Thibaut Pinot était capable du pire comme du meilleur. Nous avons déjà vu les limites du pire, mais avons nous entrevu les limites de son meilleur niveau ? Pas si sûr, tellement le natif de Mélisey fut brillant aujourd’hui sur les pentes du Port de Balès, accompagné par une équipe FDJ, une fois n’est pas coutume, totalement présente à son service. Se permettant même de lâcher le maillot jaune Nibali sur une petite accélération avant le sommet, le final n’était malheureusement pas assez à son avantage pour qu’il tire suffisamment son épingle du jeu. Mais ce n’est que partie remise…

Ses adversaires ont compris le message

Quelle allait être la tactique du Franc-Comtois au moment d’aborder le massif le plus important, sur le papier, de ce Tour de France ? L’offensive a donc été primée, et Pinot a attaqué les Pyrénées tambour battant. Bénéficiant d’un Arnold Jeannesson transcendé, il n’a pas hésité à prendre ses responsabilités et s’est mis en quête de secondes durant la dernière ascension. Cela aurait payé vis-à-vis d’Alejandro Valverde si le col hors catégorie faisait quelques kilomètres de plus, mais en tout cas, cela a déjà été largement suffisant pour faire exploser les principaux concurrents pour le podium, dont Van Garderen et Bardet, asphyxiés par le rythme d’enfer imposé par les FDJ et les Movistar, avant que Pinot en personne ne produise quelques démarrages. Certes, il y avait vingt gros kilomètres de descente, favorables aux regroupements, et sans doute pas la place pour transformer les pentes du Port de Balès en un champ de bataille, mais il en avait les moyens. Même si il peut se targuer de références plus qu’honorables sur ses derniers contre-la-montre compliqués, comme celui qu’il devra affronter samedi entre Bergerac et Périgueux, il se devait de tout donner pour augmenter son avance sur ses rivaux et rattraper un Valverde ou un Bardet pour le podium final. La troisième place était un rêve, elle lui semble désormais promise, si la deuxième n’atterrit pas dans son escarcelle en suivant un tel rythme.

Il ne cesse de progresser

Car demain, c’est l’étape reine de ce Tour de France, avec l’enchaînement de quatre grands cols aux pourcentages rudes, dont cette arrivée au sommet du Pla d’Adet, longue de dix kilomètres pour une moyenne supérieure aux 8%, sans oublier le célèbre Peyresourde auparavant. Et jeudi, place au mythique Tourmalet, précédant la redoutable ascension vers Hautacam. Pas de la tarte, mais un terrain qui semble être vraiment favorable à Pinot, pur grimpeur par excellence, et qui entre dans son jardin. Valverde n’est pas très serein, Van Garderen a eu un jour sans, Bardet paraît limité en haute montagne, et Péraud n’arrivera pas à tenir sa roue si le coureur de Marc Madiot est dans la même forme qu’aujourd’hui. Mieux encore, même l’intouchable Nibali a montré quelques signes de faiblesse dans le dernier kilomètre de Balès. Pinot aurait donc la possibilité de s’offrir un moment de gloire en distançant le numéro un dans le décor pyrénéen, quant à lui assuré de remporter la Grande Boucle sauf défaillance. Les critiques acerbes, même un temps justifiées sur son placement, sa science de la course contestable et sa première semaine trop discrète là ou il fallait jouer des coudes pour tirer profit, semblent bien loin lorsqu’on prête attention au classement général le soir de la seizième étape. Troisième à 5 minutes 06 de Nibali, 29 secondes le séparent du leader de la Movistar. Voir le Français distancer pour de bon l’Espagnol dans l’une des deux étapes à venir s’inscrirait dans la suite logique des volets montagneux de ce mois de juillet.

Un français sur le podium ? Oui, voire deux ?

Dans une étape de 240 kilomètres, si une arrivée au sommet aurait pu faire mathématiquement plus de dégâts, le contenu proposé aux coureurs n’en était pas moins copieux. Bien que faisant partis des cols les plus simples à gravir du massif, le Portet-d’Aspet et les Ares auront entamé les forces des coureurs, qui plus est, lorsqu’il n’est jamais facile de repartir sur de bonnes bases après une journée de repos. Les jambes étaient trop lourdes pour des Mollema, Rolland, Frank Schleck, Van Garderen dans le Port de Balès, et ont permis à des coureurs comme Leopold König ou Michal Kwiatkowski, à la faveur de l’échappée fleuve du jour marquée par la victoire de Michael Rogers, de remonter dans les dix premiers. Une hiérarchie de plus en plus instable en ce qui concerne la deuxième moitié du top 10, tandis qu’on semble tenir les cinq premiers. Nibali ? Dans un fauteuil. Le podium ? Toujours aussi indécis, et il devrait donc se jouer entre Valverde, Pinot et Péraud. Le dernier cité pourrait bien doubler tout le monde dans l’exercice individuel qu’il affectionne, tandis que le héros tricolore du jour doit user de sa supériorité en montagne jusqu’à vendredi et cette étape de transition. L’horizon n’est pas totalement dégagé, mais c’est bien parti pour, à notre plus grand bonheur.

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