Le coureur russe, âgé de 35 ans, tire un trait sur une carrière riche et prolifique en succès - Photo Katusha
Le coureur russe, âgé de 35 ans, tire un trait sur une carrière riche et prolifique en succès – Photo Katusha

Un suiveur, mais pas que. Denis Menchov a, à sa manière, laissé son empreinte sur le cyclisme des années 2000. Il termine avec un palmarès des plus prestigieux, fort d’un Tour d’Italie et d’un Tour d’Espagne. Tandis que le Tour de France, dont il fut l’un des principaux protagonistes pendant de nombreuses années, continuait de se refuser à lui, Menchov se rabattit avec succès sur les deux autres grands tours. Éternel sous-coté de part sa discrétion et sa sobriété, il était un grimpeur redouté, couplé d’un rouleur de grand talent qui rivalisa les grands leaders, pour construire son héritage, sa légende.

Premier russe à performer avec régularité

Les coureurs de l’est, issus de l’ancienne URSS, ont déferlé comme une vague au cours de la décennie 90. « Libérés » du régime communiste qui empêchait les sportifs d’accéder au professionnalisme, ils ont enfin eu l’occasion de se distinguer sur les routes occidentales. Les plus célèbres d’entre eux resteront Piotr Ugrumov, Evgueni Berzin et Djamolidine Abdoujaparov. Si le sprinteur ouzbek a tenu son rang pour devenir l’un des sprinteurs les plus redoutés de son époque, les coureurs de grands tours ont connu plus de mal à s’adapter aux conditions de leur nouveau monde, connaissant le meilleur (Liège, Tour d’Italie 94 pour Berzin) mais aussi le pire, avec des fins de carrière difficiles et des couacs inexpliqués.

Denis Menchov, issu de la génération suivante, celle où paradoxalement les coureurs slaves se faisaient de plus en plus discrets au plus au niveau, a tiré son épingle du jeu, ressuscitant à lui seul le cyclisme de son pays. Stagiaire chez Banesto, Menchov connaîtra une ascension constante au sein de la structure espagnole, des places d’honneur sur le Dauphiné Libéré (7e en 2001, 6e en 2002) jusqu’au maillot blanc d’un Tour de France 2003, considéré comme le plus dur et le plus spectaculaire de l’ère moderne, la canicule s’étant abattue sur l’Europe ayant rendue extrême la tâche des coureurs de la Grande Boucle cette année là.

L’intersaison 2004-2005 est le théâtre d’un jeu de chaises musicales au sein du peloton. Levi Leipheimer quittant Rabobank pour l’équipe Gerolsteiner, la formation néerlandaise se tourne vers le prometteur Menchov, auteur d’une saison 2004 complète (27e à l’UCI) mais délicate sur les courses de trois semaines avec deux abandons pour prendre la succession de l’Américain. Alejandro Valverde, la pépite montante du cyclisme espagnol, en profitera pour prendre les commandes de la Banesto qui passera sous le sponsoring des Iles Baléares.

C’est au cours de son passage de 5 ans (2005-2010) aux Pays-Bas que Menchov acquerra une stature de coureur de très haut niveau. Dès sa première saison, malade sur le Tour, il se tournera avec succès vers la Vuelta, dont il prit la deuxième place finale dans un duel de haute volée avec le quadruple vainqueur Roberto Heras. Déclassé par la suite, puis réintégré au palmarès, l’Espagnol restera le gagnant de cette édition sur le papier. Qu’importe pour Menchov qui reviendra sur cette course deux ans plus tard pour cette fois l’emporter haut-la main. Sastre, Evans et Samuel Sanchez sont écrasés par un Russe dominateur aussi bien en montagne qu’en contre-la-montre.

Souvent près du but sur le Tour de France

Étrangement plus performant (hors Tour de France) lors des années impaires, Menchov signera en 2009 sa plus belle victoire sur le Giro du centenaire, une édition flamboyante avec la participation d’un Lance Armstrong sorti de sa retraite, et la présence de champions comme Sastre et Di Luca. La première étape de montagne à l’Alpe di Siusi annoncera la couleur d’un Tour d’Italie que Menchov passera en rose pendant 10 jours. Constant dans les cols, capable de résister aux accélérations d’un Di Luca (surchargé d’Epo Cera et qui sera déclassé), Menchov a encore une fois construit sa victoire dans le contre-la-montre dantesque de Riomaggiore. Sur les 61,5 km de ce parcours difficile tracé le long des Cinque Terre, le leader de la Rabobank prit une avance considérable qui ne sera jamais comblée par ses rivaux. Même une chute sous la pluie sur le terrain glissant des pavés romains ne pourra empêcher Menchov de goûter aux joies d’un sacre sur le Giro d’Italia. Ces trois semaines de courses resteront le plus bel accomplissement du natif d’Orel, petite ville de la banlieue de Moscou.

Possédant deux des trois grands tours, Menchov a toujours joué de malchance sur le Tour de France, qu’il ne parviendra jamais à dominer. Diminué physiquement en 2005, 2007 et 2009, il termina très loin au général. Ces années coïncident avec ses performances sur le Giro et la Vuelta ! Favori avec Cadel Evans et Alejandro Valverde du Tour de France 2008, il chuta dans l’étape de Prato Nevoso au moment même où l’offensive qu’il était en train de porter aurait pu lui permettre de se parer de jaune, tant la défaillance de l’Australien ce jour-là occasionna un rapproché général des poursuivants d’un Evans en perdition. Les CSC ne manqueront pas le coche, en replaçant Schleck et surtout Sastre, pendant que Menchov restera figé en 4e position.

2010 laissera moins de regrets à un Menchov un peu plus discret, mais qui forgera sa 2e place (suite au déclassement de Contador) par une régularité à toute épreuve. Insuffisant toutefois pour espérer se rapprocher d’un duo Schleck-Contador au dessus du lot. Ce podium sera la dernière performance réellement marquante d’un coureur qui subit le boycott de sa nouvelle équipe Geox sur le Tour de l’année suivante, marquée par des places d’honneur sur des Giro et Vuelta qui virent un Menchov encore solide mais usé par de trop nombreuses batailles. Champion de Russie du contre-la-montre pour la toute première fois en 2012, il boucla la boucle en terminant sa carrière au sein de l’équipe de son pays, la Katusha. Un retour aux sources qui se terminera en apothéose par une victoire de prestige au Bola Del Mundo, sur l’étape reine du Tour d’Espagne, sa course favorite.

Diminué par des blessures persistantes, soupçonné de dopage à de nombreuses reprises – notamment dans l’affaire Humanplasma – mais jamais suspendu, il se retire avec un palmarès digne des plus grands. Discret mais performant, Menchov aura été l’une des figures du cyclisme contemporain. Son absence laissera un vide, indéniablement.

Louis Rivas


 

Buy me a coffeeOffrir un café
La Chronique du Vélo s'arrête, mais vous pouvez continuer de donner et participer aux frais pour que le site reste accessible.