Il était venu sur le Giro pour épauler son leader désigné, Michele Scarponi. Finalement, Scarpo a craqué assez rapidement, sur les premières étapes de montagne. Et c’est le tout jeune Fabio Aru, 23 ans et qui participe pour la deuxième fois seulement à la course rose, qui a endossé le rôle de porte-drapeau de l’équipe Astana. On ne l’attendait pas aussi tôt.

Amoureux du Giro

Aru est jeune, et le staff de l’équipe Astana souhaite surtout éviter de lui mettre trop de pression. Giuseppe Martinelli, directeur sportif conscient du potentiel de son poulain, préfère ainsi calmer les ardeurs d’un public italien qui n’a, ces dernières années, que Vincenzo Nibali pour rêver de grandes victoires. Pour autant, le principal intéressé n’a pas l’intention de se la couler douce. Et avant même le départ de ce Tour d’Italie, il n’avait pas pour objectif de venir pour apprendre. « Tout le monde attend beaucoup de moi, et moi aussi. J’espère voir que j’ai réalisé de gros progrès par rapport à l’an passé. » Martinelli, en faisant l’éloge du natif de San Gavino Monreale, reconnaissait alors que « s’il échoue sur ce Giro, il sera bouleversé. » Preuve que le garçon se met lui-même la pression, désireux de prendre ses responsabilités plus tôt que ne l’avait sans doute prévue la formation kazakhe. En effet, après une semaine de course, il a déjà supplanté son leader, ancien vainqueur de l’épreuve.

Il est vrai, aussi, que l’homme connaît le terrain. Deuxième du Baby Giro, en 2012, il avait déjà fait vibrer l’Italie du vélo, en étant le premier transalpin derrière un survolté Joe Dombrowski. Cela lui avait valu d’attiser davantage l’intérêt de nombreuses équipes, déjà sur les rangs. Et c’est ainsi que ce qui devait être un contrat de stagiaire chez Astana s’est transformé en un contrat pro. Depuis, Aru s’est révélé aux yeux du grand public, terminant quatrième du Tour du Trentin en 2013, avant d’être un solide équipier pour le Squale sur le Giro. Victime de pépins physiques à la mi-course, il dû batailler pour terminer péniblement 42e, une place qui ne reflétait alors pas du tout son réel niveau. Car ce qui comptait réellement, c’était ses coups d’éclats survenus au cours des trois semaines de course. Il y eut cette prise du maillot blanc, après le chrono par équipes, qui le mit un peu en lumière. Mais surtout, en toute fin d’épreuve, une fois l’organisme bien usé, il était parvenu à décrocher une cinquième place au sommet des Tre Cime de Lavaredo. Annonciateur.

La relève est là

Basso, Scarponi, Pellizotti, Cunego. Ces hommes, qui ont joué la victoire sur les grands tours de la dernière décennie sont en fin de carrière. Vincenzo Nibali a pris le relais, mais depuis deux ans, il semble bien seul pour porter l’étendard transalpin. L’avènement rapide de Fabio Aru est donc presque une bénédiction pour les tifosi. Cependant, le plan des hommes de Vinokourov pour le premier grand tour de la saison ne devait pas mettre tant que ça le prodige sous le feu des projecteurs, l’équipe misant davantage sur le vétéran Scarponi. Le briscard avait la légitimité pour lui, mais pas les jambes. Conscient du risque, l’encadrement d’Astana avait malgré tout décidé de laisser quelques libertés à Aru. Alors après une semaine à protéger son leader, lorsque celui-ci a lâché prise dans la montée vers Montecassino, le Sarde a continué son chemin. Avant quand deux jours plus tard, vers Montecopiolo, Aru ne termine avec les cadors quand Scarponi concèdait près de dix minutes au vainqueur. C’est là que les rôles se sont définitivement inversés.

Voilà le jeunot promu leader avant la dernière semaine gigantesque qui s’annonce. Septième du général, à huit secondes de Quintana malgré un chrono qui l’a vu concéder près de trois minutes à Uran, l’ancien vainqueur du Tour de la Vallée d’Aoste est l’un des coureurs inattendus du top 10. Avec Pozzovivo, il représentera les grimpeurs italiens en haute montagne lorsqu’il faudra rivaliser avec le duo colombien annoncé virevoltant. Et si les doutes étaient légitimes jusqu’à l’an dernier, ils le sont de moins en moins. C’est en effet lorsque la route s’élève que le jeune transalpin est le meilleur, et le contre-la-montre de Barolo était la seule étape du parcours qui l’handicapait vraiment. A présent, c’est son terrain de jeu favori qui se profile, et ses performances récentes – il a terminé dans le top 10 de toutes les étapes du dernier Tour du Trentin – sont là pour rassurer. Enfin, son début de saison plutôt tranquille lui confère une certaine fraîcheur qui pourrait compter au moment d’enchaîner les étapes marathons. Car désormais, Aru ne peut plus se cacher : l’Italie compte sur lui.

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