Ce mardi vers Aprica, le Giro a pris un nouveau tournant. Alors que Fabio Aru a concédé du temps, Mikel Landa s’est imposé et a repris la deuxième place du classement général, à un peu plus de quatre minutes d’Alberto Contador. A cinq jours de l’arrivée à Milan, c’est confirmé : l’équipier est meilleur que le leader, et Astana ne peut pas rester sans réponse devant cette situation aussi inattendue qu’embarrassante.

Aru n’y est pas, Landa marche sur l’eau

L’Italie comptait sur Fabio Aru pour disputer la victoire au grand favori qu’est Contador. Finalement, de bataille il n’y aura pas eu après la première semaine, où l’Italien avait placé quelques banderilles inefficaces. Parce que malgré tout son talent, le Sarde est encore bien loin du niveau du Pistolero, spécialiste des grands tours et qui ne cesse de creuser l’écart depuis le contre-la-montre de samedi. Mais s’il n’y a là pas grand chose de surprenant, les performances de Mikel Landa depuis une semaine le sont elles beaucoup plus. Venu pour aider son leader sans que l’on sache vraiment jusqu’où il tiendrait en montagne, il se révèle jour après jour bien plus costaud qu’Aru. Vainqueur à Madonna di Campiglio, quand Contador se contentait de jauger Aru, il a récidivé avec la manière ce mardi à Aprica. Si chez Astana, un coureur est capable d’aller titiller le maillot rose, il ne fait aucun doute que c’est désormais Landa. Pourtant, faire de l’Espagnol le nouveau leader paraît très compliqué pour l’équipe kazakhe.

Demander à Aru de se mettre au service de celui qui était censé être son lieutenant aurait en effet quelque chose de presque dégradant. C’est donc un dilemme compliqué qui se pose pour la formation Astana, et le passé montre qu’on a presque toujours tendance à faire confiance au leader désigné. Hinault face à Lemond en 1985 ou Wiggins face à Froome en 2012 sont là pour attester de la difficulté – pour ne pas dire l’impossibilité – de changer son fusil d’épaule en cours d’épreuve. La comparaison est osée, on vous l’accorde, surtout que sur ce Giro, Astana n’a pas à choisir celui qui remportera l’épreuve, mais plutôt celui qui aura le droit d’aller essayer. Il n’empêche que sur le Tour 2013, on avait connu pareille situation avec le duo Contador-Kreuziger, le Tchèque se montrant à quelques occasions supérieurs à son leader, sans pour autant que l’équipe Tinkoff ne le désigne leader. Cette semaine, c’est pareil : avec un Aru encore dans les temps de Landa, il est très compliqué d’offrir le leadership à l’Espagnol. Le désaveu serait trop grand.

La langue de bois, jusqu’à quand ?

A l’arrivée d’Aprica ce mardi, Landa faisait dans la diplomatie. « Le mieux, c’est de faire la guerre ensemble à Contador », a assuré l’Ibère. C’est faux, et il le sait. Au sein de la même équipe, ne pas vouloir qu’un des deux hommes se mette au service de l’autre serait complètement improductif. Si Astana veut espérer gagner le Giro, il faudra innover tactiquement et surtout faire confiance au plus fort. Face à un coureur aussi dominateur que Contador, il est impossible de satisfaire les ambitions de tous en espérant revenir au classement. Si Landa est supérieur à Aru – et c’est l’avis même du Pistolero -, alors il doit avoir l’aval de son équipe pour jouer sa carte et faire honneur à son équipe. Ce n’est pas avec des stratégies hasardeuses, qui amènent le maillot rose dans un fauteuil pour cacher les faiblesses de son leader que la formation kazakhe arrivera à renverser la course. Si cette ambition est réelle du côté des hommes d’Alexandre Vinokourov, prendre la décision la plus logique s’avère indispensable. L’ego de Fabio Aru en prendra sans doute un coup, mais ça pourrait en valoir la peine.

Sinon, le train bleu peut continuer d’attendre en vain que son leader se refasse une santé, bien caché dans les roues jusqu’aux premières attaques. Il perdra une minute à chaque étape et le dernier jour vers Sestrières, il pourra pourquoi pas offrir aux observateurs un baroud venu d’ailleurs pour rattraper un retard qui paraît d’ores et déjà insurmontable. Mais pour y croire, il faut beaucoup d’optimisme et même de folie. Au contraire, Landa, lui, s’est montré capable de reprendre du temps à Contador sur les deux dernières étapes de montagne. Avec le soutien d’Aru et des tentatives plus lointaines, le Basque pourrait finalement surprendre tout le monde. Evidemment, ce serait un coup de théâtre énorme que le leader de l’équipe Tinkoff ne remporte pas ce Giro. Mais depuis ce week-end, on a compris que si quelqu’un pouvait l’en empêcher, c’était Mikel Landa et personne d’autre.

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