Des aveux de dopage en 2007 et des révélations accablantes de plusieurs coureurs passés sous ses ordres depuis quelques années, le nom de Bjarne Riis est et restera sans doute pour toujours accolé au fléau de notre cyclisme. Sauf que là, c’est toute l’entité CSC – et sa successeur Tinkoff – qui est remise en cause.

Un dopage organisé…

Lorsqu’en 2001, Riis devient directeur sportif de l’équipe CSC, tout semble logique. Si les observateurs ne le portent pas en très haute estime, la connexion danoise entre le vainqueur du Tour 1996 et la formation qu’il intègre ne choque pas vraiment. Sauf qu’aujourd’hui, si la relation entre CSC et dopage est très répandue – en grande partie à raison -, c’est surtout grâce à Riis. Ses aveux de dopage en 2007, notamment concernant sa victoire sur le Tour onze ans auparavant, n’ont fait que légitimer des soupçons qui ont toujours pesé sur lui. Conséquence, si ses compétences en tant que manager ont très rarement été remises en cause, son honnêteté et sa propreté n’ont jamais convaincu. Certains, comme Jaksche, Hamilton ou Rasmussen, ont raconté ce qu’ils savaient depuis un moment, égratignant l’image déjà déplorable de Riis. Mais il y a quelques jours, la Commission anti-dopage et le Comité national olympique danois ont publié un nouveau rapport, encore plus à charge.

Selon eux, il était impossible que Bjarne Riis ne soit pas au courant des pratiques au sein de son équipe. Tyler Hamilton, qui a couru deux saisons chez CSC, a notamment été réentendu par les enquêteurs, et assuré que le manager danois donnait lui-même les instructions aux médecins pour administrer, notamment, la cortisone. Bo Hamburger, proche de Riis durant quelques années, a pour sa part révélé que l’équipe avait mis en place un « centre de dopage » chez un coureur de l’équipe, au Luxembourg. Un endroit où étaient stockées tous les produits avant d’être distribuées au coup par coup à chaque coureur. De quoi confirmer l’hypothèse d’un dopage collectif et organisé, comme il y a pu en avoir à l’US Postal. D’ailleurs, à en croire les témoignages du rapport, Riis prenait souvent exemple sur l’équipe américaine pour justifier ses pratiques et surtout, inciter ses coureurs à franchir le pas. Hamilton a par exemple assuré que c’est son manager qui lui avait fourni le numéro du sulfureux docteur Fuentes pour qu’il puisse avoir accès au dopage sanguin.

…qui dépasse le cadre du cyclisme danois

Si le cas Bjarne Riis a longtemps été celui du cyclisme danois, il est désormais beaucoup plus que ça. Les révélations de Nicki Sorensen il y a quelques jours, qui a passé la quasi totalité de sa carrière chez CSC, prouvent une nouvelle fois que les coureurs danois étaient en tête de liste pour recevoir les produits dopants, les autres n’étaient pas en reste. L’affaire Puerto en 2005 a par exemple fait tomber Michele Bartoli et Ivan Basso, qui n’avaient rejoint la formation de Riis qu’un an auparavant. Comme quoi signer pour la CSC impliquait presque immédiatement de se doper, une pratique qu’a corroboré Jörg Jaksche en revenant sur l’épisode de sa signature, lui aussi en 2004. Durant les négociations, Riis lui aurait détaillé le programme dopant de l’équipe et le rôle des médecins, presque comme un argument de vente. Fort logiquement, aujourd’hui, chaque coureur étant passé sous les ordres du manager danois est soupçonnable. Si dopage collectif il y avait, il paraît difficile que certains soient passés entre les goutes.

Carlos Sastre, pourtant, continue d’affirmer qu’il n’a jamais rien pris. Une source anonyme – qui pourrait être Basso – affirme certes que Riis a incité l’Espagnol à s’auto-transfuser, mais le vainqueur du Tour 2008, interrogé par Cyclingnews, a formellement nié. Pour la source à l’origine de l’information, cette incitation au dopage aurait fortement irrité Sastre, d’où un départ surprenant en fin de saison pour la naissante Cervélo. L’Ibère a également réfuté cette hypothèse, dans la logique de sa défense : il ne se rappelle pas avoir eu cette conversation au sujet de l’autotransfusion avec son manager. De l’extérieur, tout ça paraît un peu gros, et on ne peut s’empêcher de penser à toutes ces affaires annexes presque oubliées aujourd’hui, comme le contrôle positif de Michael Rogers en 2013 ou le rapport du Sénat incriminant Laurent Jalabert. Ce rapport de la Commission anti-dopage et du Comité national olympique danois, s’il a donc un peu plus enfoncé Bjarne Riis, a aussi semé le doute sur tous les coureurs de la CSC, et même aujourd’hui de Tinkoff. Comme s’il n’était jamais possible de sortir de ce fléau…

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