Vainqueur du Tour de Suisse l’an dernier, Rui Costa aime le pays et le montre. Souvent performant sur le Tour de Romandie, il semble vouloir faire du Tour de la Confédération toute entière sa chasse gardée. S’imposant le cigare dans la bouche à La Punt, il envoie un message clair à ses adversaires. Il va falloir aller le chercher, bien qu’il ne soit que deuxième du général. Avec un chrono atypique à son avantage, il est en passe de réaliser le doublé que seuls les illustres Bartali, Fornara et Hampsten ont réussi.
Intrinsèquement le plus fort ?
On l’avait vu l’an dernier à Verbier, et ça se confirme cette année, Rui Costa aime faire parler la poudre lorsqu’il en a les moyens. Si sur ce Tour de Suisse 2013, c’est plutôt à Bauke Mollema que revient le titre d’animateur, Rui Costa agit en coureur intelligent. Loin d’avoir été le plus gêné lors du chrono de Quinto, plus proche d’un exercice du saut à ski où il faut choisir la bonne fenêtre en dépit du vent, il a ensuite assuré à Crans-Montana avant de tirer profit de la descente piège sur Meiringen. Une montée en puissance sur une course qui lui est chère ? Sans doute, puisque sur l’asphyxiant col de l’Albula et son très long kilométrage, sa facilité – pour ne pas dire sa supériorité – n’a pas été remise en question. Espérant sans doute pouvoir déposséder Mathias Frank de son maillot jaune, le coup de Trafalgar que fut la chute de l’arche à trois kilomètres de l’arrivée ce vendredi pourrait lui coûter cher à l’heure de faire les comptes. Cependant, il abordera bien le chrono du Flumserberg en position favorable puisqu’il n’aura pas la pression qui se logera sur les épaules du local de la BMC.
Coureur complet regroupant toutes les qualités d’un spécialiste des courses d’une semaine, il sera difficile à aller chercher sur un parcours alternant entre plaine et col où il risque d’être encore plus fort que vendredi. De plus, impossible de compter sur une baisse de motivation du garçon qui a affirmé haut et fort son affection pour la Suisse : « J’aime cette course et ce pays, j’y vis même ! » Ses adversaires sont prévenus, d’autant plus qu’il est fort probable que Costa soit actuellement au top de sa forme. Avant d’aller sur le centième Tour de France dans la peau du lieutenant modèle d’Alejandro Valverde, le Portugais se voit donner carte blanche sur une course qu’il connaît de mieux en mieux. Le dénouement helvète de ce week-end semble être fait pour le poulain d’Eusebio Unzué, qui n’a plus qu’à finir le travail face à des adversaires qui se bousculent tout de même au portillon pour créer l’exploit.
Un chrono finalement décisif
Car au terme de l’étape de montagne de vendredi, le classement général n’a pas, paradoxalement au déroulement de la journée, été vraiment chamboulé. Pourtant en souffrance dans les derniers kilomètres, Mathias Frank s’est refait une santé dans la descente, tout comme Roman Kreuziger. Si un quatuor de feu Costa-Mollema-Pinot-Van Garderen s’est détaché, il n’a pas pris tant que ça la poudre d’escampette. La faute à une entente pas toujours au beau fixe, à un Thibaut Pinot en difficulté dans les descentes et à un TVG protecteur de son leader d’un jour, Frank. La désagréable surprise de voir une arche entravée au milieu d’un virage a aussi rééquilibré les écarts, au grand dam de certains… A l’heure où l’on parle, Frank est donc toujours en jaune, mais va devoir sortir un chrono de haute volée pour s’offrir le Graal, tant Costa apparaît comme le favori numéro un, bien qu’il ne faille pas enterrer un Kreuziger imprévisible et à seulement 23 secondes.
En revanche, derrière ces trois-la, on semble plutôt se battre pour le podium. Si le Franc-Comtois de la FDJ n’est pas loin d’être le meilleur dès que la route s’élève, il pêche régulièrement dans les descentes où il perd les avantages acquis dans les montées, et va devoir montrer qu’il a bel et bien progressé dans l’effort solitaire. Bauke Mollema, lui, est aussi l’un des plus actifs mais a loupé le coche lors de la troisième étape et n’arrive pas vraiment à refaire son retard, tandis que Tejay Van Garderen en tant qu’équipier de luxe de Frank se limite quelque peu. Alors, trois hommes pour la gagne et six pour le podium vont normalement se départager sur les rampes du Flumserberg (10 kilomètres à 9%), qui fera office de juge de paix de cette édition 2013. Mais ne nous y trompons pas, la concurrence est presqu’uniquement symbolique pour ne natif de Povoa de Varzim. Les faibles écarts creusés de Quinto à Bad Ragaz l’avantage bien plus que les autres, et on ne peut désormais plus douter de sa présence parmi les meilleurs coureurs de courses à étapes.
Alexis Midol