Le champion de France sort d’une saison prolifique ponctuée de quinze succès, mais souligne malgré tout quelques bémols. Sans s’y attarder outre-mesure, le Beauvaisien est conscient de ne pas avoir gagné sur les plus grandes épreuves du calendrier. Mais toujours plus à l’aise sur les classiques flandriennes et débarrassé d’une concurrence ambigüe avec Nacer Bouhanni, le sprinteur de la FDJ.fr aura le champ libre en 2015. Pour la Chronique du Vélo, il revient donc sur une saison riche qui s’inscrit dans une logique de progression omniprésente depuis son arrivée dans le peloton. Entretien.

Arnaud, vous êtes en stage et déjà focalisé sur la saison prochaine, mais comment ne pas revenir sur votre exercice 2014… Avec quinze succès, vous êtes l’homme le plus prolifique du peloton derrière André Greipel, qu’est-ce que cela représente pour vous ?

C’est vrai que c’est quand même impressionnant de figurer aussi haut dans ce classement, mais sans dévaloriser les organisateurs, je n’ai pas non plus gagné de très grandes courses. Ca reste génial et ça s’inscrit dans ma progression, mais l’avenir est peut-être de cibler un peu plus des grands objectifs.

En effet, vous n’avez pas gagné en World Tour cette saison (contrairement aux années précédentes). Est-ce anecdotique ou une réelle déception à corriger l’année prochaine ?

Je retiens surtout ma deuxième place à Gand-Wevelgem, donc dans l’ensemble ça reste anecdotique. Je n’ai pas forcément eu l’opportunité pour gagner en World Tour, mais je pense qu’avec l’équipe qu’on aura la saison prochaine, je devrais pouvoir aller en chercher une belle.

2014 a également confirmé que vous pouviez être aussi performant sur les classiques que sur les courses par étapes, mais votre calendrier a-t-il été en partie dicté par la présence de Nacer Bouhanni dans l’équipe ?

Forcément il faut partager les courses, donc Nacer n’a pas pu participer à des courses qu’il souhaitait faire, comme moi j’ai dû me priver de certaines épreuves. Mais à aucun moment ça ne nous a empêché de gagner chacun de notre côté. Parce que de toute façon quand on est deux il faut partager, et quoi qu’il en soit, pour ma part, j’ai eu malgré tout un programme très chargé.

Vous avez effectivement participé à votre premier Tour de France, et quand vous êtes parvenu à disputer les sprints, vous vous êtes montré très proche des meilleurs (deux fois troisième). Quels enseignements tirez-vous de ce mois de juillet ?

J’étais un peu en baisse de régime, et je sais que l’an prochain je modifierai un peu mon calendrier, mais j’ai malgré tout beaucoup appris sur ce premier Tour de France.

Vous avez l’impression d’être arrivé sur le Tour avec trop de jours de course ?

A un moment donné oui, je pense que j’ai un peu trop couru. Donc on en a bien parlé avec les entraîneurs et les directeurs sportifs, et on va modifier certaines choses dans mon programme.

On précise cependant que vous avez été bien placé « quand vous êtes parvenu à disputer les sprints », car ça n’a pas toujours été le cas. Il y a eu de la malchance, mais n’avez-vous pas aussi péché par manque d’expérience ou de culot?

Je pense surtout qu’on avait un travail important à faire autour de Thibaut Pinot, et qu’on n’était qu’avec Mickaël (Delage, ndlr) et William (Bonnet, ndlr) pour les sprints. On arrivait donc parfois bien placés, mais aussi un peu émoussés, et je pense qu’on a manqué de fraîcheur dans l’ensemble. Et même quand j’étais très bien emmené, il m’est arrivé de manquer de force ou d’expérience.

Même si cette saison vous n’avez pas gagné en World Tour, vous avez enchaîné les places d’honneur, y compris sur les classiques. Cela dénote d’une véritable progression, mais vous y attendiez-vous ?

C’était des objectifs que je me donnais, oui. J’apprécie énormément les classiques, je savais que je voulais progresser dans ce domaine après avoir appris mes deux premières saisons, et j’ai montré que je pouvais être présent au bon moment. On a aussi une équipe construite autour d’individualités fortes, et en courant ensemble, on a pu prouver notre valeur.

Votre douzième place à Roubaix ou la deuxième sur Gand-Wevelgem ont été marquantes, mais pensez-vous qu’il soit possible de devenir l’un des meilleurs à la fois dans le sprint et sur les flandriennes ?

Oui je pense que c’est possible, il n’y a pas besoin de faire de choix pour l’instant. On peut partager sa saison en deux parties : la période des classiques ; et les sprints après Paris-Roubaix.

Depuis deux ans, on a tendance à beaucoup vous comparer à Nacer Bouhanni et à instaurer une rivalité pas forcément très saine entre vous. Son départ pour Cofidis est-il un soulagement pour vous ?

Oui je pense que les médias en ont un peu trop rajouté. Nacer est un excellent sprinteur, un coureur de talent, qui a choisi de partir et cela va augmenter notre rivalité parce que cette fois on sera de vrais adversaires. Désormais on va courir l’un contre l’autre, mais jusqu’à maintenant on avait su tirer profit de la situation pour progresser. Lui gagnait de son côté, moi du mien. Mais son départ va je pense augmenter le niveau du sprint français, et c’est tant mieux. On n’en a jamais autant parlé qu’avec Nacer et Démare.

Il n’y aura surtout plus besoin de partager le leadership, est-ce pour vous une opportunité, qui vous permettrait notamment de courir le Tour et un autre grand tour ?

Non cela ne va pas changer grand chose car on ne peut pas courir deux lièvres à la fois. On a pu cohabiter correctement et je vais peut-être découvrir quelques courses, mais ce n’est pas pour autant que cela va changer mon approche des courses ou mon palmarès.

Pour terminer, vous avez 23 ans. A cet âge là, Sagan avait déjà gagné sur le Tour, Cavendish commençait et Bouhanni décrochait ses premiers succès sur le Giro. Et vous, une première victoire sur un grand tour, est-ce quelque chose qui vous trotte dans l’esprit ?

Je me pose rarement ce genre de questions, et je ne me compare pas vraiment aux autres. Je mettrai le temps qu’il faudra. Des garçons comme Kristoff ou Kittel ont mis un peu plus de temps avant d’y parvenir, donc je ne m’inquiète pas.

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