Plus grand coureur de tous les temps avec Merckx, Bernard Hinault a mené la France au sommet - Photo Flickr, Numerious

A l’arrêt depuis l’année 98 et l’affaire Festina, le cyclisme français, au passé glorieux, semble enfin se relever. Mais la route sera longue pour la nouvelle génération, qui devra effacer quinze années de désillusions.

Une lignée exceptionnelle de champions

Détenteurs logiques de bon nombre des premiers Tours de France, notamment par l’intermédiaire de coureurs tels que Lucien Petit-Breton ou André Leducq, premiers doubles vainqueurs tricolores, les coureurs français subirent cependant la loi des Belges à plusieurs reprises. Bien lancés par le succès de Jean Robic dans la première grande boucle de l’après-guerre, la France n’eut à attendre que six ans de plus pour assister à l’éclosion de Louison Bobet, qui part trois fois su dompter les Ferdi Kubler et autres Charly Gaul pour rentrer dans la légende de l’épreuve hexagonale. Après l’intermède Walkowiak en 1956, vainqueur qui donna son nom au type de victoire qui consiste à se glisser dans une échappée fleuve et à résister vaillamment tout au long des trois semaines de course, vint Jacques Anquetil, un monstre en avance sur son temps.

Fantastique rouleur doté d’un sens tactique plus développé que celui de son rival Poulidor, qu’il condamna au rôle d’éternel second, « Maitre Jacques » se dota d’un palmarès exceptionnel tout au long de sa décennie de domination. Outre ses cinq Tours de France, il trouva la mire sur le Giro (60, 64) et la Vuelta (63). Devenant ainsi le premier coureur à inscrire son nom au palmarès des trois Grands Tours. Merckx sera le suivant, Contador le dernier. Pas toujours grand professionnel, Anquetil était un buveur de vin reconnu, et n’hésitait jamais à manger comme un ogre la veille d’un grand rendez-vous. Qu’importe, il était au dessus de tout. Son exploit le plus retentissant reste son doublé Dauphiné Libéré-Paris-Bordeaux de 1965, deux courses distancées de 24h seulement. Après sa victoire sur Poulidor dans la course par étapes, le général De Gaulle en personne débaucha un Airbus pour accompagner le coureur au départ de la classique longue de 600 kilomètres. Une course surhumaine qu’Anquetil remporta malgré la fatigue et les attentes. Acclamé par le public Bordelais, accueilli en véritable héros, le Normand avait atteint son objectif. Il ne disputa pas le Tour de France et se retira peu de temps après.

Merckx pris la succession du français dès 67, et ce jusqu’en 75. Le bruxellois entame alors son lent déclin, tandis qu’un breton sort du bois. Son nom : Bernard Hinault ! Vainqueur de Gand-Wevelgem à 21 ans, puis de Liège-Bastogne-Liège deux ans plus tard, le jeune Hinault apprend son métier sur les classiques, sous la tutelle de l’expert Cyrille Guimard. On retiendra également sa chute sur le Dauphiné. Tombé dans un fossé, il est « récupéré » par son mentor. Nullement déstabilisé par ce concours de circonstance, il gagnera l’étape. Lancé sur la Vuelta 78, il écrase une épreuve qu’il aura sauvée de l’ennui, en attaquant encore et encore dans la montagne malgré son avance implacable. Impressionnant de maitrise, il enchaine en devançant tranquillement Zoetemelk dans son Tour national. Un Néerlandais dont il sera le principal bourreau. Toujours second, il devra attendre la chute du blaireau dans le Tour de France 1980 pour enfin remporter son premier maillot jaune.

Petit à petit mis au placard par Laurent Fignon au sein même de son équipe, Hinault profitera à son tour de la blessure du Parisien pour l’emporter une dernière fois en 85 sous les couleurs de la Vie Claire, un an après son humiliation de 84 face à un Fignon qui le ridiculisera sur les pentes de l’Alpe d’Huez. Champion éphémère sur les routes des Grands Tours, le blondinet ne retrouva jamais les folles jambes de ses jeunes années, si ce n’est en 1989 où il passa très près de la victoire finale. Huit secondes lui ont manqué sur le contre la montre final.

Bilan de la France sur Grands Tours : 34 Tours de France, 6 Tours d’Italie, 9 Tours d’Espagne. Soit un Total de 20% de succès sur l’ensemble des courses de trois semaines mises en jeu au cours de l’histoire.

Sous le soleil

Pas forcément maîtres de leur sujet sur Paris-Nice, les coureurs français n’ont enlevé que 30% des 69 éditions de la course au soleil. Cinq fois remportée par Anquetil, trois fois par Jalabert, les meilleurs auront cependant trouvé leurs marques au mois de mars. Comme pour tant d’autres épreuves, le « Panda » en est le dernier vainqueur bleu-blanc-rouge. Ce dernier tenta sa chance sur Tirreno-Adriatico par la suite, sans jamais ouvrir le compteur français sur la course des deux mers.

