A 24 ans, Nairo Quintana vient de s’adjuger un Tour d’Italie particulièrement relevé. Il y avait longtemps qu’on n’avait pas vu un tel plateau sur la course rose, mais cela n’a pas empêché le grand favori du départ irlandais de monter sur la plus haute marche du podium à Trieste. Attendu, Quintana a répondu présent. Une entrée dans le monde des cadors par la grande porte.

Historique en tous points

L’épisode de la descente du Stelvio n’est pas prêt d’être oublié tant il a fait jazzé dans les coulisses de ce 97e Tour d’Italie. Mais entre cette polémique, mardi dernier, et l’arrivée finale de dimanche, Quintana a su montrer à l’intégralité des observateurs qu’il méritait bien sa victoire. Impérial sur la cronoscalata puis parfait gestionnaire dans le Monte Zoncolan, jamais il n’a été mis en danger depuis sa prise de pouvoir lors de l’étape reine. Uran a beau se plaindre, au final, il termine à près de trois minutes de son compatriote. Et ce temps là, le leader de la formation Movistar ne l’a pas gagné uniquement lors de cet épisode controversé. Quintana était en réalité le plus fort, il n’y a pas besoin d’aller chercher plus loin. En première partie de course, on a cru qu’il était un peu juste quand le maillot rose visitait les épaules d’Evans puis d’Uran, mais le protégé d’Eusebio Unzué s’est finalement montré parfaitement préparé, présent au moment opportun pour faire une différence décisive.

Cinq jours après sa prise de possession du paletot de leader, Quintana est donc arrivé en grand vainqueur à Trieste. Le public italien, depuis quelques jours, a du mal à l’adouber. Question de chauvinisme, sans doute, car les tifosi ont cru un moment que Fabio Aru pouvait décrocher un peu mieux qu’un podium. Mais rapidement, on n’en doute pas, tout ce beau monde va revenir à la raison et apprécier à sa juste valeur la performance de Quintana. Car le Colombien est rentré ce week-end dans l’histoire. Il est seulement le deuxième coureur de son pays à remporter un grand tour, après Lucho Herrera en 1987, vainqueur du Tour d’Espagne. Puis, dans l’histoire récente, il est l’un des plus jeunes lauréats. En effet, on connaît les incroyables qualités de grimpeurs du phénomène depuis quelques années déjà, mais il ne faut pas oublier qu’il n’a que 24 ans. Et pour trouver trace d’un vainqueur plus jeune que lui sur trois semaines, il faut revenir dix ans en arrière : c’était Damiano Cunego, en 2004, déjà sur le Giro.

Un tremplin ?

En début d’année, Nairo Quintana voulait disputer le Tour de France, comme en 2013. L’idée de recroiser Chris Froome, et de prendre une revanche légitime, trottait dans la tête du petit colombien. Mais la Movistar en a décidé autrement, alignant Valverde sur la Grande Boucle, et Quintana sur les routes transalpines. Contre mauvaise fortune bon cœur, ce dernier s’est alors mis en tête de remporter la course rose, histoire de ne plus avoir à y mettre les pieds dans les prochaines années. Avec ce nouveau statut de vainqueur de grand tour, le natif de Tunja espère donc rapidement retrouver les routes hexagonales. Ce sera sans doute très prochainement – dès 2015 ? – sans Valverde, et avec un statut de leader unique. Car le principal intéressé n’attend que ça : améliorer sa deuxième place obtenue l’été dernier, qui l’avait révélée aux yeux du monde entier. Son petit gabarit et son explosivité en montagne avait subjugués un public enclin à voir la Sky tomber. Finalement, il n’en aura rien été, mais Quintana avait déjà pris rendez-vous avec l’avenir.

Toutefois, décrocher le sacre au mois de mai ne signifie pas qu’on est capable d’en faire autant en juillet. Ils sont d’ailleurs nombreux, les lauréats du Giro, à s’être cassés les dents sur le Tour de France. Sur les 20 dernières années, seuls deux coureurs ont triomphé sur les deux épreuves : Pantani et Contador. Dire que Quintana a leur potentiel n’est pas exagéré ; mais dire qu’il a déjà les capacités de réaliser pareil exploit serait sans doute aller un peu vite en besogne. Si en de nombreux points, le jeune loup aux dents longues est plus aguerris que nombre de ses compatriotes, il reste perfectible. Et si la généreuse montagne italienne lui a permis de faire la différence sans trop de problèmes, de l’autre côté des Alpes, il y en a souvent mois. En revanche, le chrono individuel a souvent en France un rôle plus important. Sans être ridicule dans l’exercice, le Colombien paraît malgré tout bien loin d’un Froome notamment.

Alors sans briser l’espoir qui règne autour de l’un des plus grands talents entrevus ces dernières années, il faut un minimum protéger Nairo Quintana. S’il est déjà impossible de ne pas parler de lui en évoquant les meilleurs coureurs du peloton, et les favoris à chaque grand tour auquel il participe, le laisser souffler quelques secondes serait sans doute le préserver pour la suite. Car la pression, il disait en juillet dernier ne pas la ressentir. C’est parce qu’il était à l’époque la surprise du chef. Désormais, il sera attendu, partout. Il a connu l’effervescence depuis un an, il va désormais connaître les critiques à chaque fois qu’il ne gagnera pas. Et cela arrivera forcément, comme c’est arrivé aux meilleurs. Il faudra alors être capable d’encaisser, et de revenir plus fort ; comme l’ont fait les meilleurs. Avec ce sacre sur le Tour d’Italie, Nairo Quintana est entré dans la petite histoire du cyclisme. Pour y prendre une place plus importante, il va alors falloir faire fructifier ce triomphe. On compte sur lui.

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