C’est fait, le Tour de France magnifique de Warren Barguil n’a finalement pas changé son destin et le Breton est de retour chez lui. Le meilleur grimpeur de la Grande Boucle a décidé de rejoindre Fortuneo Oscaro, une formation qui évolue toujours à l’échelon continental Pro. Un choix qui pourrait sonner comme un manque d’ambition mais qui a des motivations bien compréhensibles.

À la maison

Warren Barguil le dit à qui veut l’entendre, il est Breton avant d’être Français ou même cycliste. Son mariage avec la plus bretonne des équipes professionnelles n’a ainsi rien de choquant. C’est un retour aux sources. L’affaire était d’ailleurs bien engagée avant même le début du Tour de France. Les résultats mirobolants du double vainqueur d’étape auraient pu lui faire tourner la tête vers d’autres cieux. Il n’en a rien été. Même redoré d’un prestige qui l’avait peu à peu quitté depuis ses deux succès sur la Vuelta 2013, à 22 ans à peine, le Breton a souhaité rentré chez lui. Il l’expliquait d’ailleurs à Robin Wattraint dans L’Equipe ce matin : « Je sais que beaucoup prennent ça comme une régression, mais j’avais besoin de faire des courses en France. Avec Sunweb, ça me manquait. Je voyais des courses près de la maison que je voulais faire, mais je ne pouvais pas. J’avais même demandé à la Ligue, pour l’an prochain, s’il était possible de venir faire certaines courses seul, sans équipe, lorsqu’on court à l’étranger. J’en ai besoin. » Il aurait même refusé une offre bien supérieure de la part d’UAE Team Emirates.

Alors, la partie se jouait entre Fortuneo-Oscaro et la nouvelle structure de Jérome Pineau, Vital-concept. A 25 ans, le Morbihannais s’est engagé avec l’équipe dirigée par le Brétilien Emamnuel Hubert pour trois saisons, préférant une formation déjà bien en place. « On ne bâtit pas sur rien mais sur un existant qui a une valeur. La base est bonne, sur le Tour on fait seizième avec Brice Feillu, huitième du classement par équipe », avançait Emmanuel Hubert sur la chaîne L’Equipe hier. Dans le communiqué qui annonçait la nouvelle, il était aussi mention d’arrivées d’autres coureurs chevronnés du peloton « issus du World Tour notamment ». Un nom, déjà, était cité, celui de l’expérimenté Amaël Moinard, équipier du victorieux Cadel Evans en 2011, neuf participations au Tour de France au compteur.

L’équipier de luxe est encore en belle forme, BMC l’avait d’ailleurs sélectionné pour accompagner Richie Porte cette année et l’Australien voulait fortement le conserver. Seul petit point noir, Fortueno-Oscaro vient de perdre son grimpeur argentin Eduardo Sepulveda, parti se relancer chez Movistar. Mais Fortuneo a les moyens d’entourer son nouveau leader, sa tête de proue à l’étiquetage local. Dans les semaines à venir, les noms devraient être égrenés. La structure bretonne va devoir mettre la main au porte-feuille mais c’est une occasion unique, en or, de franchir un cap et de postuler au World Tour dès l’an prochain. Car même si Warren Barguil passait à côté du Tour de France, n’oublions pas qu’il est aussi à l’aise au début du printemps. Sixième de Liège en 2016, sixième de la Flèche cette année, c’est un potentiel vainqueur de classique qui débarque en plus d’un excellent grimpeur. Également auteur d’un bon Tour de Suisse l’an passé (troisième) et d’un Paris-Nice honnête cette année (huitième), Barguil est un tout terrain.

Retour, ambition et pression

Son retour à la maison est opportun. Chez Fortuneo-Oscaro, une formation qu’il avait quitté en 2011 après une prometteuse année stagiaire ponctuée d’un succès d’étape sur le Tour de l’Avenir. À l’époque, l’équipe s’appelait Bretagne-Schuller et son prodige était déjà un immense espoir. Mais après quelques mois encourageants, le Team Argos-Shimano, était venu “voler” l’enfant du pays. L’équipe néerlandaise, avec sa vitrine si attrayante, avait emporté la mise. Warren Barguil rejoignait alors un effectif plein de jeunes talents à sa hauteur. Entre autres, John Degenkolb, Marcel Kittel et Tom Dumoulin. Des joyaux à polir dans une équipe neuve, un environnement saint et sans pression. Nul doute que pour Barguil, le choix fut le bon. Bien plus protégé que ses homologues Thibaut Pinot et Romain Bardet, sous le feu de projecteurs parfois critiques dans des équipes françaises, il a pu évoluer dans un cocon. Jusqu’au jour où la célébrité l’a embrassé sur les routes de la Vuelta 2013.

Incroyablement talentueux, il avait laissé apercevoir un sens de la course rare pour un coureur si jeune. C’était sûr, Warren Barguil était le messie du cyclisme tricolore. Celui qui ramènerait le drapeau français tout en haut de la hiérarchie mondiale. L’état de grâce ne dure jamais longtemps. Les galères s’étaient alors enchaînées. Plus attendu, moins incisif, gêné par des blessures, le Breton n’avait pas aussi bien réussi que prévu. Sur la Vuelta suivante, sa huitième au général, à seulement 23 ans, laissait presque le goût d’une amer déception, d’un chef d’oeuvre inachevé. Ses contre-performances sur le Tour et ses malheurs sur le bitume avaient ensuite confirmé ce sentiment. C’était avant. Avant que, sans pression sur les routes du Tour le mois dernier, Warren Barguil montre qu’il avait un talent que peu, très peu de coureurs ont. Et ce don est doublé d’une audace sans pareille. Alors, si cette Grande Boucle a réveillé son génie, il a également rappelé où résidait peut-être la faiblesse du Breton. Dans la réponse aux attentes suscitées. Si ce bémol n’est pas un fantasme de journaliste, alors le choix de Fortuneo est le bon.

Certes, les espoirs de toute une équipe reposeront sur lui. Oui, il est la pierre angulaire. Mais, même si « la volonté c’est d’aller plus haut pour jouer les premiers rôles » d’après Emmanuel Hubert, l’attente d’une équipe pro continental ne pèse pas le poids de celle d’armadas comme Sky, où Barguil a un temps été annoncé. D’ailleurs, comme il l’admettait dans les colonnes de Ouest-France, Warren Barguil privilégiait l’esprit à la réussite pure : « C’est un projet que je trouve excitant consistant à aller chercher des résultats dans les plus grandes courses internationales en conservant (un) état d’esprit “familial”. » Dans un cocon, avec une forme de pression moins prégnante, ce qu’il préfère. Et puis, le maillot à pois est un attaquant pur jus. Jouer les équipiers modèles n’est pas un rôle à sa mesure. Ce choix montre bien que le Breton a de l’ambition pour le futur. Il ne souhaite pas avancer dans l’ombre d’un Dumoulin vainqueur du Giro chez Giant, de Chris Froome chez Sky ou de Thibaut Pinot et Romain Bardet dans une équipe française plus huppée. Warren Barguil veut la lumière, il l’a beaucoup trop aimé cet été pour s’en passer en juillet prochain. Tant mieux pour le spectacle.

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