Si le Tour du Pays Basque n’a jamais vraiment souri aux français, le bilan tricolore sur le Tour de Catalogne est en revanche extrêmement bon. Dès les premières années, nos représentants se sont illustrés sur l’épreuve centenaire, Victor Fontan y signant même un doublé dans les années 20. Plus irrégulières après la mondialisation des années 70, les victoires françaises ne disparurent pas pour autant et Laurent Jalabert encore lui, y remporta sa dernière course par étapes en 1999.

Sur le Dauphiné Libéré, le salut français est dernièrement venu de Christophe Moreau, dernier coureur de niveau mondial du pays. Vainqueur en 2001 et 2007, il ne concrétisa jamais ces performances par un succès ou même un podium sur le Tour de France. Dommage, car le Belfortain en avait les moyens.

Bilan de la France sur Petits Tours : 21 Paris-Nice, 29 Critériums du Dauphiné, 0 Tirreno-Adriatico, 11 Tours de Catalogne, 4 Tours du Pays-Basque, 13 Tours de Romandie et 2 Tours de Suisse. Soit un total de 16% de succès sur l’ensemble des courses d’une semaine mises en jeu au cours de l’histoire.

Corrects mais sans plus

Un cran en dessous de la Belgique et l’Espagne, la France ne possède pas la même culture des classiques que ces deux pays. Ses succès sont souvent l’œuvre de ses plus grands champions, et non celles de véritables spécialistes des courses d’un jour.

George Speicher obtint le premier maillot irisé pour un coureur français en 1933, tandis que son dauphin du jour Antonin Magne pris sa revanche trois ans plus tard en 1936. Bobet, Darrigade puis Stablinski, qui figuraient parmi les meilleurs coureurs de leur génération dans leurs spécialités respectives obtinrent eux-aussi la consécration suprême que représente un titre de champion du monde entre 54 et 62. Toutefois, ni Anquetil, ni Poulidor ou même Thévenet ne purent par la suite relancer la machine française, et comme souvent ce fut l’indéboulonnable Bernard Hinault qui 18 ans plus tard à Sallanches mis fin à cette disette en distançant Baronchelli dans le dernier tour du circuit. Luc Leblanc puis Laurent Brochard, membres de la sulfureuse équipe Festina déposèrent les dernières pierres d’un édifice français en perdition.

Sous la domination des Belges sur Paris-Roubaix, seuls quelques rares flahutes comme Duclos-Lassalle et Marc Madiot purent dans l’histoire récente briser la suprématie du plat pays en terre française. Sans oublier Bernard Hinault qui remporta ce qu’il désignait comme « une cochonnerie », histoire de montrer qu’il faisait bien partie des coureurs légendaires, remportant une course qui ne lui était pas destinée. Bobet et Forestier furent longtemps les seuls coqs à avoir pu dompter le Tour des Flandres, mais en 92, le baroudeur Jacky Durand écrivit une des plus belles pages de l’histoire du cyclisme tricolore en devançant son acolyte Thomas Wegmuller dans un final étriqué.

Liège-Bastogne-Liège, la doyenne, n’échappa ni à Anquetil, vainqueur en 1966, ni à Bernard Hinault, qui en 80 réussi son exploit le plus mémorable en allant au bout d’une course marquée par la neige et le froid. Des conditions qui n’effrayèrent pas le coureur breton, reléguant son plus proche poursuivant à plus d’un quart d’heure.

Milan-San Remo fut longtemps favorable aux français, comme le rappelle le doublé de Laurent Fignon lors de son « retour » de 88/89, ou la victoire de Jalabert en 95 face à Fondriest en échappée. Un Jalabert qui deux ans plus tard mettra la main sur le Tour de Lombardie pour compléter son formidable palmarès de chasseur de classiques.

Bilan de la France sur les Monuments : 29 Paris-Roubaix, 3 Tours des Flandres, 12 Milan-San Remo, 11 Tours de Lombardie, 4 Liège-Bastogne-Liège et 8 Championnats du Monde. Soit un total de 11% de succès sur l’ensemble des courses dites « monuments » mises en jeu au cours de l’histoire.

Sur les classiques intermédiaires, l’histoire retiendra que Jean Stablinski remporta la première édition de l’Amstel Gold Race en 1966, ou que Fignon eut un sursaut d’orgueil en 1987 sur la Flèche Wallonne. Plus récemment, l’unique Jalabert eut les moyens de figurer avec les meilleurs sur ces courses difficiles. L’arrêt des victoires françaises sur ces épreuves coïncide avec le déclin puis le retrait de l’actuel sélectionneur des Bleus.

Bilan de la France sur les non-Monuments : 30 Paris-Tours, 8 Flèches Wallonne, 3 Gand-Wevelgem, 2 Amstel Gold Race. Soit un total de 6% de succès sur l’ensemble des courses d’un jour « historiques » mises en jeu au cours de l’histoire.

Louis Rivas


 

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