Encore majoritairement critiquées il y a quelques années, les courses par étapes du Moyen-Orient sont désormais plébiscitées par le peloton, et en particulier les chasseurs de classiques. Des longues plaines, du vent, mais également quelques bosses redoutables qui ne sont pas sans rappeler les principales difficultés des Monuments des deux mois prochains. Boonen, Cancellara, Kristoff, van Avermaet et Sagan ont déjà montré des choses plus ou moins prometteuses. Surtout pour les deux premiers…
Fabian Cancellara montre déjà les dents
Vainqueur du premier Tour d’Oman de l’histoire, le Bernois avait sans doute à cœur de se rattraper après son semi-échec vécu au Qatar la semaine dernière. Battu par Terpstra alors même qu’il s’était intercalé devant le champion du monde Wiggins sur le chrono de Lusail, Cancellara avait certes affiché une solidité toujours présente au plus haut niveau, mais n’en était pas totalement satisfait. C’est maintenant chose faite, avec ce premier bouquet de l’année, glané à Al Bustan, au terme d’un sprint en petit comité. Exceptées les courses d’un jour remportées par “Spartacus” en plus des épreuves chronométrées, cela faisait sept ans que le chef de file de l’équipe Trek attendait de pouvoir lever les bras sur une étape en ligne – depuis le Tour de Suisse 2008. Un relatif soulagement pour la machine Cancellara, de plus en plus focalisée sur les grandes classiques du calendrier, et souvent malheureux dans les finals de course, battu par plus rapide au sprint après avoir fait l’essentiel du travail de groupe. S’imposer devant Valverde, van Avermaet, Pozzato et Sagan, est tout à son honneur, et a de quoi lui donner confiance au cas où il se retrouverait dans une situation similaire dans une course plus prestigieuse. Il y avait d’ailleurs deux belles bosses dans les vingt derniers kilomètres, de quoi rappeler le finish de Milan-Sanremo. Peut-être un signe…
D’autant que cette victoire dès le mois de février mérite d’être soulignée dans le cas d’un Cancellara rarement surhomme avant l’heure. Depuis 2011, il est une des traditionnelles têtes d’affiches de Tirreno-Adriatico, en Italie, et signe habituellement son réveil lors du contre-la-montre des rues de San Benedetto del Tronto. Un marqueur significatif, avant le court transfert vers la Riviera Ligure pour la Primavera, puis un GP E3 servant de répétition, tournant en démonstration de force où annonçant les faiblesses de Spartacus selon les années. Fondamentalement, cela ne change pas grand chose, mais cela suffit à balayer les quelques doutes qui avaient pu envahir les fans quand au supposé manque de motivation d’un champion ayant pratiquement tout gagné, et songeant à mettre prochainement un terme à sa carrière. Qui plus est, Cancellara est allé chercher la victoire tout en étant diminué, comme il l’a expliqué au journal L’Equipe. « J’ai été surpris de me retrouver à l’avant parce que depuis plusieurs jours, je suis malade, j’ai un peu perdu ma voix, j’ai cru que j’allais laisser mes poumons sur la route. » Même en étant visiblement loin d’être à 100%, le moteur semble toujours aussi puissant…
Tom Boonen en quête de dynamique
La victoire de Cancellara fait écho à la deuxième place glanée par Tom Boonen derrière Andrea Guardini, lundi. Le Lion des Flandres sort d’un bon Tour du Qatar, avec un top 10 empoché au général et des placettes régulières. Même si la figure de proue de l’équipe Etixx avait fini par deux fois à la première place lors de l’édition 2014, on ne peut parler de mauvaise rentrée pour le co-recordman de victoires au Tour des Flandres et à Paris-Roubaix. Quand Tommeke réalise des débuts de saison flamboyants, ou du moins annonciateurs, il est en général parti pour, au moins, bien figurer lors de la campagne des classiques. Une traversée des Flandres qui s’annonce particulière pour l’ogre de 34 ans, contesté en interne par ses lieutenants, qui n’en ont que le nom. Afin d’éviter un imbroglio regrettable lors des journées clés, les forces en présence se doivent d’être clarifiées entre Boonen, Terpstra mais aussi Stybar et Vandenbergh. Ce qui appelle donc forcément à un gros début de saison, synonyme de match indirect entre tous ces prétendants, capables d’aller décrocher de très grandes victoires à la régulière.
Un jeu de chassé-croisé s’est donc installé sur les routes du mois de février, entre les fameux flandriens. On a vu Niki Terpstra bisser au Qatar, quand Tom Boonen montait en puissance, tandis que Fabian Cancellara s’attelle à s’accaparer un peu de lumière. Nul doute que la partie est loin d’être finie, et que tous voudront se mettre en valeur avant le grand début de la tournée belge, avec le circuit Het Nieuwsblad et Kuurne-Bruxelles-Kuurne. Même si la première fait jaser autour de la malédiction qui entourerait le vainqueur, souvent incapable de rééditer sa performance au printemps – soit lors des très grandes classiques -, les principaux hommes forts viennent de nous montrer qu’il faudra probablement compter sur eux une année supplémentaire en haut de l’affiche. De là à rêver d’une énième opposition frontale entre Boonen et Cancellara ? Le rêve est entretenu.