Le vainqueur très précoce du Giro 2004 peut-il se relancer ? - Photo Paolo Bettini
Damiano Cunego, vainqueur très précoce du Tour d’Italie 2004 avec la Saeco, peut-il se relancer ? – Photo Paolo Bettini

Damiano Cunego est incontestablement l’un des prodiges de la génération italienne dite « de transition », qui a suivi la glorieuse mais sulfureuse époque des Marco Pantani, Paolo Savoldelli, Paolo Bettini, Stefano Garzelli, Gilberto Simoni, Danilo Di Luca et autres coureurs prestigieux mais fortement entachés par les scandales des années 2000. Il peut se targuer d’avoir remporté son Grand Tour national à l’âge de 22 ans, ainsi que de multiples classiques dont l’Amstel Gold Race et le Tour de Lombardie, à trois reprises. Mais ce qui semble presque inévitable chez les coureurs évoluant au très haut niveau arriva ; il connut un passage à vide prolongé, entre blessures et désillusions, occasionnant un certain déclin. Cependant, le Petit Prince redonne quelques signes de satisfaction depuis sa belle année 2011. Âgé désormais de 31 ans, dans la force de l’âge, peut-il retrouver le chemin de la victoire, comme lors de ses plus belles années ?

Une approche pas toujours claire, et une année sans

Damiano Cunego est un coureur qui est rentré dans le cercle restreint des vainqueurs de Grands Tours, en 2004, mais il n’a pas pour autant renié son affection pour les classiques, car son gabarit s’y prête. Petit et léger (1.69 m pour seulement 65 Kilos), il possède une certaine explosivité et une capacité à « s’envoler » sur des pentes raides. Dans la lignée de son Giro victorieux, il s’est montré suffisamment fort pour confirmer en fin de saison sur les routes du Tour de Lombardie, classique difficile courue autour du Lac de Come. Il va par la suite très rapidement montrer ses aptitudes à obtenir de bons résultats sur le triptyque ardennais. On se demandait alors si la jeune star du cyclisme mondial devait s’affirmer sur les Grands Tours ou alors se spécialiser sur les courses d’un jour. On n’aura jamais vraiment de réponse claire à cette question. Mi figue-mi raisin, il a toujours continué de prévoir un pic de forme pour le Giro en passant par le nord de l’Europe pour s’échauffer et profiter de sa bonne forme pré-évènementielle pour parfois y briller, ce qui était plutôt en phase avec les objectifs de son équipe Lampre qui souhaitait obtenir des points assez rapidement dans la saison pour se mettre à l’abri.

Sa plus belle réussite sur la campagne ardennaise restera sa victoire sur l’Amstel Gold Race en 2008. Aux yeux des observateurs, la classique lui convenant le plus est bien évidemment le Tour de Lombardie, qu’il a déjà remporté trois fois, et qui lui permet de combiner à merveille ses qualités de grimpeur, de puncheur, et parfois même de finisseur. Néanmoins, ce regain de forme sur les vallons s’accompagna d’une baisse de performance spectaculaire sur les courses par étapes majeures. Malgré ses deux Top 5 sur le Giro, on retiendra surtout ses essais infructueux sur le Tour de France : bien qu’il y gagna le maillot blanc en 2006, il ne parvint jamais à décrocher ne serait-ce qu’une victoire d’étape ou une belle place d’honneur.

Après réflexion et analyse, on peut même interpréter son année 2008 comme un « aveu » indirect de ses errances stratégiques. En ayant remporté l’Amstel, le Tour de Lombardie et terminé sur le podium de la Flèche Wallonne, on est clairement en mesure de conclure que le garçon aurait peut-être eu plus de réussite au cours de sa carrière en délaissant Giro et Tour pour se consacrer exclusivement aux monuments d’un jour. Devrait-il se spécialiser sur les belles classiques qu’il pourrait chasser avec réussite ? Après tout, il a déjà remporté le Giro à vingt-deux ans, et une écrasante majorité de coureurs ne réaliseront jamais ce qu’il a su faire lors de cette fameuse année 2004.

L’épisode le plus douloureux de sa carrière fut certainement son année 2010 totalement ratée, avec aucune victoire, seulement trois tops 10 acquis à l’arrachée sur dans les Ardennes : indigne d’un coureur de son standing. Sa réputation fut quelque peu entachée dans les mois qui suivirent après les révélations choc de l’énigmatique affaire Mantoue…

Un nouvel élan commun avec Lampre

Après une année 2009 performante mais sans victoire fringante et une année 2010 à oublier, il devait se relancer. 2011 fut l’année du renouveau pour Cunego ! En privilégiant les courses à étapes, il remporte quelques belles victoires et termine deuxième du Tour de Suisse ou il était intrinsèquement le meilleur, avant de confirmer par la suite avec une très belle sixième place finale sur les Champs-Elysées. Inévitablement, vient à l’esprit le fait que le prince d’antan soit revenu, mais son retour s’est surtout fait au niveau de la personnalité. On a retrouvé un Cunego combatif et explosif qu’on aimait tant voir. Malgré une saison 2012 en demi-teinte, sauvée par le « coup du Stelvio », réalisé en compagnie du miraculé Thomas De Gendt, il semble avoir retrouvé sa force et est désormais à 100% en vue du mois d’avril. En effet, au sein d’une équipe Lampre qui a subi de nombreux changements structurels, il doit s’adapter en fonction des exigences de sa direction.

Michele Scarponi, qui a effectué son retour de suspension, s’est imposé comme le nouvel homme fort des fuchsias. En remportant le dantesque Giro de 2011, certes sur tapis vert, il a mis tout le monde d’accord dans son équipe et Cunego est devenu petit à petit un équipier de « grand luxe » pour son compatriote. On l’a vu en 2012, et on le reverra peut-être en 2013. Par ailleurs, il connut avec gloire le statut de jeune talent en devenir, libre, voir insouciant, et désormais il devient un modèle pour Diego Ulissi qui « marche sur ses pas ». Sur les classiques vallonnées et les courses par étapes, le duo de choc de la Lampre-Merida peut faire mal, car il est très complémentaire. Aujourd’hui, Cunego a réalisé une préparation solide mais discrète : passé par Tirreno, la Coppi Bartali, les classiques italiennes et le Tour du Pays Basque où il fut dans le coup. Alors, bien évidemment, il ne part pas favori de ces classiques, mais comme il le claironne, il rêve de Liège-Bastogne-Liège. Etant passé par une Amstel qu’il connaît très bien et une Flèche Wallonne qui servira aussi de test, il peut légitimement se mêler à la lutte finale sur les hauteurs de Huy et Liège. L’avantage paradoxal de son trou noir aura été tout compte fait de le libérer d’une certaine pression médiatique pesante. Désormais, il est retourné dans le rang et paraît plus serein, il n’a plus à supporter seul le poids des résultats chancelants de son équipe. Finalement, en adéquation avec le scénario des dernières classiques qui se sont avérées très ouvertes, il pourrait se rappeler aux bons souvenirs des passionnés.

Alexis Midol


 

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