Sur le Dauphiné, à trois semaines du Tour de France, les leaders avaient besoin de se rassurer. De Froome à Nibali en passant par Rodriguez et Valverde, personne n’est véritablement passé à côté de l’épreuve. Mais le Britannique s’est employé pour aller chercher un succès au général qui lui redonne une légitimité qu’il avait en partie perdue.

Un retour opportun

Lorsqu’il avait remporté presque facilement le Tour de France en 2013, Chris Froome avait connu un début de saison quasi parfait, jalonné de succès qui prouvaient sa montée en puissance. Cette année, jusqu’à il y a quelques jours, tout semblait moins bien embarqué. Sur le Dauphiné, celui que l’on a l’habitude de classer parmi les meilleurs coureurs du peloton malgré un seul grand tour remporté a donc remis les pendules à l’heure. Il a beau n’avoir remporté « que » le Tour d’Andalousie cette saison, il sera bien l’un des grands favoris pour la Grande Boucle. Certes, il y avait assez peu de sceptiques à ce sujet : mais il était évident que des enseignements seraient tirés après le Dauphiné, et le natif de Nairobi ne pouvait se permettre de traverser la semaine sans marquer les esprits. Vainqueur il y a deux ans, deuxième l’an passé jusqu’à une chute dans la dernière étape, il a besoin de repères avant de se lancer dans une épreuve de trois semaines. Ce retour au premier plan était donc indispensable.

S’il était un favori logique, le Britannique devait pourtant faire face à une concurrence assez corsée sur l’épreuve savoyarde. Nibali, tenant du titre sur le Tour, mais aussi les briscards ibériques Valverde et Rodriguez, ou encore les jeunes Bardet, van Garderen et autres Yates, ça faisait du beau monde. Peut-être trop, se disait-on, pour un coureur quoi qu’on en dise dans le doute et sur qui repose toutes la attentes de l’équipe Sky après l’échec de Porte sur le Giro. Sauf que « Froomey » n’a jamais vraiment paniqué. Après un chrono par équipes assez décevant de la part de sa formation, il a profité de la première étape de montagne, vers Pra Loup, pour se replacer au général. Et si vers Villard-de-Lans, il n’a pas été capable de suivre un Nibali qui ne se sera montré que sur cette étape, il n’a pas manqué le coche les deux jours suivants. Deux fois vainqueur d’étape, à Saint-Gervais puis à Modane, Froome a décroché le maillot jaune et montré à tout le monde qu’il était dans les temps pour la grande messe de juillet.

Une pression omniprésente

Douzième du général, Vincenzo Nibali prévient : « Être en très grande condition ici n’est pas la meilleure solution. » Le passé l’a prouvé à maintes reprises : on peut gagner le Dauphiné et passer à côté du Tour. Il n’empêche que depuis 2009, à l’exception de la saison passée, le vainqueur à Paris a toujours été sur le podium de l’épreuve savoyarde. Une relation loin d’être anodine. Mais au-delà du podium, Froome, lui, ne pensait qu’à la victoire : « Je ne me voyais pas venir avec une grosse équipe à mes côtés sans avoir l’objectif de m’imposer. Ca reste un moment clé avant le Tour de France », a-t-il expliqué. Et même s’il assure ne jamais avoir douté cette saison malgré les difficultés qu’il a pu rencontrer, cette nécessité absolue de gagner a sans doute un lien avec son absence en conférence de presse samedi soir, après son premier bouquet de la semaine. Le « Kenyan blanc », vraisemblablement désireux de rester concentré, avait perdu l’habitude de devoir supporter toute cette pression.

Finalement, il est « là où [il] voulait être », et il « monte en puissance avant le Tour ». Lui parle de sa future paternité pour expliquer une plus grande sérénité, sans que l’on sache véritablement ce qu’il en est. Pour autant, il ne semble pas être encore redevenu le Froome d’il y a deux ans, qui était plus que jamais sûr de lui avant d’aller se confronter à Contador sur la Grande Boucle. Aujourd’hui, le Britannique est plus prudent, et cherche même à rejeter la pression sur ses futurs adversaires. « S’il a bien récupéré du Giro, je pense que Contador sera l’homme à battre, a-t-il confié. Quant à Nibali, c’est difficile de le juger sur cette semaine. » Une langue de bois maniée à la perfection, qui nous fait comprendre que le relâchement, même dans les mots, n’est pas pour tout de suite. Pendant les sept prochaines semaines, Froome ne pensera qu’à une chose : porter le maillot jaune sur les Champs-Elysées. Et s’il y a une chose qu’il ne cache pas, c’est qu’il est « déjà au point ».

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