Dire qu’on l’attendait si haut serait mentir. Mais Romain Bardet a su bousculer une hiérarchie aujourd’hui remise en question pour s’offrir un premier podium sur le Tour de France. Le tout avec panache et suspense, deux choses trop rares ces trois dernières semaines pour que l’on boude notre plaisir.

Deux ans après Péraud et Pinot

Le garçon avait vraisemblablement du mal à réaliser. Depuis sa fantastique chevauchée vers le Mont Blanc, vendredi, il est sur son petit nuage. Mais hier, sur les Champs-Elysées, il a pu commencer à mesurer l’ampleur de son exploit. Tous ses potes d’AG2R La Mondiale étaient là, à quelques mètres du podium, pour admirer l’un des plus jeunes de la bande monter sur la boîte. Bardet termine entre Froome et Quintana, le symbole est fort. Il est entré dans la cour des très grands. Alors forcément, deux ans après Péraud et Pinot, sa performance a un goût particulier. Sportivement, c’est sans doute encore plus fort, parce qu’il a fallu battre tous les cadors – sauf Froome, devant lui, et Contador, qui a abandonné – à la pédale. Mais historiquement, la portée est moindre, parce que ça ne faisait pas quinze ans qu’on attendait ça. Des considérations anecdotiques, malgré tout, pour un Bardet qui a mérité de savourer.

Son Dauphiné, terminé déjà sur les talons de Chris Froome, n’était donc pas un exploit en soi. C’était simplement la preuve que l’Auvergnat fait désormais partie de ces coureurs sur qui il faut compter lors des grands rendez-vous. Deux ans après sa sixième place à Paris, il n’est plus question de parler de surprise : juste de confirmation. Bardet est un bon vivant, mais surtout un bourreau de travail, qui a tout mis en œuvre pour atteindre cet objectif du podium. Parfois trop entreprenant sur la route, il a aussi pris soin de calmer ses ardeurs pour ne pas s’éparpiller. Mais, joli clin d’œil de la course, c’est sur un coup aussi inattendu que bien senti qu’il est allé conquérir cette deuxième place, au nez et à la barbe de Quintana, Yates et Porte. Chassez le naturel il revient au galop. Vincent Lavenu et Julien Jurdie ont vécu la descente de la côte de Domancy la boule au ventre, mais leur leader, accompagné de Mikaël Cherel, avait vu juste.

Il ne l’a pas volé

Dans un Tour où les autres favoris ont manqué à leur devoir, incapables pour certains de place ne serait-ce qu’une attaque, Bardet n’a rien volé. Les deux hommes les plus entreprenants terminent sur les deux plus hautes marches du podium, juste récompense qui peut-être en fera réfléchir quelques uns. Alors bien sûr, les plus sévères diront qu’en ne bougeant pas, samedi vers Morzine, Bardet a manqué de vérifier l’état de Froome après sa chute. C’est un détail, tant les risques de tout perdre était grands et tant il aurait été miraculeux de reprendre plus de quatre minutes. Pour une fois, le Français l’a joué raisonnable, après avoir déjà joué avec le feu la veille, quand ses directeurs sportifs lui disaient d’assurer dans la descente. Attaquant lucide, voilà donc comment qualifier le nouveau Romain Bardet. Celui qui pourrait commencer à prendre goût à se positionner en dauphin de Chris Froome. Jusqu’à ce que lui vienne l’idée de faire vaciller le patron…

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