moi une présence plus importante sur le cyclisme que sur le foot, la volonté de la direction sera celle-ci, et j’en serais ravi.

Donc  clairement, tu t’épanouis plus dans les commentaires de cyclisme que de football ?

Non, je ne peux pas dire ça. Je m’épanouis autant dans les deux, parce que justement le football m’apporte quelque chose d’autre, de différent. Cela permet de côtoyer un autre milieu, d’élargir ses connaissances. Mais ce que je peux dire, c’est que je m’épanouis pleinement aujourd’hui chez BeIn Sports, à la fois dans le cyclisme qui est mon sport numéro un, et dans le football quand j’ai l’occasion d’en commenter.

Enfin, BeIn Sports a pris les droits de nombreuses épreuves, mais peut-on imaginer le Tour de France (en co-diffusion avec une chaîne gratuite, ce qu’exige la loi) sur vos antennes ?

Je ne peux pas m’avancer là-dessus. C’est un choix de ma direction, qui établit les choix stratégiques d’acquisitions de droits. Tout ce que je peux dire actuellement, c’est qu’on a déjà signé des courses pour 2015. Le calendrier sera donc encore plus étoffé, ce qui montre la volonté de la direction de faire du cyclisme un grand sport sur nos antennes.

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