Le mois de mai bouclé, les vacances ne sont toujours pas au programme du côté de l’équipe Astana, loin s’en faut. Fabio Aru, autre grimpeur hors pair, s’est fixé comme principal objectif le Tour de France, et compte bien mettre tous les moyens possibles de son côté pour monter, au minimum, sur le podium. Le compte à rebours est lancé, et le Critérium du Dauphiné, qui propose dimanche un prologue en côte aux Gets, devrait déjà donner le ton.

Une relative inexpérience à combler

Pur produit du cyclisme italien, le Sarde y a fait l’immense majorité de ses classes, marquant les esprits sur les courses transalpines réservées aux amateurs, avant de se révéler au grand jour sur le Giro 2014, décrochant la victoire en haut du Plan de Montecampione, montée célèbre pour avoir vu Pantani y faire une démonstration. Troisième de son tour national cette année là, il a encore progressé d’un rang en 2015, buttant cette fois sur Contador, avant de revenir sur une épreuve qui lui avait tout autant convenu, le Tour d’Espagne. Favori sur le papier, il lui avait tout de même fallu éjecter Tom Dumoulin lors de la vingtième étape pour s’adjuger son premier Grand Tour. Quelque chose qu’il n’aurait sans doute jamais pu obtenir sans la formidable force collective des italo-kazakhs, qui savent exploiter leur surnombre dans les moments clés. À 25 ans, son CV est déjà impressionnant, mais pour tout suiveur centré sur le seul territoire français, son nom est à peine identifiable. Et pour cause, à l’exception d’une incursion en Haute-Savoie du renommé Tour de la Vallée d’Aoste, et d’un Grand Prix de Fourmies peu conventionnel, le seul passage de Fabio Aru dans l’Hexagone remonte au Paris-Nice 2015. Huitième au sommet de la Croix de Chaubouret, il termina toutefois bien loin du top 20, sans laisser un souvenir impérissable.

Mystérieux, l’Italien l’est encore, et sait bien garder ses différences avec son coéquipier Nibali. Quand le Requin de Messine, lui, est volontairement plus détendu, fantasque, s’autorisant quelques excès sur le vélo, Aru, lui, tient une posture austère qui semble pour le moment très efficace au vu des résultats. Peu étincelant durant ses rares courses de préparation, le voir lutter pour la gagne le week-end prochain dans les Alpes aurait un goût de nouveauté. La répétition, elle, paraît obligatoire. Parce que le Tour de France n’est jamais comme les autres épreuves, et qu’il tolère sans doute moins les surprises, montrer des signes sur les étapes de montagne permet de se rassurer psychologiquement, et d’afficher son appétit. Wiggins, Evans et Froome l’ont montré. Et de prendre des repères, avant tout. Si les hommes de main du vainqueur du Giro sont en repos, Aru devrait retrouver au départ du Mont Saint-Michel cinq des huit coureurs du Dauphiné : Cataldo, Grivko, Lutsenko, Rosa et Tiralongo.

Est-il taillé pour cette année ?

Des spécificités individuelles, Fabio Aru en possède de nombreuses, mais sa trajectoire de 2016 ressemble fortement à celle empruntée par le champion sicilien. Avant les championnats d’Italie, intercalés entre le Dauphiné et la Grande Boucle, Nibali n’avait toujours rien gagné depuis l’hiver, et semblait ronronner dans un sommeil léger. Sauf que cette fois, Fabio Aru n’a guère couru plus de 21 jours, contre 45 pour son aîné avant son été victorieux ! Est-ce suffisant pour réaliser l’impossible ? Peut-il physiquement titiller Froome, Contador, Pinot et Porte sur une arrivée en altitude ? Celui qui préfère les longs stages aux enchaînements de courses en amont, se déclare néanmoins dans la même situation que s’il venait d’accomplir une épreuve de trois semaines, étant resté 22 jours à Sestrières pour parfaire sa condition. Interviewé par la Gazzetta avant de franchir la frontière pour les Gets, Aru estime que le prochain rendez-vous sera satisfaisant s’il ressentira de la fatigue à l’arrivée.

Toujours concentré sur son propre rythme, une bonne prestation lors du contre-la-montre d’ouverture permettrait d’y voir plus clair. Avec près de quatre kilomètres à 9 % de moyenne, l’ascension du Mont Chéry risque de faire de gros dégâts, et préparera à un autre exercice de style prévu pour juillet, à Sallanches. 17 kilomètres de chrono en montée irrégulière seront au menu en troisième semaine. Et quand on sait qu’il y a deux ans, Aru avait failli battre Quintana sur un long effort au Monte Grappa, les conséquences pourraient être significatives. À condition, d’ici là, d’être le leader désigné de sa formation, qui ne pourra trancher qu’après avoir franchi les premiers reliefs pyrénéens. Dans un contexte de relation pas aussi chaleureuse que l’on ne l’eut cru dans un premier temps, Fabio Aru à tout intérêt à marquer les esprits en juin, pour clarifier la donne. Sur un parcours qui ne présente pas d’éléments susceptibles de jouer en sa défaveur, il serait donc bien inspiré de se désinhiber avant le 24 juillet.

NOS FAVORIS

**** Chris Froome, Alberto Contador
*** Thibaut Pinot, Richie Porte, Fabio Aru
** Romain Bardet, Pierre Rolland, Joaquim Rodriguez, Bauke Mollema
* Adam Yates, Daniel Moreno, Louis Meintjes, Louis Vervaeke, Daniel Martin

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